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Réduire les allergies à certains médicaments sans en perdre l’efficacité

3 décembre 2014 | Stéphanie Thibault

Mise à jour : 9 décembre 2020

Dans les veines d’un groupe de souris, une enzyme qui provoque habituellement de fortes réactions allergiques circule sans alerter le système immunitaire. L’enzyme injectée aux rongeurs a d’abord été camouflée dans un polymère, comme le décrit Marc A. Gauthier, professeur au Centre Énergie Matériaux Télécommunications de l’INRS, dans un article publié dans la revue Nature Communications. L’exploit est d’avoir réussi à emballer l’enzyme de façon à éviter la réponse immunitaire sans compromettre son activité. Une première in vivo qui ouvre la porte à de nombreuses applications cliniques.

La stratégie qu’ont proposée le professeur Gauthier et ses collaborateurs suisses résoud un problème très concret. Des molécules qui ont un fort potentiel thérapeutique sont parfois dégradées rapidement dans la circulation sanguine ou encore causent des allergies. C’est le cas de la L-asparaginase, une enzyme utilisée pour lutter contre la leucémie lymphoblastique, à laquelle près de 20 % des patients développent des allergies.

L’équipe de recherche a utilisé un polymère en forme de peigne, le poly-OEGMA, qui habille l’enzyme à la manière d’un manteau de fourrure. Les anticorps ne parviennent pas à se fixer à l’enzyme ainsi protégée : la L-asparaginase conjuguée au poly-OEGMA est 3000 fois moins reconnue par les anticorps que la L-asparaginase « nue ».

« De façon générale, en utilisant les approches à la fine pointe dans le domaine, la protection efficace d’une enzyme se fait au coût d’une perte significative de son activité enzymatique. Nous sommes les premiers à montrer, in vivo, que les polymères en forme de peigne protègent nettement mieux une enzyme que d’autres approches, en ne réduisant que légèrement son activité enzymatique. »  

Marc A. Gauthier, professeur

Pour que cette approche fonctionne, la molécule que l’enzyme transforme doit être suffisamment petite pour se glisser dans les « poils » du polymère. Autrement, la réaction ne pourrait avoir lieu. Dans le cas de la L-asparaginase, la preuve est maintenant faite que cette approche est efficace et elle pourra également être testée sur d’autres enzymes semblables.

D’autre part, la conjugaison avec le poly-OEGMA pourrait protéger des molécules thérapeutiques qui sont dégradées rapidement en empêchant qu’elles entrent en contact avec les protéines qui les inactiveraient ou les briseraient. Cette autre application est tout aussi prometteuse.

À propos de cette publication

L’article publié dans Nature Communications « Semi-permeable coatings fabricated from comb-polymers efficiently protect proteins in vivo ». Cette recherche menée au Swiss Federal Institute of Technology Zurich a été réalisée par les chercheurs Mi Liu, Jean-Christophe Leroux et Marc A. Gauthier. Elle a reçu le soutien du Chinese Scholarship Council et de la Fondation Sassella. DOI:10.1038/ncomms6526

En complément :

Viser juste grâce aux molécules biohybrides (article sur les recherches du professeur Marc Gauthier)