Retour en haut

Quand le climat se réchauffe, le fond des lacs se refroidit

26 septembre 2019 | Evelyne Dufresne

Mise à jour : 4 novembre 2020

« Il ne faut pas assumer d’emblée que les lacs se réchauffent sous l’action du réchauffement climatique. C’est en réalité bien plus complexe », affirme Isabelle Laurion, professeure et limnologiste à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). La plus récente publication à laquelle elle a collaboré vient clarifier la situation et ébranler des conceptions précédemment admises par la communauté scientifique. 

© INRS

Les résultats de l’étude publiée dans la revue Limnology and Oceanography Letters en août 2019, à laquelle la professeure Isabelle Laurion a participé, démontrent que l’eau des lacs aurait inversement tendance à se refroidir en profondeur sous l’action des changements climatiques, remettant ainsi en question l’idée généralement admise au sein du milieu scientifique que les lacs subissent un réchauffement global.  De plus, cette stratification thermique intensifiée aurait pour conséquence d’augmenter l’enfouissement de carbone dans les sédiments tout en augmentant la production et la libération de méthane dans l’atmosphère, un gaz à effet de serre (GES) plus puissant que le dioxyde de carbone (CO2). Les auteurs de l’étude espèrent que leurs constatations inciteront les chercheurs à aborder cet enjeu sous un nouvel angle.    


La perte de transparence à la source du problème

Le brunissement des lacs est dû à une surabondance de matière organique dissoute dans l’eau. L’eutrophisation et le brunissement des eaux douces entraînent une perte de transparence et jouent un rôle fondamental dans la stratification thermique des systèmes lacustres. L’énergie solaire est alors plus fortement absorbée en surface, ce qui se traduit par un refroidissement des couches inférieures et un appauvrissement de l’oxygène au fond de l’eau. Cela perturbe l’activité microbienne impliquée dans le cycle du carbone, notamment dans la production de méthane.  L’eutrophisation et le brunissement des eaux douces entraînent une perte de transparence et jouent un rôle fondamental dans la stratification thermique des systèmes lacustres. L’énergie solaire est alors plus fortement absorbée en surface, ce qui se traduit par un refroidissement des couches inférieures et un appauvrissement de l’oxygène au fond de l’eau. Cela perturbe l’activité microbienne impliquée dans le cycle  Le brunissement des lacs est dû à une surabondance de matière organique dissoute dans l’eau. L’eutrophisation et le brunissement des eaux douces entraînent une perte de transparence et jouent un rôle fondamental dans la stratification thermique des systèmes lacustres. L’énergie solaire est alors plus fortement absorbée en surface, ce qui se traduit par un refroidissement des couches inférieures et un appauvrissement de l’oxygène au fond de l’eau. Cela perturbe l’activité microbienne impliquée dans le cycle du carbone, notamment dans la production de méthane. 

L’étude dévoile également que les lacs de plus petite superficie et profondeur ressentent les conséquences des changements climatiques plus intensément et rapidement que les lacs de plus grande taille.      


Les lacs, émetteurs de GES

« Les lacs sont des acteurs importants dans le cycle global du carbone : ils émettent dans l’atmosphère une partie du carbone reçu du milieu terrestre ou fixé par les algues sous forme de dioxyde de carbone (CO2) ou de méthane », explique Isabelle Laurion. Selon l’étude, le refroidissement des couches inférieures des lacs ralentirait les processus microbiens, ce qui favoriserait l’emprisonnement du carbone. Alors qu’il est admis que les lacs émettent une quantité importante de CO2 sous l’action du réchauffement climatique, les résultats de la modélisation présentés dans cette étude indiquent que le potentiel d’émission de GES s’accroîtrait en raison d’une production accrue de méthane.   

La stratification plus intense et stable ainsi que la prolongation de la saison estivale entraînent un appauvrissement en oxygène des lacs. « Lorsqu’il y a moins d’oxygène, l’activité microbienne favorise la production de méthane plutôt que la production de CO2 », précise la professeure Laurion. La diminution en oxygène vient contrebalancer l’effet de la baisse de la température de l’eau qui défavorise la production de méthane. Globalement, la quantité de méthane produite augmente. Effets des changements climatiques en synergie avec la baisse de température et la baisse du niveau d’oxygène en profondeur en raison de la perte de transparence des lacs.  

Effets des changements climatiques en synergie avec la baisse de température et la baisse du niveau d’oxygène en profondeur en raison de la perte de transparence des lacs.

Cette étude en deux volets a été menée en collaboration avec l’Université de Basel en Suisse et l’Université de Montréal. L’équipe de chercheurs s’est d’abord penchée sur l’analyse de données observationnelles recueillies dans la littérature scientifique avant d’effectuer des simulations à l’aide de l’outil de modélisation FLake. Cet outil permet de prédire sur plusieurs années la variation de température verticale et les conditions de mélange dans des lacs de profondeurs variées. L’équipe a ainsi été en mesure de simuler les effets des changements climatiques en synergie avec les effets de la perte de transparence des lacs.   

Isabelle Laurion est professeure à l’INRS depuis 2002 et membre du Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie(GRIL) et du Centre d’études nordiques (CEN). Elle s’intéresse aux effets des changements climatiques sur la dynamique des lacs, en particulier dans les paysages arctiques. La professeure Laurion détient une maîtrise en océanographie de l’Université du Québec à Rimouski et un doctorat en biologie de l’Université Laval.