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L’équipe de recherche du professeur Mohamed Mohamedi de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) a conçu une pile à combustible verte sans membrane qui fonctionne avec l’oxygène de l’air, une première au Canada.
Les résultats liés à ce système microfluidique innovant ont été publiés dans le journal Renewable and Sustainable Energy Reviews. Les piles à combustible conventionnelles sont partout, des voitures électriques qui circulent aujourd’hui aux ordinateurs qui ont servi à l’alunissage d’Apollo 11 en 1969. Or, au fil de leur utilisation, ces piles perdent de la tension et cessent de fonctionner. Ce problème survient lorsque des molécules d’alcool (méthanol ou éthanol) contenues dans le compartiment anodique de la pile traversent la membrane qui les sépare du compartiment cathodique. Ce dernier contient des molécules d’oxygène, et c’est leur réaction indésirable avec l’alcool qui provoque la chute de tension.
De nombreux scientifiques se sont penchés sur le développement d’une membrane qui empêcherait les molécules d’alcool de la traverser, mais sans succès. Le professeur Mohamed Mohamedi, auteur principal de l’étude publiée le 8 septembre, a choisi une autre approche : développer une pile sans membrane.
Cette nouvelle solution permet de réduire les coûts et les étapes de fabrication, mais elle comporte un défi majeur. « En enlevant la membrane, l’éthanol ou le méthanol réagit toujours avec l’oxygène, ce qui revient au problème de la pile conventionnelle. Pour éviter les chutes de tension, il nous fallait développer des électrodes sélectives dans le compartiment cathodique. Ces électrodes, conçues par mon doctorant Juan Carlos Abrego-Martinez, sont inactives face aux molécules d’alcool, mais sensibles à l’oxygène qui génère l’électricité », explique le chercheur. Il souligne une autre originalité de sa pile sans membrane : l’oxygène qu’elle utilise vient directement de l’air.
Pour concrétiser son nouveau concept, le groupe de recherche a d’abord recouru à des simulations numériques, réalisées par Alonso Moreno Zuria, postdoctorant à l’INRS et premier auteur de l’étude. La modélisation a permis aux chercheurs d’intégrer les électrodes sélectives dans la pile et de tester différentes configurations.
« La pile conventionnelle prend la forme d’un sandwich, avec la membrane au centre, et nous avons plutôt choisi de travailler sur un seul plan. Nous devions donc déterminer l’organisation et la distance entre les électrodes qui permettaient d’avoir la meilleure efficacité énergétique, tout en tenant compte de la concentration d’oxygène dans l’air. »
Mohamed Mohamedi
Une fois la configuration choisie, les chercheurs ont testé un prototype leur servant de preuve de concept. La pile sans membrane a pu alimenter une DEL (LED) pendant quatre heures avec seulement 234 microlitres de méthanol. Éventuellement, les chercheurs veulent optimiser la pile pour utiliser de l’éthanol, un carburant plus vert, puisqu’il peut être produit à partir de biomasse et de déchets agricoles. Cet alcool fournit aussi davantage de puissance pour un volume équivalent.
Avec sa pile à combustible sans membrane, l’équipe cible l’électronique portable telle que les cellulaires ou les microsystèmes comme des capteurs de pollution de l’air. Contrairement aux batteries conventionnelles qui emmagasinent l’électricité et nécessitent une recharge, les piles à combustible produisent de l’énergie en continu, tant que le carburant est fourni. « Cette méthode d’alimentation serait particulièrement efficace lorsque la recharge est impossible. Imaginez être dans le désert, sans électricité. Vous pourriez recharger votre cellulaire avec une petite capsule d’éthanol que l’on connecte à l’appareil », souligne le professeur Mohamedi.
Même si l’équipe de recherche n’en est qu’au prototype, les industries s’intéressent déjà à cette technologie novatrice.
Les chercheurs ont reçu un soutien financier du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), du Centre québécois sur les matériaux fonctionnels (CQMF), de la Chaire MATECSS de l’UNESCO, du Consejo Nacional de Ciencia y Tecnología (CONACYT), situé à Mexico, et du Científicos Mexicanos en el Extranjero. https://doi.org/10.1016/j.rser.2020.110045
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