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Faire tourner la prochaine génération d’horloges atomiques

10 août 2022 | Julie Robert

Mise à jour : 9 novembre 2023

Le professeur Roberto Morandotti de l’INRS contribue à une percée internationale dans le domaine de la photonique

Les horloges atomiques sont parmi les garde-temps les plus précis de l’histoire de l’humanité. Une référence temporelle précise est essentielle à certains systèmes, notamment pour la navigation mondiale, la cartographie par satellite ou l’établissement des prochaines générations de télécommunications (6G, télécommunication par fibres optiques). Cependant, les horloges atomiques actuelles sont des dispositifs massifs – pesant des centaines de kilogrammes – qui doivent être hébergés dans des conditions précises et difficiles à maintenir. C’est pourquoi les scientifiques du monde entier se lancent dans une course pour construire des versions portables qui fonctionneront dans des conditions réelles et pourraient remplacer les systèmes de navigation par satellite existants, tels que le GPS et Galileo.

En partenariat avec, entre autres, l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), une équipe de recherche basée au Royaume-Uni a résolu une énigme dans le développement de ces horloges atomiques portables, en découvrant comment mettre – et maintenir – en marche de manière fiable leur dispositif de comptage. Leurs travaux ont été publiés aujourd’hui dans la revue Nature.

Les micropeignes sont un élément fondamental des futures horloges atomiques optiques : ils permettent de compter l’oscillation du « pendule atomique » dans l’horloge, en convertissant l’oscillation atomique de centaines de billions de fois par seconde en un milliard de fois par seconde, soit une fréquence de l’ordre du gigahertz que les systèmes électroniques modernes peuvent facilement mesurer.

Basés sur des micropuces optiques compatibles avec l’électronique, les micropeignes sont les meilleurs candidats pour miniaturiser la prochaine génération de garde-temps ultraprécis. Il s’agit de sources de technologie laser de pointe composées de raies laser très précises, également espacées dans le spectre.

Cependant, les micropeignes qui sont généralement produits par des dispositifs qui sont si sensibles que lorsque quelqu’un parle ou entre dans une pièce, ils ne peuvent maintenir leur état. Ils perdent leur stabilité et s’éteignent.  


Un « moteur éternel »

L’équipe de recherche a trouvé un moyen de permettre au système de démarrer par lui-même et de maintenir un état stable; essentiellement, il se rétablit par lui-même. Les travaux ont été menés au Royaume-Uni sous la direction dela professeure Alessia Pasquazi, ancienne postdoctorante à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), en partenariat avec, entre autres, le professeur Roberto Morandotti du Centre de recherche Énergie Matériaux Télécommunications de l’INRS.

« Nous avons en quelque sorte un “moteur éternel” (comme dans la série Le Transperceneige, si vous la regardez) qui revient toujours au même état si quelque chose vient le perturber. Nous disposons désormais d’un bouton de démarrage et d’un bouton de reprise », explique la professeure Pasquazi, qui a commencé ces travaux à l’Université du Sussex avant de rejoindre  l’Université de Loughborough, le mois dernier.

« Ce travail de collaboration est une étape clé dans la mise au point des micropeignes, car la stabilisation du système que nous avons conçu est très utile pour les applications dans le monde réel. Il pourrait servir pour les applications d’apprentissage automatique et la spectroscopie. Il pourrait éliminer également notre dépendance au GPS. »

Roberto Morandotti spécialisé dans l’optique non linéaire et dans la micro et nanofabrication de structures pour la photonique.


Révolutionner les réseaux de télécommunication

« Un micropeigne bien conçu utilise un type d’onde spécial, appelé soliton de cavité, qui n’est pas simple à obtenir. Comme le moteur d’une voiture à essence, un micropeigne préfère rester à l’état d’arrêt. Lorsque vous démarrez votre voiture, vous avez besoin d’un démarreur qui fait tourner le moteur correctement, explique la professeure Pasquazi. Pour l’instant, les micropeignes ne disposent pas d’un bon “démarreur”. C’est comme si la batterie de votre voiture était constamment vide et qu’il vous fallait quelqu’un pour pousser la voiture en bas d’une colline chaque fois que vous devez l’utiliser, en espérant qu’elle démarre. » 

En 2019, l’équipe de recherche avait déjà démontré que pour obtenir des micropeignes, elle pouvait utiliser un autre type d’ondes, appelé « soliton de cavité laser », en intégrant directement la micropuce dans un laser standard et obtenir un gain important d’efficacité. Maintenant, les scientifiques ont montré que le soliton peut être transformé naturellement en l’état unique du système.

Selon l’équipe de recherche , les micropeignes devraient révolutionner les réseaux de télécommunication, qui utilisent de nombreuses couleurs différentes pour transférer un maximum d’informations. « Alors que les réseaux se servent actuellement de lasers distincts pour chaque couleur, les micropeignes offriront une solution compacte et écoénergétique, avec la possibilité de transférer également une mesure du temps très précise », conclut la professeure Pasquazi.


À propos de l’étude

L’article Self-emergence of robust solitons in a micro-cavity a été publié le 10 août en collaboration avec des collègues de l’Université du Sussex, au Royaume-Uni, de la City University of Hong Kong et du Xi’an Institute of Optics and Precision Mechanics, en Chine, de la Swinburne University of Technology, en Australie, du Centre Énergie Matériaux Télécommunications de l’INRS, au Canada, et de l’Université du Strathclyde, également au Royaume-Uni.
(DOI: https://www.nature.com/articles/s41586-022-04957-x)