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La face cachée de l’ARN

25 novembre 2021 | Audrey-Maude Vézina

Mise à jour : 20 décembre 2021

Grâce à l’intelligence artificielle, une équipe de recherche québécoise étudie la structure de l’ARN pour en exploiter les fonctions.

Les « ribozymes » sont des molécules d’ARN capables de s’autoplier et même de s’autocouper pour accomplir une fonction d’accélérateur de réactions biochimiques dans l’organisme.

Le rôle de l’acide ribonucléique (ARN) sur le plan génétique est bien connu : il transfère l’information de l’acide désoxyribonucléique (ADN) qui sera ensuite transformée en protéine. Or, l’ARN peut également avoir des fonctions analogues à celles des protéines selon sa structure tridimensionnelle. Le professeur Jonathan Perreault, de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), collabore avec le professeur Nawwaf Kharma, de l’Université Concordia, pour comprendre le fonctionnement des structures d’ARN complexe.

Les deux chercheurs travaillent avec un programme informatique qui leur permet de reproduire des ARN pour étudier leurs fonctions complexes. 

Expert en microbiologie et en biochimie, le professeur Perreault compare l’ARN à une photocopie papier du livre génétique qu’est l’ADN. « La photocopie qui transporte l’information nécessaire à la synthèse des protéines peut également servir d’avion en papier. On conserve l’information, mais la forme elle-même accomplit une fonction », explique-t-il.

L’équipe s’intéresse principalement aux molécules d’ARN ayant une fonction d’accélérateur de réactions biochimiques dans l’organisme. Appelées « ribozymes », ces molécules sont capables de s’autoplier et même de s’autocouper, à l’image d’un pointillé sur une feuille de papier. Cette coupure peut servir à dégrader complètement la molécule d’ARN. Elle permet également d’utiliser de plusieurs façons les différentes parties d’ARN produites.


L’informatique de l’ARN

Dans le cadre du projet, cette coupure est utilisée dans les circuits logiques. « À la manière d’un programme informatique, elle produit un segment d’ARN considéré comme un output. À l’inverse, on peut utiliser un petit fragment d’ARN comme input. Ce serait un peu comme ajouter un « Post-it » sur notre feuille, qui va inhiber ou activer la coupure », rapporte le professeur Perreault.  

Avec son collaborateur, il teste des fonctions encore plus complexes, par exemple l’utilisation de trois inputs pour que l’ARN produise un output. Ce type de scénario pourrait être utilisé avec des marqueurs cancéreux.

« On peut s’imaginer que lorsque les trois inputs sont présents en même temps, on a affaire à une cellule cancéreuse, alors que lorsqu’au moins un input est absent, il s’agit d’un autre type cellulaire. »

Jonathan Perreault, spécialiste de l’ARN

Préciser ces fonctions manuellement demanderait énormément d’essais et erreurs; c’est pourquoi l’équipe fait appel à l’ordinateur. « Nous lui transmettons la structure de l’ARN et la fonction qu’on désire obtenir. Si on reprend la métaphore de l’avion en papier, on peut dire que l’ordinateur a ensuite la latitude pour changer les instructions permettant de plier la feuille de façon à générer le comportement attendu », ajoute-t-il.

Éventuellement, l’équipe souhaite obtenir des ribozymes qui communiquent entre eux, avec le output d’un ARN qui devient le input d’un autre. Plusieurs défis restent toutefois à surmonter avant d’atteindre des programmes aussi complexes, même si les résultats sont encourageants.