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Les effets des polluants sur la faune du Canada

17 juin 2021 | Audrey-Maude Vézina

Mise à jour : 18 juin 2021

Deux chercheuses de l’INRS participent à une édition spéciale de la revue scientifique Environmental Pollution portant sur les hydrocarbures aromatiques polycycliques.

Les recherches soulignent le manque d’études sur les espèces autres que les invertébrés et les poissons.

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont omniprésents dans l’environnement. Comme ces polluants proviennent entre autres des produits pétroliers, donc des sites d’exploitation, des émissions industrielles et des gaz d’échappement des véhicules, on en trouve principalement près des sites industriels ou urbains. La faune y est exposée à travers son habitat, l’air, l’eau et le sol ainsi que par son alimentation.

En constatant des lacunes dans les connaissances sur le lien entre l’exposition environnementale et les effets biologiques de composés tels que les HAP, la professeure Valérie Langlois de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et la doctorante Sarah Wallace se sont impliquées dans cette édition spéciale de Environmental Pollution, initiée par Environnement et Changement climatique Canada (ECCC).

Toxicité pour la faune

Dans leur premier article, elles font état des résultats de travaux sur les effets d’une exposition à ces polluants chez différentes espèces, afin de pouvoir les comparer. Les chercheuses ont remarqué une embryotoxicité, soit la présence de produits toxiques dans les embryons des espèces étudiées. « Leur développement était affecté, mais la sensibilité des espèces et les effets spécifiques pouvaient différer », souligne Sarah Wallace. Cette divergence découle entre autres de la période de développement, de l’environnement et des cycles de reproduction.

L’article souligne entre autres le manque d’études sur les espèces autres que les invertébrés et les poissons.

« Ce sont les organismes les plus populaires pour la recherche en écotoxicologie, notamment à cause de leur cycle de vie court, de la richesse des informations existantes et de la densité élevée de leur population. Toutefois, cela ne signifie pas que les autres espèces ne sont pas importantes. »

Sarah Wallace, doctorante au Centre Eau Terre Environnement

Une question d’exposition

Une autre lacune mise en lumière est la façon dont se mesure l’exposition aux polluants. En effet, il est préférable de mesurer les conséquences biologiques par l’exposition dans l’environnement ainsi que dans les tissus des animaux. « La concentration environnementale des HAP ne reflète pas nécessairement l’accumulation dans les tissus. Mesurer à la fois ce à quoi l’organisme est exposé et les niveaux d’HAP dans les tissus peut aider à comprendre le lien entre l’exposition et les effets », indique la professeure Langlois.

L’article apporte également une réflexion sur les réglementations canadiennes. En effet, la seule ligne directrice en vigueur pour les HAP détectés dans les tissus des animaux sauvages concerne un seul contaminant, le benzo[a]pyrène. Or, c’est en réalité un mélange beaucoup plus complexe de polluants qui se trouve dans l’environnement.

De plus, la dangerosité de la concentration des polluants, comme les HAP, est définie par rapport à ses effets néfastes sur la consommation humaine, et non pour protéger la santé des espèces animales vivant dans cet environnement. « La réglementation actuelle doit donc être élargie afin d’inclure les multiples polluants qu’on y trouve. Le risque devrait, quant à lui, être considéré pour l’ensemble de la chaîne alimentaire et non plus seulement pour les êtres humains », conclut la doctorante.


Mélange complexe dans l’environnement

Leur deuxième article, dirigé par le professeur Peter Hodson de l’Université de Queen’s, en Ontario, aborde la complexité des mélanges d’HAP dans différents environnements. Les sensibilités d’espèces diverses et la présence de plusieurs autres contaminants différents présentent des défis additionnels pour les évaluations environnementales.

« Actuellement, les recommandations canadiennes pour la qualité de l’air, de l’eau et des sédiments ne couvrent que quelques HAP, malgré que ce groupe de molécules en contienne des centaines. »

Valérie Langlois, responsable scientifique du Laboratoire en écotoxicogénomique et perturbation endocrinienne.

« Les modèles actuels qui prédisent la toxicité des mélanges sont souvent basés sur des hypothèses irréalistes. Les interactions entre les HAP et les contaminants co-occurrents d’origines urbaine, industrielle, agricole et forestière sont également mal connues, ce qui augmente l’incertitude des évaluations environnementales », ajoute la professeure et et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écotoxicogénomique et pertubation endocrinienne.

Il y a donc un urgent besoin de mettre à jour les lignes directrices du Canada sur la qualité de l’environnement pour les HAP en incluant un plus large éventail d’HAP et d’autres molécules. De plus, les modèles mathématiques pour estimer les risques de mélanges complexes, notamment ceux émis par les industries pétrolières canadiennes, doivent être améliorés.

À propos des articles

L’article « Polycyclic aromatic compounds (PACs) in the Canadian environment: Exposure and effects on wildlife », par Wallace, S.J., de Solla, S.R., Head, J.A., Hodson, P.V., Parrott, J.L., Thomas, P.J., Berthiaume, A., Langlois, V.S, a été publié dans Environmental Pollution Special Issue.

L’article « Polycyclic aromatic compounds (PACs) in the Canadian environment: The challenges of ecological risk assessments », par Hodson, P.V., Wallace, S.J., de Solla, S.R., Head, S.J., Hepditch, S.L.J., Parrott, J. L., Thomas, P.J., Berthiaume, A., Langlois, V.S., a été publié dans Environmental Pollution Special Issue.