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Une équipe de recherche met au point une méthode pour amplifier la puissance locale d’un signal optique sans en augmenter le niveau de bruit de fond.
Le doctorant Benjamin Crockett au laboratoire. Photo © Yang Liu
Les signaux optiques faibles sont courants dans de nombreuses applications scientifiques et technologiques. Cependant, ils sont difficiles à détecter ou à traiter en raison du bruit inhérent à tout système. Le doctorant Benjamin Crockett et ses collègues, sous la supervision du professeur José Azaña de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), ont conçu une technique pour récupérer des signaux optiques faibles et dominés par le bruit. Leurs travaux ont été publiés dans la prestigieuse revue Optica.
Cette réussite est importante pour divers domaines tels que les télécommunications, la bioimagerie et la télédétection. En effet, la propagation sur de longues distances dans une fibre optique entraîne des pertes considérables. Dans les applications d’imagerie biomédicale, la puissance lumineuse est réduite pour éviter d’endommager les tissus vivants. De même, dans les applications lidar (télédétection par laser), les puissances optiques élevées peuvent constituer une menace pour les yeux d’un passant. Dans tous ces cas, la récupération de signaux faibles et bruités demeure un défi majeur.
Les lasers ont permis des avancées considérables dans de nombreux domaines de recherche. Pourtant, le problème de la sensibilité et du bruit constitue un obstacle à la poursuite du développement.
« Nous espérons que cette technique pourra être utilisée par des scientifiques du monde entier pour accéder à des informations jusque-là inaccessibles contenues dans des signaux faibles et bruités. »
Benjamin Crockett, doctorant et premier auteur de l’étude
Les travaux, menés en collaboration avec la société de télécommunications montréalaise Fonex Data Systems inc., présentent un intérêt pratique et potentiellement immédiat pour l’industrie.
La plupart des approches actuelles sont inadaptées pour récupérer un signal faible, car elles atténuent davantage le signal ou injectent une quantité supplémentaire de bruit. La nouvelle méthode développée par l’équipe de recherche utilise une amplification passive du signal d’intérêt par rapport au bruit, ce qui permet d’accéder à des signaux qui ne pourraient pas être récupérés autrement. Aucune autre technique n’augmente simultanément l’énergie du signal d’intérêt tout en réduisant sa teneur relative en bruit.
Pour y parvenir, les chercheurs exploitent l’effet d’auto-imagerie de Talbot, qui est observé lorsqu’un train périodique d’impulsions se propage dans un milieu dispersif tel qu’une fibre optique. Ce phénomène fait que les différentes composantes de fréquence, ou « couleurs », de la lumière se déplacent à des vitesses différentes. L’effet Talbot était auparavant utilisé pour « superposer » ou combiner de manière cohérente des impulsions consécutives, ce qui entraînait une amplification passive de la puissance maximale des impulsions.
Dans ce travail, l’équipe de l’INRS a pu étendre cette technique pour obtenir une amplification passive de n’importe quel signal arbitraire, sans exigence de périodicité.
« Nous avons réalisé que nous pouvions trouver un arrangement particulier pour que l’effet Talbot soit utilisé pour amplifier des signaux apériodiques, c’est-à-dire pratiquement n’importe quel signal que l’on trouve dans les divers domaines pratiques »
José Azaña, expert en télécommunications par fibre optique
Tout comme une lentille physique peut être utilisée pour focaliser une image large et faible en un faisceau plus étroit et plus intense, le système proposé peut être utilisé pour redistribuer l’énergie d’un signal faible en une série d’impulsions de haute intensité. Cet effet de focalisation de l’énergie peut être obtenu sans déformer la forme du signal, soit les informations transportées, et sans en augmenter le bruit.
Les auteurs pensent que cette découverte ouvre de nombreuses voies pour les prochaines recherches. Il serait possible d’adapter cette technique pour des images spatiales en 2D ou 3D, une prouesse qui pourrait avoir des applications importantes dans la recherche en astronomie, en photographie ou en holographie, par exemple. En outre, bien que la présente démonstration se soit concentrée sur les formes d’ondes optiques, telles que celles utilisées dans les télécommunications, cette technique pourrait être adaptée à différents types d’ondes, notamment les ondes radio, micro-ondes, plasma, acoustiques ou même quantiques.
L’article « Optical signal denoising through temporal passive amplification », de Benjamin Crockett, Luis Romero Cortés, Reza Maram et José Azaña, a été publié le 20 janvier 2022 dans la revue Optica. L’étude a été financée par le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT) et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).