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Perspectives improbables : Repenser l’urbanité par l’alimentation avec les marchés publics

21 mars 2024

Mise à jour : 21 mars 2024

Les capsules « Perspectives improbables » braquent les projecteurs sur des sujets de recherche inusités qui marquent l’esprit et invitent à la réflexion.

Vous êtes-vous déjà demandé à quoi ressemblerait une ville sans ses restaurants ni ses marchés publics ? Le professeur de l’INRS Nipesh Palat Narayanan, spécialisé en géographie critique et études urbaines, s’intéresse justement aux cultures culinaires et au street food. Il étudie notamment la manière dont les habitudes d’une population façonnent leur ville.

« La ville est construite par la nourriture, et la nourriture est elle-même construite par les habitudes socioculturelles. En ce sens, on peut dire que la nourriture bâtit l’espace urbain », explique-t-il. Analyser l’alimentation d’un point de vue géographique et urbain permet de mieux saisir la dynamique de développement des villes.

Les marchés publics dans la collectivité

Grâce à une comparaison entre les marchés publics de Montréal et de Dehli, le professeur Nipesh Palat Narayanan explore comment ces espaces de commerce et de socialisation contribuent aux imaginaires de la ville. D’un point de vue matériel et immatériel, les marchés ont un impact direct sur les habitudes et les pratiques quotidiennes, et donc sur la ville dans laquelle ils sont implantés.

Le spécialiste souligne d’ailleurs le cas particulier de Montréal et du Marché Jean-Talon comme illustration probante : « Ce marché, implanté dans le quartier de la Petite Italie, a largement contribué à étiqueter cette zone géographique comme ‘’quartier gourmand‘’ dans l’imaginaire collectif. Au-delà du lieu physique, on a la création d’un lieu avec une dimension sociale, historique, culturelle. »

La southern theory en quelques mots

La southern theory est utilisée comme cadre de réflexion général par Nipesh Palat Narayanan. En constant développement, elle permet d’étudier les villes urbaines ou rurales avec d’intéressantes variations. On en retient trois clés de lecture :

L’hégémonie du savoir : Certaines pratiques ou cultures semblent plus légitimes que d’autres. Par exemple, la vente informelle de nourriture dans la rue est mal perçue ou considérée comme appartenant aux villes du tiers-monde, tandis que la vente contrôlée de nourriture dans la rue pendant les festivals organisés ou autorisés par l’État est considérée comme festive.

Formation de catégories : Comment crée-t-on les catégories qui donnent leur légitimité à certaines pratiques? En Amérique du Nord, la nourriture de rue informelle peut être mal vue. Les habitudes et les règlementations d’hygiène ne tendent pas à valider cette pratique. D’un autre côté, le principe du camion de cuisine de rue ou food truck fait partie du paysage gourmand. L’une de ces pratiques est donc valorisée, alors que le principe fondamental de nourriture extérieure se retrouve dans les deux cas de figure.

Formation de l’imaginaire : Comment imagine-t-on la ville, à titre de résident d’un quartier, en tant que touriste ? Quelles sont les projections, les concepts ou les attentes que l’on développe vis-à-vis d’une ville ?

Nipesh Palat Narayanan

Profil du professeur

Expert en géographie critique et en études urbaines, Nipesh Palat Narayanan a travaillé en Inde, en Australie, au Sri Lanka, en France, en Italie et au Québec et a poursuivi son doctorat en géographie à l’Université de Lausanne en Suisse. Il est membre du comité de rédaction de The AAG Review of Books et membre du réseau Villes Régions Monde (VRM) Network.