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L’Observatoire des réalités familiales du Québec (ORFQ) a rassemblé une série d’études menées auprès de parents exerçant différents métiers (infirmières, responsables de l’entretien ménager, artistes, postes dans le secteur de l’alimentation) qui mettent en lumière certaines réalités parfois oubliées de la conciliation travail-famille lorsque l’horaire de travail est atypique.
Concilier famille et travail n’est pas de tout repos, particulièrement pour les parents qui occupent des emplois aux horaires atypiques (soir, nuit, fin de semaine, sur appel ou à horaire hautement variable). En temps de pandémie, ces difficultés peuvent être décuplées par les mesures sanitaires telles que le confinement, l’école à la maison et le couvre-feu.
Pour donner un aperçu des réalités particulières de la conciliation travail-famille chez ces travailleuses et travailleurs, l’ORFQ a lancé un dossier intitulé « Horaires atypiques : parents fatigués, famille ébranlée ». En collaboration avec le partenariat de recherche Familles en mouvance, ce dossier a aussi donné lieu à une table ronde virtuelle, le 27 janvier dernier, sur le thème de la conciliation travail-famille chez les parents aux horaires atypiques. En tout, 90 personnes provenant d’horizons différents ont participé à l’événement. Chercheuses, chercheurs, étudiantes, étudiants ainsi que représentantes et représentants syndicaux et d’organismes communautaires ont pu aborder ce sujet d’actualité avec Diane-Gabrielle Tremblay (TELUQ), Mélanie Lefrançois (UQAM) et Laurent Sauvage (UQAM).
Pour visionner l’enregistrement de la table ronde.
« En plus d’être relativement commune, la parentalité en contexte d’horaire atypique est souvent associée à une certaine précarité économique. Malgré cela, la réalité des parents aux horaires atypiques est rarement mise à l’avant-plan. Avec ce dossier rassemblant plusieurs études sur le sujet, l’ORFQ a voulu sensibiliser les Québécois aux difficultés de conciliation toutes particulières que vivent ces parents », explique Maude Pugliese directrice de l’ORFQ et professeure au Centre urbanisation Culture Société de l’INRS.
Les conclusions du dossier sont marquantes : sans services adaptés à leur réalité, les parents aux horaires atypiques sont à la recherche d’astuces pour concilier vie familiale et travail, mais les employeurs offrent peu de solutions à leur problème. Par exemple, les travailleurs atypiques comptent énormément sur leur famille pour la garde des enfants lorsque les horaires des deux parents ne peuvent pas se compléter. Le contexte de confinements successifs de la dernière année a rendu ces arrangements difficiles, voire impossibles, fragilisant encore plus ces parents. Au Québec, 29 % des pères et 26 % des mères doivent composer avec des horaires atypiques (Institut de la statistique du Québec, 2016).
« Connaître son horaire hebdomadaire de 24 à 48 heures d’avance peut être la goutte qui fait déborder un horaire familial déjà bien chargé. Cette réalité ajoute un défi de taille : impossible d’organiser le temps avec la famille bien à l’avance. De plus, travailler le soir ou la fin de semaine peut faire manquer toute sorte d’événements qui font partie de la vie des enfants. »
Prisca Benoit, étudiante à la maîtrise à l’INRS et rédactrice du dossier
Finalement, les jeunes et les femmes sont plus sujets à occuper un emploi à horaire atypique. Ce type d’emploi peut affecter leur « calendrier reproductif », rendant difficile le projet de fonder une famille. Au contraire, le fait d’avoir déjà une famille peut nuire à leur ascension professionnelle dans ce type d’emploi en les empêchant d’avoir des promotions à des moments cruciaux de leur carrière, participant ainsi à les maintenir dans des postes avec de faibles potentiels d’avancement.
Malgré le soutien de certains employeurs sous forme d’ententes informelles qui ne tiennent parfois qu’à un fil, la fatigue guette les parents aux horaires atypiques. Le constat du dossier est clair : les employées et les employés aux horaires atypiques sont plus à risque de souffrir d’épuisement professionnel, d’irritabilité, d’anxiété ou de dépression.
Un besoin d’agir se fait sentir, surtout depuis le début de la pandémie. C’est d’autant plus important pour les corps de métier qui sont en première ligne, comme les personnes qui travaillent en milieu hospitalier, en CHSLD, dans le domaine du transport ou dans le secteur de l’éducation.
Le gouvernement a récemment misé sur deux mesures (Concilivi et Concili’Action), issues du milieu communautaire pendant la pandémie de COVID-19, pour favoriser la conciliation travail-famille. « Le Réseau pour un Québec Famille et la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille (FQOCF) sont très présents pour faire reconnaître aux employeurs les défis de la conciliation travail-famille, y compris pour les employées et employés aux horaires atypiques.
«La fidélisation des professionnels, le soutien aux entreprises, la promotion de mesures de conciliation auprès des employeurs sont quelques exemples des moyens pris. Une initiative du milieu communautaire, la Coalition pour une conciliation travail-famille-études, milite depuis plusieurs années pour faire reconnaître les besoins propres à ce type d’emploi, dont le nombre est appelé à croître au cours des prochaines années. C’est un dossier à suivre, puisqu’il est encore en évolution. »
La professeure Maude Pugliese.
L’Observatoire des réalités familiales du Québec (ORFQ) est un espace de diffusion des connaissances scientifiques actuelles sur les familles du Québec. Financé par le ministère de la Famille, le site de l’ORFQ rassemble les résultats des plus récentes recherches afin de documenter les transformations des réalités contemporaines de la famille québécoise et les rendre accessibles à tous. Son mandat est de valoriser et de diffuser ces connaissances auprès d’un vaste public ; d’outiller les acteurs du secteur de la famille (intervenants, regroupements, etc.) ; et de contribuer à la planification et à l’amélioration des politiques familiales.
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