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Enquête inédite : première étude québécoise sur les inégalités de patrimoine hommes-femmes

25 janvier 2024 | Alexandra Madoyan

Mise à jour : 6 juin 2024

La professeure Maude Pugliese dévoile des données majeures lors du lancement de sa nouvelle chaire de recherche.

La professeure Maude Pugliese, de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), est la titulaire de la nouvelle Chaire de recherche du Canada en expériences financières des familles et inégalités de patrimoine.

À l’occasion du lancement officiel de sa chaire, la professeure Pugliese dévoile les résultats d’une étude inédite : les inégalités marquées entre hommes et femmes en matière de patrimoine, autrement dit, en matière d’actifs nets.

Si l’on connaît bien les inégalités de revenus et de salaire, on en sait beaucoup moins sur la distribution patrimoniale au Québec puisqu’il existe peu de données appropriées à ce sujet. « Pourtant, le patrimoine est une ressource encore plus importante pour le bien-être que le revenu, notamment car il peut agir à titre de coussin de sécurité en cas de difficultés et qu’il est crucial pour le bien-être à la retraite. », souligne la chercheuse au Centre Urbanisation Culture Société de l’INRS, spécialiste des dynamiques et des finances familiales.

Au-delà du salaire : des inégalités significatives entre hommes et femmes

Jusqu’à maintenant, le patrimoine était mesuré au niveau du ménage plutôt qu’au niveau individuel au Canada. Cette catégorisation masquait complètement les inégalités entre les hommes et les femmes en couple, qui représentent actuellement 40 % de la population québécoise.

Pour pallier cette lacune, la professeure Pugliese a réalisé en 2022 une enquête sondant pour la première fois la valeur du patrimoine individuel auprès de 4 800 répondantes et répondants du Québec.

Les conclusions sont parlantes : le patrimoine net moyen des hommes est près de 30 % plus élevé que celui des femmes dans la population adulte générale de la province. L’écart s’approfondit encore davantage parmi les personnes en couple. Chez les personnes en union libre, par exemple, le patrimoine des hommes est 80 % plus élevé que celui des femmes, s’établissant à 271 955 $, comparativement à seulement 151 895 $ pour les femmes.

« Ces écarts de genre sont bien plus grands que les écarts de salaire actuellement observés entre les hommes et les femmes au Québec », relève Maude Pugliese. Aussi, même lorsque les différences de revenus entre hommes et femmes étaient prises en considération dans les calculs, l’équipe observait toujours un écart de genre marqué dans le patrimoine. Celui-ci reste donc en grande partie à expliquer. « On peut se demander, par exemple, si les femmes héritent dans la même mesure que les hommes ou si elles reçoivent les mêmes services et conseils financiers », expose la professeure. Cette étude démontre clairement la nécessité d’approfondir la collecte de données en matière de patrimoine individuel et familial pour mieux comprendre ces enjeux.

Les résultats détaillés de cette enquête ont été publiés en décembre 2023 sous le titre « The Gender Wealth Gap in Québec » dans la revue Canadian Studies in Population par Maude Pugliese et son équipe composée des membres doctorants Prisca Benoît, Mamadou Diallo et Diana Pena Ruiz.

De gauche à droite : Louis-Carl Boivin, Laurence Maclure, Diana Peña Ruiz, Maude Pugliese et Mamadou Diallo.

Une chaire pour chapeauter la recherche sur les inégalités

C’est dans ce contexte que la Chaire de recherche du Canada sur les expériences financières des familles et les inégalités de patrimoine a été officiellement inaugurée à Montréal.

Cette chaire agira comme tremplin pour approfondir des sujets de recherche au cœur des enjeux d’équité. L’équipe de recherche menée par la professeure Pugliese explorera ainsi les inégalités de patrimoine dans une dimension familiale, intergénérationnelle et intersectionnelle, en portant attention aux écarts selon le genre, l’ethnicité, la classe sociale ou encore la citoyenneté des individus.

L’équipe mettra au point des techniques innovantes pour mesurer le patrimoine, en utilisant des analyses quantitatives et qualitatives. Ils procéderont par exemple à l’utilisation d’un guide d’entrevue pour retracer les trajectoires patrimoniales de manière rétrospective.

Afin de multiplier les angles de recherche, les chercheuses et chercheurs répertorieront les données relatives au vieillissement, aux connaissances financières et aux contraintes vis-à-vis des produits d’épargne et de crédit sur les marchés financiers.

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