La population canadienne de 65 ans et plus est passée de 12 % à 24 % en un peu moins que 40 ans, un des taux de vieillissement parmi les plus rapides dans les pays développés. Une telle situation représente pour certains une menace pour la pérennité des systèmes publics de retraite. L’allongement de la vie active pourrait toutefois atténuer les effets négatifs du vieillissement démographique, puisqu’on observe depuis la fin des années 1990 une augmentation du taux de participation des Canadiens âgés entre 55 et 69 ans. Pourquoi certaines personnes âgées continuent-elles à travailler et d’autres non? Quels sont les facteurs qui influencent le départ à la retraite? Pour y voir clair, des chercheurs québécois dont le professeur
Alain Bélanger ont inventorié et analysé les connaissances canadiennes sur les déterminants de l’âge à la retraite pour mieux comprendre la participation des travailleurs âgés au marché du travail.
Publiée récemment dans la revue
Analyse des politiques/Canadian Public Policy, cette met en lumière les changements dans le comportement des personnes âgées face à la retraite, en portant une attention particulière aux facteurs individuels, organisationnels et contextuels susceptibles d’influer sur leur décision de se retirer du marché du travail.
La retraite n’est plus vue comme un simple événement transitoire, mais comme un processus long et complexe souvent ponctué d’épisodes de travail à temps partiel ou autonome. Pour tenir compte de cette réalité, les chercheurs ont examiné les dimensions touchant le marché du travail, la législation, les facteurs financiers, la position sociale, la sphère domestique, la gestion des ressources humaines, les facteurs liés au travail, la santé, la capacité de travail et la motivation.
Faits en bref
La revue de littérature a permis de faire des constats et de confirmer certains faits :
- Les taux d’emploi chez les personnes âgées et la probabilité d’un retour au travail sont plus élevés en Ontario et dans les Prairies qu’en Atlantique et au Québec
- Les employés du secteur public ont tendance à prendre leur retraite plus tôt et sont moins susceptibles d’effectuer un retour au travail que les employés du secteur privé
- Les travailleurs autonomes sont moins susceptibles de prendre une retraite anticipée
- Le système public de retraite canadien incite moins à la prise de retraite que les systèmes des autres pays de l’OCDE
- Le retour au travail après la retraite est plus élevé parmi les professionnels et les gestionnaires ou dans les industries offrant des options de travail flexibles
- Les travailleurs âgés mis à pied sont plus enclins à retourner au travail que ceux qui ont pris leur retraite ou cessé le travail pour cause de maladie
- Le manque de travail disponible et la faiblesse des salaires constituent les obstacles à la réembauche les plus souvent évoqués
- Les facteurs financiers sont importants dans la décision de retraite ou de retour au travail
- Les femmes ont tendance à prendre leur retraite plus tôt que les hommes
- Les immigrants sont plus susceptibles d’être financièrement vulnérables après la retraite
- Les aidants naturels sont plus nombreux à réduire les heures de travail, à modifier les habitudes de travail ou à refuser une offre d’emploi ou de promotion que les non-aidants
- La santé est la principale raison donnée pour justifier la retraite et est fortement associée à la retraite anticipée
- L’insatisfaction au travail, le faible soutien des superviseurs et les exigences physiques sont liés à la sortie précoce de la population active
- Le tabagisme quotidien et l’obésité semblent avoir un effet sur l’état de santé et, par conséquent, sur le moment de la retraite
- Les bonnes pratiques en matière de ressources humaines peuvent augmenter le niveau de motivation des employés
« Comme les caractéristiques des travailleurs âgés changent rapidement et les trajectoires individuelles sont de plus en plus diversifiées, il devient difficile de prédire les tendances futures sans le développement de nouvelles enquêtes, notamment sur l’évolution des valeurs et des attitudes des travailleurs, des syndicats et des employeurs face au prolongement de la vie active », observe un des coauteurs, le professeur
Alain Bélanger du Centre Urbanisation Culture Société de l’INRS.
Bien que plusieurs recherches sur la retraite aient été menées au Canada, il reste encore à documenter plusieurs aspects de cette question, par exemple l’âgisme au travail ou l’importance des facteurs non financiers pour la participation des personnes âgées au marché du travail, comme le sentiment d’accomplissement, le désir de se sentir utile ou le contact social.
À quoi ressemblera la participation des travailleurs âgés et quelle influence aura-t-elle sur l’organisation du travail dans le futur? ♦
À propos de cette publication
Cette recension critique fait l’objet d’un article paru dans la revue Analyse des politiques/Canadian Public Policy sous le titre « Understanding Employment Participation of Older Workers: The Canadian Perspective ». Elle a été réalisée par Alain Bélanger, Yves Carrière et Patrick Sabourin. Ce projet, qui a bénéficié du soutien financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, est une composante du Joint Programming Initiative « More Years, Better Lives ».