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Les munitions non détonnées et leurs potentiels risques environnementaux

31 janvier 2010

Mise à jour : 16 novembre 2020

Des munitions non explosées (Unexploded ordnance ou UXO) peuvent être produites lors de la formation des militaires dans les secteurs d’entraînement de part le monde. En plus des sérieux problèmes de sécurité liés à ces munitions, les produits chimiques explosifs qu’elles contiennent peuvent contribuer à la contamination des sols, et des eaux souterraines et de surface. Certains des explosifs utilisés dans les munitions ont été identifiés comme des cancérigènes potentiels par le United States Environmental Protection Agency (US EPA). S’ils s’infiltrent jusqu’à un aquifère, ils peuvent potentiellement être transportés à l’extérieur des limites du secteur d’entraînement  et contaminer les approvisionnements en eau potable des résidences avoisinantes. A cause entre autre de l’étalement urbain qui rapproche les bases militaires des centres populeux?, cette question a pris une importance accrue durant la dernière décennie. 

Les scientifiques de Recherche pour la Défense et le Développement Canada (RDDC) et les hydrogéologues  de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) à Québec  se sont associés pour étudier comment les substances explosives peuvent se déplacer à travers le sol. Le but ultime de cette recherche est d’éviter que les explosifs atteignent les approvisionnements en eau potable et de protéger l’environnement des secteurs d’entraînement militaire pour les générations futures. Cette étude, qui a été financé conjointement par le Strategic Environmental Research and Development Program (SERDP) et par la Directeur – Environnement Terre (DLE) des Forces canadiennes, a mesuré la quantité de résidus d’explosifs qui pourraient être libérés par une seule des munitions non explosées après avoir été endommagé par une explosion à proximité. Les résultats de cette étude figurent dans le numéro de Novembre-Décembre 2009 du réputé Journal of Environmental Quality de la Soil Science Sociey of America.

Le premier aspect de cette étude était de voir comment un obus de 81 mm peut être endommagé par d’autres obus de même calibre ayant explosé à proximité. On a supposé que, puisque de nombreuses zones d’impact militaires  sont très petites et ont été utilisés pendant des décennies, il était raisonnable de supposer qu’un engin peut aussi éventuellement être touché par une autre munition qui explose à proximité. Avant ces travaux, on voyait mal comment les explosifs pouvaient s’échapper des obus non explosés dans l’environnement, puisque la plupart des obus non explosés ont des boîtiers en acier d’une épaisseur allant jusqu’à 2 cm, qui agissent comme des barrières physiques. Il a été précédemment supposé que les détonations incomplètes ou la corrosion de ces boîtiers sur plusieurs années pourrait éventuellement libérer les explosifs pris à l’intérieur. Cette recherche offre un autre mécanisme potentiel pour la circulation des explosifs d’engins non explosés dans l’environnement.

Les chercheurs ont démontré que les engins non explosés endommagés par d’autres explosions à proximité peuvent libérer jusqu’ à concurrence d’un million de fois plus de résidus dans l’environnement que les munitions qui ont correctement explosé.   Ces engins non explosés fissurés et les explosifs disséminés à proximité ont été recueillis et placés sur des colonnes de sol propre dans un laboratoire. De l’eau (équivalente à la pluie et à la fonte de la neige) a été appliquée sur les munitions et lessivée dans le sol avant d’être recueillie et analysée. Jusqu’à 10% des substances explosives se sont infiltrées dans la colonne de sol au cours de la première année, ce qui suffit pour contaminer un million de litres d’eaux souterraines à des concentrations égales ou supérieures aux critères de qualité d’eau potable établi par l’US EPA.

Jeff Lewis, qui a mené l’étude dans le cadre de son doctorat, a noté que ’’les problèmes de qualité des eaux souterraines vont devenir de plus en plus important dans les années à venir. Selon l’EPA, la moitié de la population américaine utilise les eaux souterraines pour ses besoins domestiques. Si un aquifère devient contaminé, cela ne touche pas seulement une ou deux personnes mais peut affecter toute une ville. »

Des recherches sont en cours à l’INRS et à RDDC-Valcartier afin d’accroître notre compréhension sur la façon dont les activités militaires peuvent affecter l’environnement, en vue de les atténuer avant que cela ne devienne un problème.

Jeffrey Keith Lewis a terminé un doctorat au centre Eau Terre Environnement de l’INRS au sein de l’équipe du professeur Richard Martel. Il travaille maintenant au Swedish Defence Research Agency (FOI), à Stockholm.

Référence : Lewis JK, Martel R, Trépanier L, Ampleman G & Thiboutot S (2009) Quantifying the transport of energetic materials in unsaturated sediments from cracked unexploded ordnance. J Environ Qual 38:2229-2236 DOI: 10.2134/jeq2009.0019   Source : Sara Uttech, Soil Science Society of America, https://www.soils.org/news-media/releases/2010/0104/317/