Philippe Constant : s’impliquer au bénéfice de la science citoyenne

La série « Tour d’horizon en trois questions » met en valeur la recherche sous toutes ses formes et porte un regard éclairé sur l’actualité. 

Philippe Constant expert en microbiologie et biotechnologies

En poste à l’Institut national de la recherche scientifique depuis 2011, le professeur Philippe Constant se spécialise en microbiologie environnementale et appliquée. 

Particulièrement intéressé par les questions d’économie circulaire et de science citoyenne, le professeur Constant souhaite créer des ponts entre son expertise et la collectivité. C’est ainsi qu’en 2020, il effectue des démarches auprès de sa municipalité pour s’impliquer dans sa communauté. Quelques années plus tard, le voilà nommé conseiller scientifique en chef de la Ville de Mirabel et cotitulaire de la Chaire de recherche municipale pour la transition écologique et sociale. 

Portrait de son engagement à titre de chercheur au sein d’un réseau d’entreprises et de deux instances municipales. 

En quoi consiste votre rôle de conseiller scientifique en chef auprès de la Ville de Mirabel? De quelle manière votre expertise vient-elle soutenir l’équipe municipale?  

Les municipalités font face à de multiples défis, tels que les besoins en matière de transport, de santé et d’éducation. Répondre à ces demandes, tout en assurant la vitalité économique du territoire, passe par une prise de décision éclairée, sur la base de données probantes. La collaboration avec le milieu de la recherche offre aux villes de nouvelles ressources pour soutenir leurs initiatives. La Ville de Mirabel s’est ainsi dotée d’un conseiller scientifique en chef, rôle que j’ai l’honneur d’assumer depuis 2024.  

Cette nomination est le fruit d’une collaboration m’ayant permis de contribuer à l’idéation d’un projet structurant avec Mirabel Économique : le Carrefour d’innovation écoresponsable de Mirabel (CIEM). Ce Carrefour constitue un point d’ancrage aux projets d’innovation sur le territoire, mobilisant l’écosystème dans sa transition vers une agriculture durable et circulaire. J’appuie la Ville de Mirabel dans le déploiement de projets de recherche et d’innovation en mobilisant mon réseau issu des mondes universitaire et collégial, permettant ainsi d’apporter une expertise scientifique aux dossiers municipaux. 

La gestion stratégique des matières résiduelles est un dossier important pour le CIEM. L’eau, les fertilisants et les produits biosourcés pouvant être obtenus par le surcyclage des matières résiduelles représentent une opportunité pour la Ville et son écosystème de diversifier ses revenus. Je suis impliqué dans divers projets de recherche en ce sens, avec mon collègue de l’INRS, le professeur Kokou Adjallé, cotitulaire de la Chaire de recherche municipale, expert en biotechnologie environnementale. 

Dans le cadre de vos fonctions auprès de la Ville de Mirabel, vous avez récemment supervisé la création d’une plateforme pour la revalorisation des résidus serricoles, en partenariat avec différentes entreprises québécoises. Comment ce projet est-il né? Quelles ont été les motivations pour mettre en place un projet d’une telle envergure?  

Le questionnement sur la possibilité de diversifier ses revenus en valorisant les résidus est également une priorité de l’industrie serricole, qui cherche aujourd’hui  des alternatives à l’enfouissement. C’est dans cette optique que j’ai mobilisé des collègues d’universités, de collèges et de centres de recherche, ainsi que des actrices et acteurs de la recherche et de l’administration de diverses entreprises. Le Québec possède de nombreux  atouts pour développer la biofabrication industrielle, et notre projet est une manière idéale de mettre ces atouts en perspective. 

Ces démarches m’ont permis de rassembler un consortium de recherche pour mettre à l’essai des procédés de valorisation thermochimiques et biologiques afin de créer de la valeur à partir des résidus serricoles. Ces procédés incluent la fermentation anaérobie, la régénération de substrats de culture, l’élevage de mouches soldat noires, la production de mycomatériaux, le compostage et la pyrolyse pour générer du biocharbon et du vinaigre de bois.  

Le consortium de recherche offre aux membres étudiants diplômés  et stagiaires de recherche de l’INRS un environnement de formation exceptionnel, notamment par l’implication de partenaires académiques, collégiaux et industriels. Les travaux des étudiantes et étudiants font avancer les connaissances fondamentales, tout en jetant les bases d’une feuille de route pour la transition écologique de l’industrie serricole. 

Dans une volonté de faire rayonner la recherche citoyenne et de rendre la science accessible, vous collaborez  avec la Ville de Laval pour le Microbiome City Network Project. En quoi ce projet consiste-t-il?  

Issue d’une collaboration avec la Ville de Laval, la Chaire de recherche en partenariat INRS-Ville de Laval en ingénierie du microbiome pour des applications environnementales et agroalimentaires explore le rôle du microbiome dans les environnements urbains et agroalimentaires. La Chaire pilote notamment un projet de recherche phare, démontrant comment l’aménagement urbain peut restaurer les communautés microbiennes effritées par l’urbanisation. 

Une vaste campagne d’échantillonnage mobilisera une cohorte d’ambassadrices et d’ambassadeurs scientifiques, une centaine de citoyennes et citoyens invités à collecter des échantillons dans différents milieux. Ces prélèvements seront analysés par notre équipe afin de mieux comprendre la diversité microbienne urbaine. Cette démarche participative permettra de sensibiliser la population à l’importance de cette biodiversité invisible, essentielle à la santé des écosystèmes et à la qualité de vie des résidentes et résidents. Il s’agit d’une excellente manière d’impliquer concrètement les personnes concernées par ces questions scientifiques. 

Les étudiantes et étudiants occupent une place centrale dans ce projet. En plus d’acquérir une expertise en laboratoire, ils développeront des compétences en vulgarisation scientifique et un vaste réseau professionnel. Le projet offre ainsi une formation polyvalente qui allie recherche, communication et engagement citoyen, fidèle à la mission profonde de l’INRS.