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Une technique d’analyse prometteuse

2 septembre 2021 | Audrey-Maude Vézina

Mise à jour : 2 septembre 2021

Une équipe de l’INRS a développé une nouvelle technique d’analyse par laser, plus économique et plus performante.

Un membre chercheur de l’équipe du professeur Antici vérifie l’alignement des cibles générant les protons avant leur irradiation par le laser intense. Le faisceau laser ultrapuissant, focalisé en un point de la taille d’une fraction d’un cheveu, produit une intensité lumineuse correspondant à un billion de fois celle du Soleil. | Crédit : Patrizio Antici, iPAT-LAB

Découvrir si un personnage historique, tel le célèbre astronome Tycho Brahe, a été empoisonné en analysant la composition d’un cheveu ou d’un poil de barbe peut sembler de la science-fiction. Pourtant, cette technique d’analyse est bien réelle. L’équipe des professeurs Patrizio Antici et Jean-Claude Kieffer de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) cherche justement à l’améliorer. Leurs travaux ont fait l’objet d’une étude publiée dans la revue Scientific Reports.

Cette technique de spectroscopie sert actuellement à l’analyse de matériaux, particulièrement liés au patrimoine culturel. Elle est très précise, capable de détecter des éléments chimiques dont la concentration est équivalente à une goutte d’eau dans une piscine olympique.

Les appareils utilisés, des accélérateurs de particules, sont toutefois encombrants et coûteux. « On en trouve très peu dans le monde. Il y en a entre autres un sous le musée du Louvre, à Paris, et un près du musée des Offices, à Florence. Un appareil similaire se trouve à Guelph, en Ontario. »

Patrizio Antici, spécialiste de l’interaction laser-matière


L’avantage des lasers

Pour rendre la technique plus compacte et accessible, l’équipe de recherche s’est tournée vers l’accélération de particules par laser, qui se fait dans une chambre sous vide. Des protons, des électrons et des rayons X irradient un échantillon donné pour en déterminer les constituants. Les scientifiques peuvent ainsi savoir s’il contient du cuivre, du fer ou, dans le cas d’un empoisonnement, de l’arsenic ou du mercure.  

Une membre chercheuse de l’équipe du professeur Antici observe les spectres de protons, qui identifient les vitesses des particules accélérées par laser. Celles-ci peuvent atteindre presque 1/10e de la vitesse de la lumière.

Cette technologie permet d’obtenir des résultats ayant une résolution encore plus élevée que ceux fournis par les accélérateurs de particules conventionnels. Elle peut également combiner plusieurs particules en même temps dans une seule analyse. « Nous pouvons ainsi bénéficier des avantages de chaque particule, car elles n’ont pas toutes le même niveau de pénétration dans le matériel ni la même résolution », explique le professeur Antici.


Une multitude d’applications

Cette technique, brevetée en 2017, a été reprise par plusieurs laboratoires dans le monde, notamment en Espagne, en Italie, en Hongrie et en République tchèque. Elle est très prometteuse dans d’autres domaines que l’étude du patrimoine; en environnement par exemple. En effet, grâce à sa forte sensibilité, cette technique est de plus en plus utilisée pour détecter des éléments nocifs dans des gaz, comme le soufre ou le plomb. Elle nécessite toutefois que des filtres soient envoyés en laboratoire. Avec un accélérateur compact de particules générées par laser, la technique permettrait de détecter ces éléments nocifs en temps réel. Le professeur Antici collabore au développement de cette application avec le professeur Louis-César Pasquier.

Une autre application possible serait en sciences biomédicales. En collaboration avec le professeur Charles Ramassamy, le professeur Antici tentera d’analyser des échantillons de sang ou de tissus pour y détecter certains composés chimiques. En effet, plusieurs études estiment que la présence d’une certaine quantité d’éléments dans le sang, telle la protéine Tau, peut être un signe précurseur de maladies comme l’Alzheimer.

En industrie, la technologie pourrait servir à l’analyse de composants électroniques, comme les semiconducteurs. Ce projet, réalisé en collaboration avec le professeur Emanuele Orgiu, vise la détection des défauts de fabrication. Par exemple, un semiconducteur contenant de l’oxygène peut être défectueux. Or, les industries contrôlent actuellement la qualité des semiconducteurs en testant un composant parmi le lot. Avec la technique du professeur Antici, tous les composants pourraient être testés.

Cette avancée scientifique promet donc de révolutionner plusieurs domaines.