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Un développement minier durable dans le Nord du Québec

22 avril 2021

Mise à jour : 25 avril 2021

Le projet MiraNor cherche à restaurer et à protéger les habitats des poissons affectés par l’activité minière en milieu nordique.

Lac Houston Scherfferville, Québec
Lac Houston, Schefferville

L’exploitation minière dans le Nord du Québec entraîne des enjeux importants, particulièrement quant aux poissons et à leurs habitats. Afin d’assurer une activité durable, les industries minières ont besoin de quantifier leur impact environnemental, mais les effets sont complexes et la prise de mesures en régions éloignées difficile. MiraNor, un projet multidisciplinaire élaboré par cinq professeurs de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), cherche à pallier ce manque de connaissances.

Guide de terrain Conrad André, à Matimekush-Lac John

Les connaissances apportées par MiraNor serviront non seulement aux scientifiques, mais également aux communautés nordiques. Les travaux du groupe de recherche, coordonnés par Emilie Reny-Nolin, se font en étroite collaboration avec les communautés innues, naskapies et inuites, qui participent à la sélection des sites d’étude. Ce sont également les membres de ces communautés qui guident les équipes de recherche et les accompagnent dans leurs travaux sur le terrain.

L’équipe de recherche multidisciplinaire de MiraNor s’intéresse à quatre thèmes : l’écotoxicologie, les infrastructures minières, les changements climatiques et les eaux souterraines.


L’écotoxicologie

Le projet de l’équipe du professeur Patrice Couture vise à comprendre les effets de la contamination par les métaux sur les poissons nordiques. L’étudiant à la maîtrise Anthony Fontaine a étudié deux lacs dans la région de Schefferville et un lac dans la région de Fermont, affectés à des degrés divers par les activités minières environnantes, dont un déversement de contaminants à Fermont. Sur les sites, il a trouvé des concentrations élevées de manganèse et de sélénium, deux métaux préoccupants pour la santé et la reproduction des poissons.

À l’étonnement de l’équipe, le lac de Fermont, lieu d’un déversement, était moins affecté que ceux de Schefferville. Le professeur Couture suggère que l’effet observé est historique, puisque la mine de Fermont n’est exploitée que depuis les années 70. « L’activité minière de Schefferville a commencé 20 ans avant celle de Fermont, et les pratiques de l’époque étaient malsaines. Les normes et les pratiques dans le secteur minier ont beaucoup évolué dans les dernières décennies », rapporte le professeur Couture.

La doctorante Mackenzie Martyniuk a, quant à elle, concentré sa recherche sur la contamination des salmonidés par les mines. Ses travaux sur le terrain l’ont menée à Fermont et à Schefferville, et la mèneront jusqu’à la baie Déception, dans le Grand Nord québécois. En laboratoire, elle évalue la tolérance de jeunes salmonidés, des ombles chevaliers, à l’exposition aux métaux en eau froide et chaude. Ces expériences lui permettront de prédire les niveaux de contamination qui pourraient être un obstacle à la survie du poisson dans un contexte de changement climatique.


Les infrastructures minières

Ponceau Fermont

Outre la contamination minière, les infrastructures de transport minier, telles les routes ou les voies ferrées, affectent l’habitat du poisson. Le chercheur Normand Bergeron, son doctorant Alexandre Pirolley et l’étudiante à la maîtrise Sophie Larrivée-Larouche étudient leur effet sur la fragmentation de l’habitat du poisson.

Des ponceaux doivent être aménagés lorsque les routes croisent des cours d’eau. Bien conçus, ils permettent à l’eau de s’écouler et aux poissons de se déplacer. Or, certains génèrent une vitesse de courant trop élevée pour que les poissons puissent les franchir. C’est pourquoi l’équipe dresse un portrait de l’état des ponceaux associés aux infrastructures minières de Schefferville et de Salluit. Elle pourra ainsi déterminer leur incidence potentielle sur la rupture de connectivité des habitats pour les communautés de poissons locales.

En plus du travail sur le terrain, le projet implique la construction d’un ponceau expérimental. L’équipe pourra ainsi évaluer l’effet du réchauffement de l’eau sur la capacité des poissons à franchir la structure. Cette dernière permettra également de tester les abris profilés afin qu’ils aient la forme, la taille et les dispositions idéales.


Les changements climatiques

Comme les changements climatiques affectent l’habitat des poissons nordiques, le réchauffement des rivières pourrait avoir un effet sur la toxicité des métaux et des autres substances qui se retrouvent dans l’eau. Par ailleurs, une température plus élevée pourrait empêcher la reproduction et la migration de ces poissons d’eau froide.

Pour comprendre l’ampleur du phénomène, le chercheur André St-Hilaire et son étudiant au doctorat Eisinhower Rincon construisent une base de données des températures de l’eau dans les rivières étudiées. Ces données, récoltées par imagerie thermique par satellite et à l’aide de thermographes, serviront à calibrer un modèle hydrothermique. L’équipe simulera ainsi des conditions de température futures, basées sur des scénarios de changement climatique.

Imagerie thermique aérienne

L’objectif du duo est de déterminer la fréquence et la durée de dépassement des températures extrêmes de l’eau des rivières d’ici l’an 2100. Ces dépassements permettront d’évaluer l’ampleur de l’incidence des changements climatiques sur les populations de poissons du Nord du Québec.


Les eaux souterraines

MiraNor s’intéresse aussi aux effets des eaux souterraines sur l’habitat du poisson. Les chercheurs Jasmin Raymond et Richard Martel, ainsi que leur étudiant Milad Fakhari, évaluent la contribution de ces eaux souterraines à la qualité et à la température de l’eau de surface. Ce sont deux facteurs importants pour les poissons, qui recherchent de l’eau fraîche pour leur survie.

Les chercheurs ont donc le mandat d’étudier le régime thermique des rivières sous un angle hydrogéologique. Ils caractérisent les venues d’eau souterraine sur deux sites : la rivière Sainte-Marguerite, au Saguenay, et la rivière Bérard, à Tasiujaq. « Nous sommes ainsi en mesure de comparer nos résultats pour une rivière subarctique, où l’on trouve des conditions de pergélisol discontinu, et une rivière de contrôle », rapporte le professeur Raymond.

L’étudiant Milad Fakhari avec le professeur Jasmin Raymond à la rivière Sainte-Marguerite, au Saguenay.

Pour étudier les eaux souterraines, l’équipe survole les rivières avec une caméra infrarouge aéroportée afin d’identifier d’éventuels refuges thermiques. « Ces derniers permettent aux poissons d’être plus à l’aise, de croître et de survivre lorsque des conditions de température extrêmes surviennent », ajoute-t-il. Aidés de guides inuits, les chercheurs ont installé des instruments de mesure dans le sol et dans le lit des rivières. Les mesures et les échantillons obtenus leur permettent de développer un modèle mathématique pour simuler l’écoulement de l’eau souterraine dans les rivières. Ils peuvent ainsi quantifier les flux d’eau souterraine, pour connaître leurs effets. 

Consultez le site internet de MiraNor pour plus d’informations.