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Mesure des concentrations de gaz d’origine naturelle dans les eaux souterraines

3 décembre 2013

Mise à jour : 10 novembre 2020


Une équipe de chercheurs du Centre de recherche en géochimie et géodynamique (GEOTOP) affilié à l’Université du Québec à Montréal, de l’Université Concordia et du Centre Eau Terre Environnement de l’INRS a réalisé une étude détaillée sur la distribution spatiale des concentrations de méthane, d’hélium et de radon dissous à l’état naturel dans les eaux souterraines des Basses-terres du Saint-Laurent. Commandée par le Comité de l’évaluation environnementale stratégique sur le gaz de schiste (CÉES) en juin 2012, cette étude avait pour objectif de mesurer les teneurs de ces différents gaz présents dans les eaux souterraines de ce territoire et d’en déterminer l’origine.

Ce travail de recherche constitue une première mondiale puisqu’il s’agissait de caractériser l’état de la qualité naturelle de l’eau souterraine avant l’exploitation du gaz de schiste. Ces informations objectives pourront être utilisées pour tenter d’établir, en comparaison avec les concentrations naturelles, l’occurrence de pollution des eaux souterraines pouvant être liée à l’éventuelle exploitation des gaz de schiste.

Le méthane
Pour cette étude, 130 puits résidentiels, d’observation ou municipaux ont été échantillonnés dans une région couvrant 14 000 kilomètres carrés entre Montréal, Leclercville (Lotbinière), le piémont des Appalaches et Trois-Rivières. De ces puits, 14 % (18 puits) présentent des concentrations de méthane supérieures à 7 mg/L (milligrammes par litre), soit la teneur représentant le seuil d’alerte fixé par le gouvernement du Québec dans le projet de règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection, publié le 29 mai 2013 dans la Gazette officielle du Québec.

Dans la majorité des puits, le méthane est d’origine biogénique, c’est-à-dire qu’il est produit par des bactéries dans les sédiments de surface, et par conséquent, n’est nullement lié à la présence des shales d’Utica en profondeur, formation visée pour l’exploitation des gaz de schiste.

Les gaz rares: radon et hélium
Aucune concentration en radon dissous n’a excédé 2 000 Bq/L (becquerels par litre), soit le seuil recommandé par Santé Canada. Toutefois, dans 4,6 % des puits (6 puits), les concentrations dépassent le seuil de 100 Bq/L recommandé par l’Organisation mondiale de la Santé. Les concentrations les plus élevées sont observées dans le piémont des Appalaches et la région autour du Mont Saint-Hilaire, endroit déjà connu pour la présence importante de radon dans l’air intérieur des maisons. Le radon est facilement libéré dans l’atmosphère et, par conséquent, le risque lié à l’ingestion d’eau contenant du radon est beaucoup plus faible que celui provenant de l’inhalation dans des locaux mal aérés.

L’hélium est, quant à lui, un gaz inerte et sans danger, souvent observé en association avec le méthane. Les concentrations plus élevées dans les basses-terres du Saint-Laurent proviennent de la formation géologique de shale de Lorraine (située au-dessus de l’Utica), où des concentrations importantes de méthane biogénique sont aussi observées.

La recherche
Cette étude, explique le professeur Daniele Pinti « dresse un portrait – comme un instantané – de la présence naturelle de méthane dans cette région, dans le but de déceler d’éventuelles anomalies créées par une exploitation du gaz de schiste. Elle constitue aussi le début d’un beau travail de recherche fondamentale : quelles sont les sources de méthane et des autres gaz analysés dans ce bassin? Et de l’eau qui les contient? Comment ces gaz migrent-ils vers la surface? Quelles sont les implications pour l’histoire géologique de la région? La suite reste à suivre », conclut monsieur Pinti.

L’étude
Concentrations, sources et mécanismes de migration préférentielle des gaz d’origine naturelle (méthane, hélium, radon) dans les eaux souterraines des Basses-Terres du Saint-Laurent.

Réalisée par :
Daniele L. Pinti, professeur au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère, UQAM
Yves Gélinas, professeur au Département de chimie, Université Concordia
Marie Larocque, professeure au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère, UQAM
Diogo Barnetche, agent de recherche au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère, UQAM
Sophie Retailleau, agente de recherche au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère, UQAM
Anja Moritz, candidate à la maîtrise au Département de chimie, Université Concordia
Jean-François Hélie, agent de recherche au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère, UQAM
René Lefebvre, hydrogéologue, INRS – Centre Eau Terre Environnement

Étude subventionnée par le Fonds de recherche du Québec – Nature et Technologies (FRQ-NT) et par le ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) dans le cadre du programme d’Initiatives stratégiques pour l’innovation.