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Dans leur laboratoire à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), le professeur José Azaña et son équipe ont été les premiers à rendre un objet « invisible ». À l’été 2018, les scientifiques que l’on pourrait presque qualifier de magiciens ont démontré le fonctionnement d’une cape d’invisibilité. Elle permet de camoufler un objet éclairé par une lumière contenant l’ensemble du spectre des couleurs, comme celle du soleil ou de l’éclairage artificiel.

Cette grande avancée a été rendue possible grâce à l’expertise du Centre Énergie Matériaux Télécommunications (EMT) de l’INRS, à Varennes, dans la manipulation de ce type de signal lumineux. L’exploit avait déjà été réalisé avec de la lumière monochromatique, mais ce type de signal est peu réaliste hors du laboratoire où la lumière est polychromatique.

osé Azaña, professeur au Centre Énergie Matériaux Télécommunications (EMT) de l’INRS
José Azaña, professeur au Centre Énergie Matériaux Télécommunications (EMT) de l’INRS

Le principe derrière la cape d’invisibilité du professeur Azaña se fonde sur la manipulation de la lumière à large spectre. Il s’appuie sur les travaux de Donna Strickland, récipiendaire d’un doctorat honorifique de l’INRS, et Gérard Mourou, autrefois professeur invité au Centre EMT et premier titulaire de la chaire Jacques Beaulieu. Ces recherches innovantes leur ont valu le prix Nobel de physique en 2018. Ils ont développé une technique permettant aux lasers d’atteindre des puissances inimaginables pour l’époque. La puissance du laser était limitée à un seuil au-delà duquel l’amplificateur de signal se brisait. Les dommages subis par l’appareil venaient d’une intensité trop importante, concentrée en un moment donné.

Donna Strickland et Gérard Mourou ont exploité le fait que les longueurs d’onde (couleurs) se propagent à des vitesses légèrement différentes afin de séparer l’impulsion lumineuse. Ce phénomène, appelé dispersion de vitesse de groupe, permet de répartir la puissance de l’impulsion en l’allongeant dans le temps. Au lieu d’atteindre l’amplificateur simultanément, les couleurs arrivent de manière consécutive à l’appareil sans le surcharger. Une fois le signal amplifié, les couleurs sont alors recombinées pour obtenir une impulsion avec une puissance plus élevée qu’au départ.

La cape d’invisibilité utilise ce même principe dans l’objectif de « déguiser » une couleur en une autre. Un objet est rendu visible par la lumière qui est renvoyée par celui-ci, par exemple une plante paraît verte puisque c’est cette couleur qu’elle réfléchit. Par contre, si le vert est transformé en une autre couleur, la plante ne réfléchira rien et sera « invisible ». Le faisceau modifié traverse l’objet sans être réfléchi, ni absorbé. Une fois de l’autre côté, la lumière est restaurée à son état d’origine avec toutes ses couleurs comme s’il n’y avait eu aucun obstacle, rendant ainsi l’objet « invisible ».

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Au fil des ans, les chercheurs à l’INRS ont appris à manipuler cette vaste gamme de couleurs. Cela a permis de développer de nombreuses technologies telles que l’amplification à dérive de fréquence pour les impulsions laser ultracourtes utilisée au Laboratoire de sources femtosecondes (ALLS) du Centre EMT, dirigé par le professeur François Légaré. « Cette méthode est largement utilisée et est à l’origine de nombreuses autres avancées scientifiques comme la caméra à balayage ultra rapide développée par Axis photonique, une entreprise dérivée de l’INRS », rapporte le professeur Azaña.

La manipulation de la lumière à large spectre est également à la base des récents développements sur le traitement de l’information et de l’informatique quantique au Centre EMT. Elle joue par ailleurs un rôle fondamental dans de nombreux développements du domaine des télécommunications qui est un autre pôle central de recherche.