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SRAS-CoV-2 : un virus sournois qui n’a pas encore dévoilé tous ses secrets

28 février 2022 | Julie Robert

Mise à jour : 16 mars 2023

Au Québec, le premier cas de COVID-19 a été confirmé le 28 février 2020. Après deux ans de pandémie, que nous a appris la science sur ce virus qui a paralysé la planète ?

L’efficacité d’infection du virus et la rapidité à laquelle il a contaminé la planète ont surpris plus d’un scientifique.

Connaît-on tous les rouages du virus SRAS-CoV-2 ? Les professeurs Alain Lamarre et Pierre Talbot, virologues à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), mettent leurs expertises à profit et reviennent sur l’émergence du SRAS-CoV-2; un virus qui n’a pas fini de nous surprendre.

« Toute personne travaillant en virologie pensait que c’était possible, mais pas de manière aussi grave ni de cette ampleur-là », répond le professeur Alain Lamarre quand on lui demande s’il pensait assister un jour à une pandémie.

Pour Alain Lamarre, expert en virologie et immunologie, ces deux dernières années ont été très occupées. Il a participé à des recherches sur le SRAS-CoV-2, en plus de donner plusieurs centaines d’entrevues médiatiques. 

« C’est assez particulier de voir ses résultats de recherche appliqués à une pandémie. En tant que scientifique, j’ai senti une responsabilité d’informer les gens dans les médias traditionnels pour éviter que cet espace soit occupé par la désinformation », lance le professeur Lamarre, qui siège au comité de veille scientifique du Réseau québécois COVID-Pandémie,

Pour le professeur Pierre Talbot, expert en coronavirus depuis près de 40 ans, voir « son virus » se propager à si grande vitesse sur la planète et infecter des centaines de millions de personnes a également été une grande surprise. Le chercheur a vu ses travaux cités de manière exponentielle durant ces deux dernières années, atteignant près de 2500 mentions en 2021.

« Dès qu’on a su que c’était un coronavirus, des gens de partout dans le monde m’ont contacté. J’ai envoyé des échantillons de la souche de coronavirus HCoV-OC43, responsable de 10 à 30 % des rhumes et associé à des maladies neurologiques. Ce virus sur lequel j’ai travaillé a une séquence génétique proche de celle du SRAS-CoV-2 », confie le chercheur. Ses connaissances et les outils développés dans son laboratoire ont été des ressources inestimables pour les scientifiques à l’INRS, mais aussi à l’international.

« Pierre Talbot a été une ressource extrêmement précieuse au tout début de la pandémie en nous ouvrant la porte de son laboratoire et en mettant à notre disposition des réactifs, des méthodologies, des modèles infectieux », confie le professeur Lamarre qui a fait son doctorat dans le laboratoire du professeur Talbot, un « mentor », selon ses dires.

En travaillant à la frontière de la neurologie, de l’immunologie et de la virologie, le professeur Talbot est devenu l’un des seuls au Canada à étudier les coronavirus, en 1984, dans son laboratoire de neuroimmunovirologie à l’INRS. Son expertise a fait l’objet d’un article dans le cadre de notre série Tour d’Horizon.


Un virus encore mystérieux

Malgré une mobilisation sans précédent dès le début de la pandémie et un effort commun de diffusion des connaissances avec l’explosion de prépublications, le virus SRAS-CoV-2 a encore beaucoup de secrets bien gardés. Si le séquençage de son génome a été obtenu rapidement, son mode de transmission a pris plus de temps à être élucidé.

Au début, les scientifiques rapportaient une transmission par grosses gouttelettes jusqu’à une distance de 2 mètres. Or, les études à ce jour ont montré qu’il y a un continuum entre les grosses gouttelettes et les aérosols qui peuvent se transmettre à grande distance et rester dans l’air plus longtemps. 

« La transmission du SRAS-CoV-2 est un sujet encore controversé. Actuellement, il y a beaucoup de recherches là-dessus », livre le professeur Lamarre.

Certains aspects de la COVID-19 longue restent encore inexpliqués. Selon les chercheurs, la pathogenèse de l’infection est très complexe. Le virus peut générer des symptômes qui persistent à long terme, mais on ne sait toujours pas pourquoi ce phénomène se produit chez certaines personnes et pas d’autres.


Une infection efficace

L’efficacité d’infection du virus et la rapidité à laquelle il a contaminé la planète ont surpris plus d’un scientifique. Pourtant, le monde n’en était pas à sa première épidémie de coronavirus. En 2002-2003, le SARS-CoV-1, responsable du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), avait causé près de 8000 infections et 800 décès.

« Nous aurions dû tirer des leçons de cette épidémie afin de nous préparer à l’émergence d’un autre agent infectieux. Selon moi, ça a été la plus grosse erreur. »

Pierre Talbot, spécialiste des maladies neurologiques virales

Un virus efficace infecte un grand nombre d’hôtes sans être trop virulent, c’est-à-dire sans conduire à trop d’hospitalisations ou de décès. C’est la grande différence entre le SRAS-CoV-1 et le SRAS-CoV-2, en plus du fait que ce dernier peut se transmettre par des personnes asymptomatiques.

« Le virus de la COVID-19 se transmet par voies respiratoires. Il mute beaucoup et il peut causer des pathologies graves. C’est la trilogie parfaite pour causer une pandémie », confie le professeur Lamarre. Les autres coronavirus sont moins virulents et causent principalement des rhumes bénins.

Lorsqu’un virus se réplique efficacement chez les individus, cela augmente la probabilité de développer des mutations. On parle de variant quand l’accumulation de mutations modifie une caractéristique importante du virus.

« Nous ne sommes pas à l’abri de l’émergence d’un nouveau variant plus transmissible. Cela a été le cas d’Omicron. Actuellement, c’est le cas du sous-variant BA.2, le cousin d’Omicron qui semble se transmettre encore mieux », dit le professeur Lamarre. 


Diversifier les approches : nouveaux vaccins et thérapies combinées

Alors que les Canadiennes et Canadiens ont droit à une 3e dose de vaccin, beaucoup se demandent si les efforts déployés en termes de vaccination et de traitement vont suffire à éradiquer le SRAS-CoV-2 et à prévenir la COVID-19. Selon les virologues, il faut diversifier les approches et continuer à développer de nouveaux vaccins. 

« Il faut viser des vaccins encore plus efficaces qui bloquent l’infection et la transmission, et pas seulement la maladie. Ça passe par d’autres types de vaccins qui ne sont pas forcément à base de la protéine S. »

Alain Lamarre, chercheur spécialisé en virologie et immunologie

En effet, la protéine S est très variable, car elle est la cible de plusieurs mutations permettant à certains variants d’échapper à la réponse immunitaire et d’infecter les personnes vaccinées ou ayant déjà été infectées par un variant précédent.

Des protéines à l’intérieur du virus et inaccessibles aux anticorps ou des protéines non exprimées dans le virus, mais seulement dans une cellule infectée seraient des cibles plus intéressantes pour des vaccins de 2e génération.

Le traitement de Pfizer, développé à l’origine pour le premier SRAS, est un inhibiteur de la protéase virale. Il agit donc rapidement dans le cycle de réplication du virus. Si le traitement est administré tôt, la réplication est inhibée. Cela laisse le temps au système immunitaire de préparer sa riposte et d’éliminer le virus.

« Il faut combiner des molécules dans les traitements, comme pour le VIH ou le virus de l’hépatite C, afin d’éviter le développement de résistances », ajoute le professeur Lamarre. Il travaille d’ailleurs, avec d’autres scientifiques à l’INRS, sur la combinaison de différentes molécules pour trouver des synergies qui auraient un effet efficace contre la COVID-19.