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28 novembre 2013 | Stéphanie Thibault
Mise à jour : 12 septembre 2022
Dans un nombre grandissant d’industries, les travailleurs sont exposés à des nanoparticules (NP) souvent sans le savoir. Ces particules se faufilent-elles dans l’organisme? Peuvent-elles avoir un impact sur la santé? Avant que les problèmes ne surviennent, le professeur Denis Girard du Centre INRS–Institut Armand-Frappier fait preuve de prévoyance : il étudie le potentiel toxique d’une grande variété de NP afin de donner l’heure juste.
Ses travaux de recherche bénéficient d’un financement de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST), qui lui versera une subvention renouvelable de 300 000 $ pour les trois prochaines années. Le professeur Girard portera son attention sur les effets des NP sur des cellules du système immunitaire humain, les éosinophiles, qui jouent un rôle de premier plan dans l’inflammation.
« Plusieurs études sur les NP se sont penchées sur la façon dont les tissus réagissent au contact de ces minuscules corps étrangers, constate Denis Girard. Les chercheurs notent que des éosinophiles arrivent en grand nombre au site de contact, mais ils ne poussent pas plus loin leurs observations. » Pour étudier plus en détail ce qui amène les éosinophiles au site de contact des NP et le rôle qu’ils y jouent, les protocoles exigent une expertise à la fois en nanotoxicologie et en immunologie, ce qui est rare.
Cette expertise, le professeur d’immunologie la possède. Il étudie déjà les effets des NP sur d’autres cellules immunitaires humaines, les neutrophiles, dans le cadre d’un projet complémentaire à ce nouveau projet. En effet, son équipe s’affaire à établir une échelle inflammatoire des NP. « Dans ce protocole de recherche, je mets à contribution la communauté du centre d’une façon bien particulière : ils acceptent de donner du sang! » s’exclame le professeur. En recueillant ce sang, on peut également recueillir les éosinophiles pour alimenter le nouveau volet de recherche.
De l’avis du professeur Girard, la piste inflammatoire est prioritaire dans l’état actuel des connaissances en nanotoxicologie. Depuis quelques années déjà, on a observé des liens entre une exposition aux NP et des troubles asthmatiques chez certains animaux. Le corps humain subit-il une inflammation similaire au contact de NP? En l’absence de norme pour les travailleurs, il vaut mieux y regarder de plus près, insiste Denis Girard : « À l’heure actuelle, les nanoparticules ne sont pas identifiées adéquatement et sont souvent manipulées sans protection. Si elles entrent dans l’organisme par voie cutanée, respiratoire ou même par ingestion, nous n’avons aucune idée de ce qui survient ensuite. » Dans son laboratoire, des approches variées permettront de pousser plus loin la compréhension de l’interaction entre des nanoparticules de nature et de tailles diverses. Les processus cellulaires seront scrutés dans les moindres détails.
Au rythme auquel les nanoparticules sont développées, cette étude très systématique pourra occuper ce nanotoxicologue pendant de longues années. « De toute évidence, j’aurai besoin d’être épaulé par une équipe solide, affirme le professeur, confiant. J’ai déjà une équipe dont je suis très fier, elle devra s’agrandir pour réaliser ce nouveau projet. » La subvention de l’IRSST permettra l’embauche de personnel et d’étudiants-chercheurs.
Le travail semble titanesque, mais n’effraie pas Denis Girard. Il est convaincu que d’autres emboîteront le pas et qu’à moyen terme, les résultats permettront d’établir des normes éclairées pour encadrer l’utilisation des nanoparticules et protéger la santé des travailleurs et de la population.