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Puisqu’on fait appel à une foule de techniques et de disciplines pour résoudre des casse-têtes scientifiques de plus en plus complexes, les chercheurs aiment s’entourer d’étudiants créatifs et avides d’acquérir de nouvelles compétences. Donald Gagné, étudiant au doctorat en biologie sous la direction du professeur Nicolas Doucet au Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie, est un de ceux-là.
Grâce à une bourse de stage international du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologie (FRQNT) attribuée dans le cadre du regroupement stratégique PROTEO, il revient d’un stage à Chicago, qui lui a ouvert un nouveau domaine d’expertise. Dans le laboratoire du professeur Miljan Simonović, à l’Université de l’Illinois, il a appris les bases de la cristallographie, une technique d’analyse tridimensionnelle des protéines.
Tels des enquêteurs moléculaires, Nicolas Doucet et son équipe scrutent par tous les moyens la structure et les mouvements intimes des enzymes pour comprendre comment ils influencent leur activité. Ces protéines qui catalysent des réactions chimiques recèlent de nombreux mystères. Bien que leur structure soit bien connue, les techniques d’ingénierie des protéines ne permettent pas encore de recréer une activité enzymatique aussi efficace que dans la nature. Les scientifiques supposent que cela pourrait découler de la méconnaissance des mouvements moléculaires concertés des protéines.
« Plusieurs techniques donnent accès à des aspects différents des mouvements moléculaires, explique le professeur Doucet. Mon outil de prédilection est la résonance magnétique nucléaire (RMN), qui donne entre autres de l’information sur les mouvements pendant la réaction, alors que l’enzyme joue son rôle de catalyseur. On parle ici de mouvements qui s’exécutent en quelques millièmes ou millionièmes de secondes, ou même plus vite encore, à une échelle nanométrique. Pour compléter le portrait, la cristallographie est une technique très puissante qui permet de « voir » la structure d’une protéine à un moment précis de sa réaction catalytique. Malheureusement, personne dans mon équipe ne la maîtrisait. »
S’étant lui-même initié à la RMN au cours d’un stage à l’Université Laval, dans le laboratoire du professeur Stéphane Gagné, lors de ses études doctorales, le professeur Doucet a proposé à Donald Gagné une immersion dans le milieu de la cristallographie des protéines. « À Chicago, on trouve une infrastructure de recherche très prisée : le Laboratoire national Argonne, raconte l’étudiant, les yeux brillants. Le faisceau de rayons X de l’Argonne permet une analyse des protéines par cristallographie à une résolution qui n’est égalée que par quelques autres dans le monde. » Sous la supervision de l’équipe du professeur Simonović , il s’est familiarisé avec les possibilités offertes par le laboratoire Argonne, mais surtout avec les étapes de préparation des cristaux soumis aux rayons X.
Les recherches de monsieur Gagné portent sur la famille des RNases, qui pourrait donner des indices précieux pour comprendre les mouvements moléculaires chez l’ensemble des protéines. Les RNases sont des enzymes qui se retrouvent chez tous les êtres vivants et dont la structure est demeurée pratiquement inchangée tout au long de l’évolution. Chez l’humain, on compte huit RNases à toutes fins identiques, mais qui pourtant ont des activités complètement différentes. En plus de dégrader l’ARN (activité qui leur vaut leur nom), l’une agit comme un antibactérien, une seconde comme un antiviral, une autre joue un rôle dans la migration des cellules… sans qu’on sache quelles différences leur confèrent ces spécificités. Serait-ce à cause des mouvements moléculaires encore méconnus?
Testant de nombreuses solutions et conditions de cristallisation, le stagiaire a obtenu des cristaux dont la qualité ne sera révélée qu’une fois sous les rayons X. Le laboratoire roulant 24 heures sur 24 et étant très couru, le poste qu’il avait réservé au laboratoire Argonne lui a été assigné un dimanche à 2 h du matin. Ses échantillons ont défilé devant le faisceau, lui réservant de belles surprises. « J’ai eu la chance du débutant, se rappelle Donald Gagné. Le premier cristal que j’ai exposé m’a donné un résultat qui a rendu verts de jalousie les étudiants du professeur Simonović qui m’accompagnaient. » Parmi les cristaux analysés, l’un a permis d’obtenir le premier patron de diffraction d’une RNase humaine. D’autres RNases pour lesquelles il souhaitait obtenir des résultats ont été plus récalcitrantes.
Pour l’étudiant-chercheur, l’objectif est atteint : il ramène dans ses bagages une technique qui augmentera l’autonomie de son équipe de recherche, la cristallographie des protéines. Il poursuit son apprentissage dans le contexte multidisciplinaire de l’INRS, avec le soutien des précieux collaborateurs de Chicago. Les cristaux qu’il obtiendra à l’INRS dans une variété de conditions, une fois analysés avec l’aide des collaborateurs du laboratoire de Miljan Simonović, révéleront des aspects des RNases indécelables autrement.
Ce stage lui a donné la piqûre puisqu’il envisage déjà d’en faire un autre en bio-informatique, une expertise essentielle pour analyser les données qui s’accumulent et reconstituer ainsi les pièces du casse-tête de l’activité des enzymes.
Donald Gagné est récipiendaire de la très prestigieuse bourse doctorale Alexander-Graham-Bell du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG). En plus de la bourse de stage international du regroupement stratégique PROTEO du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologie (FRQNT), il a obtenu une bourse doctorale de GRASP, un regroupement stratégique du Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS). Le CRSNG lui a de plus octroyé une bourse de voyage, qui lui a permis d’assister au congrès sur la résonance magnétique nucléaire expérimentale (ENC) en Californie en avril 2013. ♦