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Cette année, la saison des virus s’annonce non seulement beaucoup plus tôt, mais également plus achalandée.
L’automne 2022 est marqué par une combinaison de plusieurs virus respiratoires qui ont pris de l’ampleur en même temps et tôt dans la saison.
Plusieurs virus respiratoires semblent contaminer et rendre malade la population en simultané. Les urgences et les hôpitaux pédiatriques subissent un fort achalandage. Tour d’horizon de ces virus qui retiennent l’attention cet automne avec le professeur à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) Alain Lamarre, expert en immunologie, virologie et cancer.
« Ce qu’on vit actuellement, c’est une combinaison de plusieurs virus respiratoires qui ont pris de l’ampleur en même temps et tôt dans la saison, explique le professeur Lamarre. Ce n’est pas parce qu’ils sont plus virulents ou parce que notre système immunitaire serait devenu paresseux durant les confinements. Plus de gens en sont atteints à cause du relâchement des mesures sanitaires pour le premier automne en trois ans. »
C’est une saison où les enfants sont exposés à tous ces virus en même temps après des années d’isolement et où ils sont plus touchés. Un jeune qui aurait eu la grippe l’an passé ne l’aurait sans doute pas contractée cette saison. Après près de trente-six mois sans exposition à ces virus, il pourrait être infecté par cette grippe, mais aussi par tous les autres microbes qu’il n’a pas rencontrés au fil du temps et des restrictions sanitaires. Avec le retour à la normale, la population est plus susceptible d’être infectée par différents micro-organismes provoquant des symptômes similaires : toux, maux de gorge, fièvre, éternuements, respiration sifflante, etc.
Selon le chercheur et titulaire de la Chaire de recherche Jeanne et J.-Louis Lévesque en immunovirologie, c’est une tempête parfaite d’une certaine façon, car plusieurs virus respiratoires causent des ennuis de santé à la population en ce moment. Ceux qui circulent le plus actuellement sont des variants du SRAS-CoV-2, l’influenza, le virus respiratoire syncytial et d’autres comme des métapneumovirus et des adénovirus.
« Avant la pandémie, la population aurait étalé ces infections sur 3 ou 4 ans. Cette année, nous rattrapons en un an les virus que nous avons évités durant les années d’application des consignes sanitaires. »
— Alain Lamarre
C’est le virus respiratoire syncytial (VRS) qui inquiète le plus le virologue, car il touche surtout les enfants de moins de deux ans dont le système immunitaire n’est pas encore complètement mature et entraîne plus de risques de complications. Même si le VRS n’est pas nouveau et qu’il est bien connu au niveau de la recherche, il n’y a pas, pour le moment, de traitement spécifique ni de vaccin. La technologie des vaccins à ARN messager permet un certain espoir, toutefois il n’y a pas de résultat probant pour le moment.
De son côté, l’influenza saisonnière frappe à un point tel que le gouvernement offre maintenant gratuitement depuis le 25 novembre dernier la vaccination à toute la population. Le vaccin distribué chaque année est adapté à la souche dominante et a fait ses preuves depuis longtemps. La vaccination permet à beaucoup de gens d’éviter l’hôpital à cause des complications possibles de la grippe : sinusites, bronchites, pneumonies.
La COVID-19 n’est pas en reste. Le variant BQ.1.1 est très présent dans les eaux usées du Québec, ce qui signifie que beaucoup de Québécois en sont porteurs et devrait être prédominant d’ici les fêtes de fin d’année. Sa prévalence double chaque semaine, ce qui en fait le variant à la plus forte croissance. Il gagne la compétition de la sélection. Son avantage sélectif vient du fait qu’il contient des mutations qui lui permettent d’échapper à la réponse immunitaire induite par la vaccination ou par l’infection d’un sous-variant précédent même si on l’a attrapé il y a peu de temps. La vaccination nous protège toujours de la forme grave de la maladie, mais elle est moins efficace pour nous protéger de l’infection ou de la transmettre. Le vaccin Pfizer bivalent ciblant les variants BA.4, BA.5 et Omicron semble en théorie le mieux adapté pour combattre le BQ1.1, mais cela reste à prouver, et des études sont en cours en ce sens.
Membre du comité de veille scientifique du Réseau Québécois COVID-Pandémie (RQCP) avec cinq autres spécialistes, le professeur Alain Lamarre est constamment à jour sur les dernières nouvelles à propos de la pandémie et surveille les avancées de la recherche sur le virus SRAS-CoV-2 et ses conséquences. À ce titre, il reconnaît que cela peut être décourageant de voir un virus qui évolue plus vite que la recherche en matière d’analyse, de développement de vaccins et de traitements. Le virus arrive à muter efficacement et rapidement, plus encore que les scientifiques ne l’avaient prévu en début de pandémie. Pourquoi ? Parce que les virologues avaient émis l’hypothèse qu’il muterait à la même vitesse que les autres coronavirus. Or, le SRAS-CoV-2 est tellement répandu dans la population qu’il peut muter de différentes façons, ce qui fait que la recherche est toujours en réaction face aux mutations du virus. Par exemple, le traitement aux anticorps monoclonaux, utilisé chez des patients immunosupprimés, n’est plus efficace avec les nouveaux variants. Il faut trouver autre chose pour aider ces patients.
« Nous sommes pris avec ce nouveau virus pour un bon bout de temps. Le SARS-CoV-2 est trop répandu pour penser l’éradiquer, rappelle Alain Lamarre. Un jour, nous ne subirons plus cette pandémie, mais le virus va continuer à exister et va probablement revenir de façon saisonnière comme le virus de l’influenza qui frappe à l’heure actuelle. Il y aura de l’intérêt pour continuer à étudier ses nouveaux variants afin de développer des vaccins et des traitements efficaces. »
La recherche doit donc s’orienter vers un traitement qui pourrait être efficace malgré les nombreuses mutations du SRAS-CoV-2. En collaboration avec son collègue, le professeur Steven Laplante, un expert en chimie médicinale et innovation pharmacologique, une piste intéressante est actuellement suivie. Il s’agit d’utiliser une combinaison de médicaments, comme la trithérapie utilisée pour combattre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) par exemple. Une combinaison synergique de 2-3 médicaments qui pourrait avoir une efficacité plus grande. Déjà, une combinaison de médicaments a été étudiée et elle a une synergie en culture cellulaire. Reste à le tester in vivo chez des animaux en étape préclinique puis à l’essai clinique si tout va bien. À la fin, tous les intervenants de la recherche l’espèrent, un nouveau traitement pourra être annoncé puis utilisé. Et cela pourrait arriver assez rapidement, car ce sont des molécules déjà approuvées pour d’autres virus et d’autres problèmes médicaux.
C’est une excellente nouvelle, car toute la panoplie curative de vaccins et des traitements qui permet d’éviter des formes graves de la COVID semble permettre de diminuer le nombre de cas de gens atteints de la forme longue de la COVID-19. Cette évolution de la maladie chez certains malades est un enjeu de santé publique majeur auquel le chercheur souhaite apporter des solutions.