Retour en haut

Propulser la recherche quantique entre continents

19 octobre 2022 | Julie Robert

Mise à jour : 19 octobre 2022

Un projet piloté par le professeur Roberto Morandotti reçoit près de 2 M$ du CRSNG pour créer un réseau intercontinental de communication quantique.

Image : Adobe Stock

L’intrication quantique est un phénomène qui fascine les scientifiques du monde entier. L’idée même que deux particules soient intimement liées et que la modification de l’état de l’une entraine instantanément une modification de l’état de l’autre, même si elles sont à des millions d’années-lumière reste spéculaire. Cette action autrefois décrite par le physicien théoricien Albert Einstein, comme « étrange », est aujourd’hui à la base d’applications futuristes en matière de traitement de l’information et de détection.

Des photons intriqués ont déjà été échangés avec succès sur de courtes distances, dans diverses expériences, au moyen de faisceaux libres dans l’air ou de fibres optiques dans le sol. Mais l’échange sur de plus longues distances présente encore son lot de défis technologiques. La solution : l’échange direct de photons intriqués dans l’espace via des liaisons optiques par satellite.

Une équipe de scientifiques du Canada et de l’Europe s’est fixé l’ambitieux objectif de réussir cet échange. Issu de cette collaboration stratégique, le projet HyperSpace vise à développer un réseau de communication quantique entre les continents. Piloté par le professeur Roberto Morandotti de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), ce projet est axé sur la recherche en photonique quantique intégrée et en communications spatiales optiques. Il est cofinancé par la Commission européenne (dans le cadre du programme Horizon Europe) et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) à hauteur de 1 918 170 de dollars, sur trois ans.

« Ce projet d’envergure internationale nous permettra d’étudier la distribution de photons complexe (à haute dimension) intriqués par satellite, une première dans le domaine! Je remercie le CRSNG et la Commission européenne de soutenir nos travaux. Cette collaboration va nous permettre de propulser la recherche en communication quantique à un tout autre niveau et de résoudre ensemble des défis technologiques dont les résultats seront profitables à la société. »

Roberto Morandotti, responsable universitaire au Canada


Distribution des photons intriqués dans l’espace

L’objectif d’HyperSpace est de poursuivre le développement des communications quantiques par satellite en s’appropriant les expériences de réseaux quantiques mondiaux évolutifs.

Ce réseau quantique mondial interconnectera un large éventail de processeurs quantiques en utilisant une variété de canaux quantiques, tout comme dans l’Internet conventionnel.

Afin de faciliter le déploiement sur les petits satellites évolutifs, l’équipe vise non seulement à développer de nouveaux protocoles basés sur l’hyperenchevêtrement quantique, mais aussi à transférer ces protocoles vers des plateformes d’intégration photonique évolutives.

Les applications de HyperSpace dans le domaine des technologies de l’information et des capteurs seront multiples. Par exemple, un internet quantique mondial permettra des applications considérablement améliorées, telles qu’une synchronisation plus précise des horloges, une information en nuage hautement efficace ou même une transmission de données hautement sécurisée grâce à la cryptographie quantique qui repose sur des principes physiques. Certaines de ces applications étaient jusqu’à présent impensables.

« Le professeur Morandotti et son équipe sont, encore une fois, partie prenante d’une initiative particulièrement porteuse pour l’INRS et pour le Québec, dans un secteur en pleine effervescence. Les collaborations multisectorielles sont essentielles au développement de solutions face aux défis mondiaux d’aujourd’hui. »

Luc-Alain Giraldeau, directeur général de l’INRS


Collaboration étroite entre le Canada et l’UE

Au total, huit partenaires européens et canadiens sont engagés dans le projet HYPER entanglement in SPACE (HyperSpace). Outre l’INRS, l’Université de Toronto et l’Université de Waterloo (Canada), on compte le Fraunhofer Institute for Applied Optics and Precision Engineering IOF (Allemagne), l’Università degli Studi di Pavia et de l’Università degli Studi di Padova (Italie), le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives CEA-LETI (France), et l’Université de technologie de Vienne (Autriche). Le coordonnateur européen du projet est le Fraunhofer IOF.

Ce projet s’inscrit dans l’initiative de financement plus large de trois projets de recherche et d’innovation, de l’UE et du Canada, pour appuyer la recherche fondamentale dans le domaine des technologies quantiques. Les trois projets en question se partageront des subventions d’une valeur totale d’environ 4 millions d’euros de l’UE et de près de 5 millions de dollars canadiens du CRSNG. L’annonce a été faite au début du mois d’octobre.

Les équipes de recherche européennes et canadiennes de calibre mondial miseront sur les technologies quantiques pour trouver ensemble des solutions qui seront bénéfiques, à l’UE et au Canada. Les membres pourront résoudre divers problèmes technologiques et sociétaux qu’ils n’auraient pas pu résoudre séparément.

« Les chercheuses et chercheurs qui travaillent dans le domaine de la quantique au Canada sont de calibre mondial, et cette occasion pour eux de se rapprocher de leurs pairs en Europe s’appuie sur des années de collaboration et d’innovation. Ces nouveaux projets en détection, en communication et en informatique quantiques permettront de repousser les limites des technologies actuelles et d’ouvrir la voie à des découvertes et des avancées dans le domaine. Je suis très heureux de contribuer au lancement de ces projets de recherche et je me réjouis à la perspective de futures collaborations avec nos partenaires européens », déclare Alejandro Adem, président du CRSNG.

« La force de ce projet est la plus-value que permet le croisement de domaines de recherche complémentaires. Une collaboration étroite, à plusieurs niveaux, facilitera et incitera l’accélération du transfert de connaissances », conclut le professeur Morandotti.