« Le sol, c’est vraiment notre terrain de jeux », lance le chercheur Philippe Constant. Les travaux du spécialiste en microbiologie des sols et en biotechnologies visent à identifier les relations entre les microorganismes du sol et les gaz à l’état de trace, c’est-à-dire dont la concentration est inférieure à 1% dans l’atmosphère.
« Les gaz atmosphériques servent de source d’énergie pour les microorganismes que l’on retrouve dans l’environnement. L’hydrogène moléculaire, le méthane et le monoxyde de carbone, par exemple, ont un potentiel énergétique suffisant pour permettre la vie de 10 millions de cellules bactériennes par gramme de sol. C’est énorme ! » souligne-t-il. Les microorganismes qui consomment ces gaz soutiennent les communautés microbiennes et assurent une foule de services écosystémiques par leur activité métabolique. L’équipe de recherche du professeur Constant tente d’orchestrer ces processus pour que les organismes travaillent en notre faveur, pour augmenter le rendement agricole ou réduire le bilan d’émissions de gaz à effet de serre (GES), par exemple.
L’utilisation des sols
Un autre élément de recherche du microbiologiste porte sur l’utilisation durable des sols, dont de meilleures pratiques agricoles. En collaboration avec des agriculteurs, l’Université de Guelph, en Ontario, et le Centre de recherche agroalimentaire de Mirabel, Philippe Constant étudie les bienfaits de la culture de couverture, aussi appelée engrais vert. Ce couvert végétal vivant protège le sol en l’absence de culture. « Lorsqu’on récolte du maïs ou du soya, le champ reste à nu et subit des stress avant l’hiver. Or, c’est une période critique, car le sol peut perdre en qualité et en diversité à cause de l’érosion par le vent et par l’eau », rapporte le chercheur.
Les pousses vont retenir les nutriments en place en plus d’accumuler de la biomasse pour l’année suivante. Ce couvre-sol limite également l’utilisation d’herbicides, car les mauvaises herbes n’ont plus l’espace pour pousser. Ce type de culture a aussi l’avantage de réduire l’utilisation d’insecticides, puisque certaines cultures vont produire des molécules volatiles qui inhibent la croissance de certains pathogènes ou insectes nuisibles. Par ailleurs, cette pratique aurait un effet important sur les GES.
« Si toutes les terres agricoles du Québec passaient à un régime d’engrais vert, en l’espace de deux ou trois ans, nous pourrions retrouver le même niveau d’émissions de GES du secteur agricole que celui observé dans les années 1990. »
Philippe Constant
Outre la bonne exploitation, les changements d’affectation des terres influent sur les processus naturels qui sont le fruit de successions microbiennes s’étant déroulées durant plusieurs centaines d’années. Toutefois, les microbiologistes ne connaissent pas encore l’étendue des conséquences. « On est incapable d’isoler le rôle des espèces dans chaque fonction, soutient-il. Ainsi, lorsqu’une forêt est convertie en terre agricole, on sait que la diversité microbienne sera érodée, mais le seuil de perturbation maximal qu’un sol peut supporter avant de voir les services écosystémiques diminuer demeure difficile à définir. C’est l’un des grands défis, mais il nous anime dans notre désir de poursuivre nos recherches. »