Nous formons la relève en recherche, capable d'innovation scientifique, sociale et technologique
Nous trouvons des solutions par la recherche interdisciplinaire, en collaboration avec nos partenaires
Nous contribuons au développement économique, social et culturel du Québec
Sous l’eau vive du Saint-Laurent se trouverait un lac inerte avec des variations étonnantes de température. Pourriez-vous faire un petit topo sur ce sujet?
Il s’agit d’une question que posait cette fin de semaine un lecteur du journal Le Soleil. Pour y répondre, le journaliste a interviewé l’océanographe Yves Gratton, professeur-chercheur au Centre Eau Terre Environnement de l’INRS.
Dans les profondeurs du Saint-Laurent, ce n’est pas un « lac inerte » que l’on trouve, mais un courant d’eau qui remonte le fleuve. Cela s’explique aisément selon Yves Gratton : « L’eau salée est plus dense (1,025 kg/l) que l’eau douce (1 kg/l) et les liquides de densités différentes ont tendance à demeurer séparés. À force de couler en sens inverse, les eaux douces et salées finissent par se mélanger, mais la tendance de départ se maintient, il y a un contre-courant d’eau salée au fond du fleuve. »
Cette eau relativement froide (2 à 5 °C) et salée (33 à 34 parties de sel par millier) pénètre dans le golfe du Saint-Laurent en contournant Terre-Neuve. Cette masse d’eau « remplit » les profondeurs du golfe à partir de 125 m jusqu’au fond. Elle remonte ensuite l’estuaire et le fleuve en empruntant le chenal laurentien, une longue vallée sous-marine. Au-dessus de cette strate d’eau de fond se trouve une couche intermédiaire d’eau plus légère, un peu moins salée (32 à 33 parties de sel par millier) et plus froide (- 1 à 2 °C). Et au-dessus de cette dernière se trouve la couche de surface qui disparaît en hiver.
« Ainsi, reprend Yves Gratton, l’eau entre par le fond parce qu’elle est plus dense, par la suite, la pression la fait remonter. Ce n’est donc pas un « lac » que l’on retrouve dans les profondeurs du golfe et de l’estuaire, mais un contre-courant de fond qui se déplace lentement. »
Fait intéressant, cette pression est suffisante pour faire remonter l’eau du chenal laurentien le long d’une imposante falaise sous-marine à la hauteur de Tadoussac, ce qui, avec le brassage des eaux du Saguenay et du Saint-Laurent, contribue à en faire un lieu exceptionnel pour l’observation des baleines.
Source :
Journaliste : Jean-François Cliche
Journal : Le Soleil
Parution : 20 mai 2012
Photo : Guillaume Jouve