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Une équipe de recherche de l’INRS planche sur une technique de dépistage inédite basée sur l’intelligence artificielle.
Une équipe de recherche de l’INRS planche sur une technique de dépistage inédite basée sur l’intelligence artificielle. Photo : Adobe Stock
Le dépistage de la COVID-19 est devenu une étape obligatoire pour de plus en plus de voyageuses et voyageurs, mais aussi une mesure de prévention pour plusieurs personnes. Actuellement, les tests se font par un prélèvement au fond de la gorge et du nez ou par gargarisme. Mais ils pourraient bientôt se faire par une simple analyse du son de la toux. Une solution non invasive et peu coûteuse qui pourrait profiter au milieu de la santé.
Dans leurs laboratoires du Centre Énergie Matériaux Télécommunications de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), les professeurs Roberto Morandotti et Tiago H. Falk unissent leurs expertises. Leur objectif : développer une plateforme utilisant l’intelligence artificielle (IA) pour analyser de manière automatisée la voix dans le but de capter des sons associés à celle d’une personne infectée par la COVID-19.
« La reconnaissance vocale existe depuis plusieurs années avec des applications comme Siri ou Alexa. L’IA permet déjà de détecter et de traiter des variations de sons respiratoires, mais on pense pouvoir aller plus loin et essayer de capter des modèles de sons qui ne sont pas perceptibles à l’oreille. »
Roberto Morandotti, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en photonique intelligente.
Les personnes atteintes de la COVID-19 développent généralement des symptômes respiratoires qui se manifestent par l’essoufflement, la toux ou le mal de gorge ainsi que par une augmentation de la fatigue musculaire. Par conséquent, les approches basées sur l’IA utilisant la parole, la toux ou la respiration ont montré un grand potentiel dans ce domaine.
« C’est une combinaison de symptômes qui aide l’IA à détecter la maladie. Un paramètre mesure chaque symptôme et, ensemble, ils indiquent une forte probabilité de COVID-19. »
Tiago H. Falk, expert en traitement multimodal des signaux et en IA
Contrairement aux méthodes de test conventionnelles, la détection sonore aurait l’avantage d’être non invasive, peu coûteuse et de fournir des résultats en temps réel. Cela en fait un outil idéal pour le diagnostic et la surveillance à distance de la COVID-19.
Toutefois, « les solutions développées doivent pouvoir être interprétées afin d’être adoptées en clinique », souligne le professeur Falk.
Étant donné les limites du signal électrique des ordinateurs modernes dans le domaine de la reconnaissance vocale, les chercheurs ont choisi d’utiliser le signal optique à base de photons. Ces derniers permettent en effet une grande vitesse de transmission de données.
« En combinant la photonique à l’électronique, nous sommes en mesure d’améliorer la capacité de traitement des données de masse, comme les voix humaines et toute la diversité des sons qui y sont associés, explique le professeur Morandotti. Cela nous permet d’entraîner notre plateforme avec des milliers d’échantillons de voix de personnes qui ont ou non la COVID-19. »
Le travail se fera en plusieurs étapes. Premièrement, l’équipe développera la plateforme basée sur la photonique pour l’analyse et la classification automatiques et très précises de la voix et des sons respiratoires. Deuxièmement, des paramètres plus interprétables et cliniquement pertinents seront extraits des signaux acoustiques afin de bonifier l’algorithme d’IA et de lui fournir des données supplémentaires. L’équipe se penchera ensuite sur les implications socioéthiques de l’utilisation d’une telle technologie dans le domaine médical. La dernière étape sera l’application de la plateforme pour la détection de la COVID-19. Cela permettra d’accélérer et d’améliorer l’accès au dépistage, en particulier dans les régions éloignées et peu peuplées du Québec.
L’objectif est de développer un système de diagnostic de la COVID-19 pouvant être installé sur des appareils existants et qui sont protégés des cyberattaques afin de respecter la confidentialité des données. La professeure Carolyn Côté-Lussier du Centre Urbanisation Culture et Société de l’INRS, qui possède une expertise en éthique, en accessibilité et en confidentialité de l’IA, contribuera à cet aspect du projet.
Au-delà de la COVID-19, cette technologie pourrait être appliquée à d’autres pathologies. L’équipe de recherche a construit des modèles d’analyse pour la dépression, la dysarthrie et le trouble du spectre autistique.
« Les changements de motifs de notre voix varient en fonction de la combinaison de symptômes, allant de ceux du cancer du poumon à ceux d’un simple rhume. C’est comme si chaque symptôme avait sa propre signature », conclut Roberto Morandotti.