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Vers un dispositif spintronique efficace et rapide

25 avril 2022 | Audrey-Maude Vézina

Mise à jour : 30 juillet 2022

Pour la première fois, des scientifiques de l’INRS et des partenaires à l’international ont réussi à observer le spin des électrons à l’intérieur de matériaux de terres rares avec un instrument de taille assez modeste pour entrer dans un laboratoire.

Représentation des structures magnétiques de terres rares à l’échelle nanométrique, activées par une source de rayons X basée sur un laser ytterbium. Image : Ella Maru Studio

Le partage de l’information en temps réel nécessite des réseaux de systèmes complexes. Une approche prometteuse pour améliorer les dispositifs de stockage de données consiste à modifier l’aimantation, soit le spin des électrons des matériaux magnétiques, à l’aide d’impulsions laser femtosecondes ultrabrèves. Mais la façon dont le spin évolue dans le monde nanométrique et sur des échelles de temps extrêmement courtes – autour d’un millionième de milliardième de seconde – demeure largement mystérieuse.

L’équipe du professeur François Légaré, de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), a fait une percée majeure dans ce domaine, en collaboration avec l’université TU Wien, en Autriche, l’installation Synchrotron SOLEIL, en France, et d’autres partenaires étrangers. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Optica.

Jusqu’à présent, les études sur le sujet s’appuyaient fortement sur les grandes installations à rayons X, telles que les lasers à électrons libres et les synchrotrons, dont l’accès est limité pour nombre de scientifiques. Mais l’équipe a démontré, pour la première fois, qu’il est possible de résoudre spatiotemporellement la dynamique de spin à l’intérieur des matériaux de terres rares à l’aide d’un microscope ultrarapide à rayons X de basse énergie, ou « rayons X mous », capable de tenir sur une table de laboratoire. Ce type d’appareil est prometteur pour les dispositifs spintroniques.

Cette nouvelle source de rayons X est basée sur un laser ytterbium à haute énergie. Elle représente une avancée cruciale pour l’étude de futurs dispositifs spintroniques à haute vitesse et à faible consommation d’énergie. Cette source pourrait être utilisée pour de nombreuses applications en physique, en chimie et en biologie.

« Notre approche offre un produit compact, robuste, économique et évolutif sur le plan énergétique pour de nombreux laboratoires. Il permet d’étudier la dynamique ultrarapide dans des structures à l’échelle nanométrique et à la mésoéchelle, soit une échelle intermédiaire, avec des résolutions spatiales de l’ordre du nanomètre. Il permet aussi des résolutions temporelles de l’ordre de la femtoseconde avec la spécificité de l’élément observé », explique le professeur Andrius Baltuška, de l’université TU Wien.


Des impulsions de rayons X pour observer le spin

Grâce à cette source lumineuse de rayons X mous, une série d’images instantanées des structures magnétiques de terres rares à l’échelle nanométrique a pu être prise. Elles exposent clairement le processus de désaimantation rapide, et les résultats fournissent des informations importantes sur les propriétés magnétiques. Ces informations sont aussi précises que celles obtenues à l’aide de grandes installations à rayons X.

« Le développement de sources de rayons X ultrarapides “de table” est passionnant pour les applications technologiques de pointe et les domaines scientifiques modernes. Nous sommes ravis de nos résultats, qui pourront être utiles pour les recherches futures en spintronique, ainsi que dans d’autres domaines. »

Guangyu Fan, chercheur postdoctoral à l’INRS.

« Le recours aux systèmes à base de terres rares est en plein essor en raison de leur taille nanométrique, de leur rapidité et de leur stabilité. Un microscope à rayons X mous de plus petite taille est très attrayant pour de nombreuses études sur les futurs dispositifs spintroniques composés de terres rares », explique Nicolas Jaouen, chercheur principal au Synchrotron SOLEIL.

Le professeur Légaré souligne la fructueuse collaboration entre expertes et experts dans le développement de sources lumineuses de pointe et de dynamiques ultrarapides dans les matériaux magnétiques, à l’échelle nanométrique. « Compte tenu de l’émergence rapide de la technologie des lasers ytterbium de haute puissance, ce travail représente un énorme potentiel pour les sources de rayons X mous de haute performance. La nouvelle génération de lasers, qui sera bientôt disponible au Laboratoire de sources femtosecondes (ALLS), aura de nombreuses applications futures dans les domaines de la physique, de la chimie et même de la biologie », ajoute-t-il.


À propos de l’étude

L’article « Ultrafast magnetic scattering on ferrimagnets enabled by a bright Yb-based soft x-ray source », par G. Fan, K. Légaré, V. Cardin, X. Xie, R. Safaei, E. Kaksis, G. Andriukaitis, A. Pugžlys, B. E. Schmidt, J. P. Wolf, M. Hehn, G. Malinowski, B. Vodungbo, E. Jal, J. Lüning, N. Jaouen, G. Giovannetti, F. Calegari, Z. Tao, A. Baltuška, F. Légaré et T. Balčiūnas, a été publié dans la revue Optica le 6 avril 2022. L’étude a entre autres reçu un soutien financier du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT) et de PRIMA Québec. Le laboratoire ALLS bénéficie également d’un investissement de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI).