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Les disparités de revenu entre les quartiers de la région métropolitaine de Montréal ont augmenté au cours des trente dernières années, mais dans une mesure moindre qu’à Toronto et à Vancouver. C’est ce que révèle une étude intitulée Une métropole à trois vitesses? Bilan sur les écarts de revenu dans le Grand Montréal, 1970-2005. Aux fins de l’étude, les chercheuses Damaris Rose et Amy Twigge-Molecey de l’INRS ont comparé le salaire moyen des résidants de différents quartiers à celui de l’ensemble des habitants de l’agglomération montréalaise.
Bien que la plupart des quartiers du Grand Montréal soient toujours des quartiers à revenu intermédiaire, leur part a néanmoins chuté de 64 % à 55 % entre 1970 et 2005. Sur l’île de Montréal, le pourcentage de quartiers à faible revenu a grimpé de 22 % à 37 %. Quant à la proportion de quartiers défavorisés à Laval et dans les couronnes nord et sud, elle a augmenté de manière importante allant de 3 % à 19 %, alors que celle des quartiers aisés est passée de 15 % à 18 %.
À la lumière des résultats obtenus, il n’y a plus lieu d’utiliser la classique métaphore du « trou de beigne » pour décrire la répartition de la richesse et de la pauvreté dans la région métropolitaine de Montréal, selon la professeure Damaris Rose du Centre Urbanisation Culture Société de l’INRS. L’embourgeoisement a donné lieu à de nouveaux foyers de richesse au centre de la métropole. Tout autour du noyau urbain, on retrouve un anneau de quartiers d’après-guerre où la pauvreté s’est enracinée et un grand nombre de quartiers à faible revenu se sont développés dans le nord-est et le sud-ouest de Montréal. La pauvreté s’est également accrue à Longueuil et dans certaines parties de Laval. Dans le même temps, les quartiers bien nantis sont en pleine expansion dans certains secteurs de Laval et de la Rive-Nord, ainsi que dans la partie est de la Rive-Sud; ils sont cependant en recul du côté de l’ouest de l’île de Montréal.
De 1970 à 2005, d’importants changements ont eu des répercussions sur la croissance urbaine et le statut social de nombreux quartiers. Le déplacement du centre financier du Canada au profit de Toronto a entraîné le départ de nombreux résidants parmi les plus fortunés de Montréal. L’industrie manufacturière traditionnelle a connu un important déclin, mais Montréal s’est reconverti grâce à une économie fondée sur la culture et le savoir, contribuant du coup à l’embourgeoisement des quartiers anciens. L’essor de la classe moyenne francophone a entraîné une prolifération de quartiers périphériques. Les modifications apportées à la politique sur l’immigration se sont traduites par une diversification accrue des quartiers de classe moyenne. Cela dit, la distribution de la pauvreté à Montréal diffère aujourd’hui, notamment en raison de l’établissement des nouveaux arrivants à faible revenu dans les quartiers d’appartements d’après-guerre.
« Contrairement aux villes davantage bipolarisées, on retrouve des quartiers moyens où les revenus sont stables partout sur le territoire du Grand Montréal », explique Damaris Rose. Le succès relatif de Montréal est attribuable à une pluralité de facteurs, notamment à des logements abordables, à des services communautaires diversifiés et à un réseau de transport en commun efficace dans la plupart des quartiers défavorisés de l’île, sans compter que très peu du 1 % des Canadiens les plus nantis se retrouvent à Montréal.
Pour la professeure Rose, la métropole n’a pas le loisir de se reposer sur ses lauriers. « L’expansion de vastes zones contiguës de pauvreté et de richesse soulève la question de l’équité sociospatiale et pose d’importants défis pour la planification du logement et des transports, dit-elle. Le développement urbain axé sur les transports collectifs (AATC) de la région repose impérativement sur la construction de logements locatifs abordables dans les nouvelles plaques tournantes du transport en commun densément peuplées qu’on prévoit aménager en périphérie de Montréal. »
Ce rapport est la plus récente publication du Partenariat de recherche sur les quartiers en transition (PRQT), un vaste projet portant également sur les villes de Vancouver, de Calgary, de Winnipeg, de Toronto et d’Halifax. S’étalant sur sept ans, cette initiative de recherche est sous la responsabilité de l’Université de Toronto et a bénéficié du soutien financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Les précédents rapports du PRQT indiquent que Toronto et Vancouver s’en tirent beaucoup moins bien que Montréal depuis 1970 en ce qui concerne l’accentuation des disparités de revenu entre les différents quartiers et le recul des quartiers à revenu intermédiaire. L’équipe du PRQT procédera prochainement à la mise à jour de ses conclusions de 2010 pour Montréal et les cinq autres villes à l’étude.
Le rapport complet est disponible à : http://www.citiescentre.utoronto.ca/publications.htm.
Une version abrégée est disponible à www.quartiersentransition.ca. ♦
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