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Cadre juridique pour les couples en union libre :  premier coup de sonde au Québec 

27 mars 2024 | Alexandra Madoyan

Mise à jour : 27 mars 2024

Des chercheuses s’intéressent aux souhaits de la population québécoise en matière de reconnaissance officielle des unions libres.  

Quelles sont les attentes des Québécoises et des Québécois vis-à-vis du cadre juridique entourant les unions libres ? C’est la question à laquelle se sont intéressées les chercheuses Hélène Belleau et Maude Pugliese de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), et leur collègue Carmen Lavallée de l’Université de Sherbrooke.  

Ce sont plus de 2 500 personnes – femmes, hommes, mariés ou conjoints de faits – qui ont répondu à une large enquête réalisée en 2022. Les analyses de ce sondage, le premier sur le sujet dans la province, sont publiées dans le rapport « Un cadre juridique pour les unions libres au Québec ? Ce qu’en pense la population ».   

La professeure Hélène Belleau, également titulaire de la Chaire  argent, inégalités et sociétéen partenariat avec la Chambre de la sécurité financière, souligne le caractère unique de l’étude.

« Pour la première fois grâce à cette enquête, nous avons pu montrer qu’un véritable consensus se dégage en faveur d’un traitement juridique similaire pour les couples mariés et pour les couples en union libre au Québec. Cela va à l’encontre des idées reçues sur le sujet. »

Hélène Belleau, professeure à l’INRS, spécialiste du couple et de l’usage social de l’argent

En effet, pour plus de 70 % des personnes interrogées, les couples en union libre devraient être considérés par la loi comme les couples mariés après quelques années de vie commune. Ceci est vrai aussi bien pour les hommes que pour les femmes, pour les personnes ayant connu un divorce que pour celles ayant vécu une séparation. Le niveau de connaissance en droit n’influence pas non plus les données.   

« On remarque que les personnes répondantes au sondage soutiennent majoritairement les propositions les plus universalisantes : au-delà de la présence d’enfants, on appuie un encadrement juridique global pour les conjoints de fait », illustre la professeure Belleau.   

« Ce sondage contredit également l’idée largement répandue selon laquelle les personnes vivant en union de fait le font principalement parce qu’elles rejettent l’encadrement prévu par la loi pour les personnes mariées », ajoute Carmen Lavallée, professeure titulaire et directrice du programme de maîtrise en droit de la Faculté de droit à l’Université de Sherbrooke. 

Unions libres non encadrées, un paradoxe québécois  

Selon le dernier recensement de Statistique Canada effectué en 2021, le Québec compte la plus grande proportion de couples en union libre au pays. « En moyenne, 50 % des couples québécois vivent en union libre, et plus de 80 % des enfants naissent hors mariage », indique la spécialiste des questions de famille, de couple et d’usage social de l’argent.  

Pourtant, la province est aussi la seule au Canada à ne disposer d’aucun cadre juridique pour la protection des individus dans l’éventualité d’une séparation ou d’un décès du conjoint.   

Maude Pugliese INRS

« En ce qui concerne les décès, une autre étude de notre équipe publiée en 2023 avait montré que 65% des couples non mariés entre 25 et 50 ans n’ont pas de testament et ne légueraient par conséquent rien à leur conjoint ou conjointe en cas de décès, trop souvent sans le savoir. Ceci peut mener à de véritables tragédies financières – par exemple la part de la maison d’un conjoint décédé revient à sa famille, ce qui place le conjoint survivant dans la situation de devoir la racheter.»

Maude Pugliese, spécialiste en finances et inégalités dans les familles et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en expériences financières des familles et inégalités de patrimoine  

Les inégalités hommes-femmes exacerbées par l’absence de législation  

Par ailleurs, lors d’une enquête précédente sur la vulnérabilité financière des femmes dans le couple, Hélène Belleau constatait déjà les conséquences négatives de cette absence d’encadrement pour les femmes. À titre d’illustration, une « carte des risques de l’union libre » par régions avait été dressée par son équipe de recherche.   

Verdict : en fonction de la situation familiale, du nombre d’années de vie commune, de la division des dépenses ou encore de la présence d’enfants, les femmes seraient davantage susceptibles d’être perdantes en absence de lois claires.   

Les résultats du nouveau rapport de l’INRS, colligés avec les données précédentes en la matière, viennent ainsi apporter des éléments structurants pour faire avancer la discussion en matière de reconnaissance légale des couples en union libre.