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Ma recherche en série : le doctorat en biologie d’Emmanilo Delar

31 mai 2022 | Un texte d'Emmanilo Delar

Mise à jour : 31 mai 2022

Quand la chimie est bonne, elle peut ouvrir la porte à des études de 3e cycle dans un laboratoire de haut niveau.

Emmanilo Delar, étudiant au doctorat en biologie à l’INRS

Dès mon plus jeune âge, je me suis toujours questionné sur le fonctionnement de ce qui nous entoure au quotidien. Au collège (équivalent du secondaire au Canada), les cours de sciences m’ont interpellé, me poussant ainsi à choisir un parcours scientifique pour le reste de mes études.

Ayant cette envie d’en découvrir plus sur le monde et particulièrement sur le vivant, je me suis orienté vers une licence (baccalauréat) en biologie, biochimie et biotechnologie. Tout au long de ce cursus, ma passion s’est accentuée pour la chimie. En effet, le vivant s’explique par les molécules qui le composent et les réactions chimiques qui y sont effectuées, au travers des voies métaboliques. J’ai poursuivi à la maîtrise en biochimie, tout en effectuant mes stages en chimie organique et glycochimie, soit la chimie des sucres.

C’est ainsi que j’ai pu intégrer le laboratoire du professeur Charles Gauthier pour un stage de six mois à la fin de mes études de maîtrise. À l’issue de ce stage, il m’a proposé d’entreprendre un doctorat au sein de son équipe. Cette fois, le sujet de mes travaux porterait sur la synthèse d’anthocyanes, un composé végétal que l’on retrouve dans certaines plantes.

Emmanilo Delar et les membres de l’équipe du professeur Charles Gauthier. De gauche à droite: : Kévin Muru, Emmanilo Delar, le professeur Charles Gauthier, Nitish Verma, Oscar Gamboa, Maude Cloutier, Anne-Sophie Doyon, Mathilde Grosset, Floriane Heis.

Anthocyane, du grec anthos « fleur » et kuanos « bleu sombre » 

Les anthocyanes sont une sous-classe de molécules issues de la famille des flavonoïdes appartenant aux polyphénols. Il s’agit de pigments naturels qui colorent certaines parties des végétaux (fleurs, fruits, tiges, racines…) d’une couleur vive allant du bleu au rouge en passant par le violet et l’orange. Grâce à ces teintes, elles sont facilement reconnaissables dans les fruits comme les baies (fraise, mûre et bleuet), les oranges sanguines et les pêches, les légumes comme les choux et les oignons rouges, ou encore dans des fleurs telles que les roses.    

Les anthocyanes sont reconnues pour leurs nombreuses propriétés biologiques, dont des activités antioxydantes, antimicrobiennes et anticancéreuses. Elles jouent également un rôle dans la diminution du risque de pathologies cardio-vasculaires et dans la neuroprotection.

Après avoir réalisé une revue approfondie de la littérature, nous avons constaté que la voie de synthèse la plus efficace actuellement est celle établie par Sir Robinson dans les années 30. Toutefois, cette dernière présente plusieurs inconvénients qui n’ont pas été optimisés jusqu’à aujourd’hui.

D’une déconstruction théorique…

La première démarche à suivre lorsqu’on veut réaliser une voie de synthèse chimique est de déconstruire, théoriquement, la structure de la molécule visée. De ce travail théorique découlent plusieurs petits fragments ayant la spécificité de présenter un ou des motifs clés, autrement dit des fonctions. Elles permettront de créer des liaisons entre chaque fragment et d’obtenir la structure finale.

Depuis les travaux de Sir Robinson, plusieurs améliorations ont pu être apportées à la création de liaisons entre divers fragments au point même que pour une fonction donnée, il existe différentes façons d’établir une liaison. De notre côté et au moyen de méthodes plus modernes, nous nous sommes attelés à l’optimisation de deux étapes identifiées comme critiques dans la voie de synthèse établie par Sir Robinson. Mener à bien ce projet pourrait nous permettre de rendre les anthocyanes plus accessibles et de relancer leurs études pour diverses applications biologiques.

… aux applications pratiques

Mon projet de recherche a pu voir le jour grâce à une collaboration avec le professeur Charles Ramassamy. Les recherches biologiques qu’il a menées montrent le fort potentiel des anthocyanes dans la prévention de la maladie d’Alzheimer et, éventuellement, dans son traitement. C’est un atout multidisciplinaire essentiel pour mes travaux. 

Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la maladie d’Alzheimer, pour laquelle aucun traitement n’existe, représente à elle seule de 60 à 70 % des cas de démence et est l’une des principales causes de handicap et de dépendance chez les personnes âgées.

Emmanilo Delar

Outre leur rôle dans la maladie d’Alzheimer, les anthocyanes seraient également bénéfiques dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens des bactéries. Cette résistance est l’une des dix plus grandes menaces ciblées par l’OMS en santé publique, au côté de la pollution et des changements climatiques et de la pandémie mondiale de grippe, par exemple.

Malgré cela, les études biologiques sur le potentiel des anthocyanes ne peuvent être approfondies notamment en raison d’un accès limité à ces molécules vu leur coût exorbitant et le procédé fastidieux d’extraction à partir de sources naturelles.

Notre voie de synthèse alternative, établie au sein de l’équipe du professeur Gauthier, permettrait de diminuer le coût de production, impactant ainsi le prix sur le marché. Cela les rendrait plus accessibles et, par conséquent, donnerait lieu à une relance des travaux en laboratoire.