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La portée de la recherche: le nec plus ultra des lasers !

31 mars 2022 | Collaboration spéciale : Brigitte Trudel

Mise à jour : 31 mars 2022

« La portée de la recherche : un partenariat avec… » nous fait découvrir des projets réalisés à l’INRS en partenariat avec des organisations œuvrant au-delà des milieux scientifiques habituels et dont les résultats ont un impact sur la société.

L’équipe de François Légaré de l’Institut national de recherche scientifique (INRS) et la compagnie few-cycle ont conçu un outil inédit. Sa particularité ? Il s’adapte à des lasers existants pour rendre leurs impulsions plus courtes et les intensifier avec une simplicité désarmante.

« En fait, nous, les “laséristes” on est toujours à la recherche des impulsions de lumière les plus courtes et les plus intenses possible. »

François Légaré

Plus les lasers sont puissants et performants, plus ils ouvrent grandes les portes à de nombreuses applications. Ils permettent entre autres de mieux percer les mystères de l’infiniment petit en recherche fondamentale. Ils sont aussi essentiels au développement de l’imagerie haute résolution, très utilisée notamment dans le domaine médical.


Lasers de nouvelle génération

François Légaré est un expert en science et technologie laser ultrarapide. Il explique que ce domaine vit une sorte de transition à l’heure actuelle, à la croisée entre deux technologies.

« Quand j’étais étudiant, on utilisait les lasers appelés Titane-Saphir dans le cadre de nos recherches. Ils ont comme avantage de générer des impulsions très courtes, de l’ordre de 20-30 femtosecondes (une femtoseconde équivaut à un millionième de milliardième de seconde). »

François Légaré, professeur au Centre Matériaux Énergie Télécommunications.

Cela dit, poursuit le chercheur, des lasers basés sur l’Ytterbium, apparus plus récemment dans les laboratoires, sont appelés à y occuper une place grandissante dans le futur. La raison ? Ils offrent des puissances moyennes beaucoup plus élevées, leurs frais de fonctionnement sont moindres, ils sont plus robustes et plus simples d’utilisation. « La nouvelle génération de chercheurs sera formée sur ces lasers », mentionne le professeur. Le hic ? Leurs impulsions sont plus longues que celles du laser Titane-Saphir, soit d’une durée minimale de l’ordre de 200 femtosecondes.

Dans un monde idéal, les avantages des lasers Titane-Saphir rejoindraient ceux des lasers Ytterbium. Cette combinaison est-elle possible, et si oui, comment ? La collaboration entre François Légaré et la compagnie few-cycle, fondée par Bruno Schmidt, a permis de répondre à cette question.


Une relation de longue date

Les deux hommes se sont rencontrés en 2009 dans le cadre des études postdoctorales de Bruno Schmidt, menées sous la supervision du professeur Légaré. Déjà, la fabrication d’un montage optique, une sorte de boite noire, dont la présence réduirait la durée des impulsions laser était dans leur mire. « Après quelques années à développer ce système, une très bonne idée de Bruno a permis de le rendre très stable et très robuste, raconte François Légaré. De ce fait, on a même pu augmenter l’énergie circulant dans le montage et obtenir des impulsions de lumière encore plus intense. »

« En ajoutant cet outil au laser Ytterbium, précise Bruno Schmidt, on peut ramener ses impulsions à la dizaine de femtosecondes tout en les rendant un ordre de grandeur plus puissante. Qui plus est, le montage est très simple d’utilisation. »

« Au point qu’il peut être emballé et expédié avec un manuel d’instruction et installé par l’usager de manière autonome », renchérit le professeur Légaré. De fait, dès le départ, celui-ci est convaincu de l’intérêt que représente un tel appareil pour d’éventuels acquéreurs. Il en parle à Bruno Schmidt qui lui, avait justement envie d’explorer le potentiel commercial des idées qui nourrissent ses travaux. En 2013, son stage postdoctoral achevé, il fonde few-cycle. « Sans le soutien du professeur Légaré, je n’aurais pas réussi à lancer cette compagnie », tient-il à préciser.


Pari réussi et avenir prometteur

Aujourd’hui, l’instrument technologique développé conjointement par l’équipe de François Légaré et par Bruno Schmidt est vendu par few-cycle. à travers le monde. Sa réception sur le marché qu’il occupe, soit les universités et les laboratoires de recherche, est très positive.

« Un produit qui gagne la confiance des collègues au point où ils en redemandent et en parle autour d’eux en le référant, c’est comme ça que se mesure le succès dans la communauté scientifique. C’est signe que nous avons réussi. »

Bruno Schmidt, fondateur de few-cycle.

Cela dit, ce succès n’est pas étranger au fait que le professeur Légaré et son équipe du Laboratoire de sources femtosecondes (ALLS) qu’il dirige, et qui jouit d’une réputation enviable, utilisent cet appareil auquel le chercheur prédit un avenir prometteur. « Dans quelques années, la technologie Titane-Saphir ne servira plus la majorité des chercheurs. L’instrumentation vendue par few-cycle. sera alors d’autant plus recherchée », estime-t-il.


Un lien où tout le monde gagne

Forts de cette réussite, François Légaré et Bruno Schmidt poursuivent leur collaboration sur une base régulière. L’entreprise supporte plusieurs projets collaboratifs cofinancés avec diverses agences de financements dont le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et le Ministère de l’Économie et de l’Innovation. Ceci permet la formation d’étudiantes, d’étudiants et de stagiaires postdoctoraux. Les résultats de leurs travaux, dont on n’a pas fini de découvrir les riches avenues, font l’objet de nombreux articles scientifiques qui paraissent dans des publications prestigieuses, dont Nature Photonics et Science.

Leur formule, qui se veut un échange continuel entre équipe de recherche et partenaire industriel, leur permet, d’une part, d’améliorer en continu l’appareil qu’ils ont développé afin de le pousser au meilleur de ses capacités.

D’autre part, la mise en commun de leurs expertises représente l’occasion d’explorer différentes technologies dans leur domaine de recherche. À cet effet, les partenaires ont d’autres projets en cours de réalisation. L’un d’eux, souligne le professeur Légaré, pourrait se révéler d’un grand intérêt dans les secteurs de la sécurité et de la défense.

Bref, tant François Légaré que Bruno Schmidt sont enchantés de leur lien fructueux et gagnant pour chacun. « Grâce à ce partenariat, mon équipe et moi avons la chance de disposer de cet outil à la fine pointe de la technologie, fait valoir François Légaré. Cet équipement qu’on utilise tous les jours permet de mieux former les étudiants et d’améliorer nos recherches. Il favorise également le leadership international de notre laboratoire. »

De son côté, Bruno Schmidt est reconnaissant de ce que ce partenariat lui donne accès au laboratoire dirigé par son ancien superviseur pour tenir ses activités. « few-cycle n’aurait pas les moyens d’en mettre un sur pied d’aussi grande qualité », indique-t-il. Autre avantage, les étudiants formés à l’utilisation des appareils développés conjointement par son entreprise et l’équipe de François Légaré représentent une possible main-d’œuvre aguerrie. D’ailleurs, l’entreprise comptait récemment ajouter des membres à son personnel.

« C’est encourageant, note le professeur Légaré, de constater que cet outil favorise le développement de l’économie locale et la création d’emplois. » « Et que les travaux de recherches qu’il rendra possibles permettront de faire avancer des connaissances qui serviront au mieux la société », conclut Bruno Schmidt.

Pour en savoir plus sur le Laboratoire de sources femtosecondes (ALLS) dirigé par le professeur Légaré.