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Trouver sa voix

21 décembre 2018 | Amélie Daoust-Boisvert

Mise à jour : 13 mars 2024

Le passage de l’enfance à l’âge adulte dans un quartier populaire s’articule autour des mêmes enjeux à Saint-Michel et à la Petite-Bourgogne à Montréal ou dans la banlieue parisienne. 

Image tirée du livre Mon quartier, notre vie (Del Busso éditeur)

À travers leur collaboration avec des universitaires, des citoyens de 15 à 29 ans de quatre quartiers québécois et français ont exploré la musique, le slam, la poésie ou encore la vidéo. À travers l’art, ils ont exprimé la construction de leur identité en lien avec leur appartenance à leurs rues, leurs écoles, leurs stations de métro.   

L’aventure, une recherche participative unique dirigée par la professeure à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) Julie-Anne Boudreau, se raconte au fil des pages de l’atypique Mon quartier, notre vie : Regards transatlantiques, un essai entre science et récit artistique publié ces jours-ci chez Del Busso éditeur. L’ouvrage constitue l’aboutissement du projet MapCollab. Ce dernier a mis l’accent sur les voix et le vécu des jeunes de deux quartiers populaires et d’immigration en région parisienne (La Maladrerie et Quatre chemins-Diderot) et à Montréal (Saint-Michel et la Petite-Bourgogne).   

Les universitaires ont rassemblé les apports de chacun en un tout qui dépasse la somme de ses parties, mais ce sont les dizaines de jeunes qui ont pris part à l’expérience, en 2016, qui ont d’abord couché les mots sur le papier.   Leur point commun : ils souhaitent redonner une image positive de ces quartiers et rejettent les étiquettes de « quartier à risque » ou de « quartier défavorisé ».  

Rue des Seigneurs, un slam d’Imad Chawki sur le
quartier Petite-Bourgogne

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Slam contre la misère, par Nico, Saint-Michel

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La réalité des jeunes de Montréal trouve écho dans celle des jeunes de Paris, que ce soit par les stratégies qu’ils emploient pour affronter le racisme, les barrières qu’ils perçoivent à vivre dans un quartier stigmatisé ou leur rapport à l’embourgeoisement.   

Les frontières articulent les enjeux sociaux et spatiaux, ont remarqué les chercheuses. Des barrières prennent différentes formes. Les filles ont souligné l’usage majoritairement masculin des espaces publics. Les inégalités sociales et économiques s’incarnent à travers des marqueurs géographiques, que ce soit les rues, les commerces et autres fossés entre les nantis et les pauvres. Heureusement, des points de rencontre se créent par la langue, remarquent les jeunes, qu’ils soient francophones, anglophones ou allophones. Mais tous sentent la société majoritaire sourde à leurs prises de paroles. 

Le langage aussi emprunte des chemins semblables de Paris à Montréal, évoluant grâce à l’hybridation de plusieurs langues : français, arabe, créole haïtien, espagnol. « C’est une source de fierté pour les jeunes », écrivent les chercheuses.  

École Petite-Bourgogne, par Louisa Peace  

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Le projet actuel de la professeure Julie-Anne Boudreau, Tryspaces, constitue l’héritage direct de MapCollab. Autre retombée : en France, la démarche se déploie présentement dans dix nouvelles agglomérations de banlieue au sein du projet Pop-Part intégré à Tryspaces.   « L’expérience MapCollab a permis de développer des méthodes de recherche véritablement participatives, pour faire de la science autrement », explique la professeure Boudreau.  

Le contact avec le milieu universitaire a influencé plusieurs des jeunes participants, constate-t-elle aussi. Certains se sont inscrits dans des programmes d’études en communication, en sociologie ou en criminologie, par exemple.   

« Aujourd’hui, en 2017, je suis maintenant résident du quartier Saint-Michel […] De ma fenêtre de salon, j’aperçois l’école où je travaille. […] Beaucoup d’enseignants disent qu’ils préfèrent ne pas vivre dans le quartier où ils enseignent […] Au contraire, moi, je souhaite les croiser […] Ici, à Saint-Michel, je n’ai qu’à m’installer au McDonald’s avec mon portable un soir de semaine pour rencontrer au moins une dizaine de jeunes. Vous devriez voir les jeunes parfois surpris de voir un prof au McDo et d’autres jeunes qui trouvent juste cela normal de voir Giulio au McDo, car, après tout, je suis des leurs. » –  

Extrait de « Devenir enseignant » de GiuloMazzella  

Le livre, « un grand défi d’édition » selon Julie-Anne Boudreau, était « un objet très important pour les jeunes, on voulait leur donner le contrôle sur leur représentation ». ♦