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Surendettement : la santé financière des ménages québécois sous la loupe

10 octobre 2023 | Alexandra Madoyan Trautmann

Mise à jour : 4 mars 2024

L’INRS dévoile un nouveau rapport sur les rouages socioculturels et économiques des ménages québécois

Une recherche menée à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) met en lumière les processus qui mènent à l’endettement des ménages, aujourd’hui, au Québec. Menée auprès de plus de 4 800 répondants, les résultats sont parlant : les jeunes, les individus monoparentaux, les personnes racisées et les nouveaux arrivants constituent les groupes les plus vulnérables.

Cette étude a été conduite par la professeure de l’INRS Maude Pugliese, qui s’est entourée de dix cochercheuses et cochercheurs de différents domaines professionnels. La collaboration de ces nombreuses expertises a permis d’examiner ces enjeux avec un regard pluridisciplinaire.

« Ces données extrêmement récentes sont une vraie mine d’or pour mieux décoder les principes de surendettement de la population québécoise aujourd’hui. Cette étude met en lumière différents mécanismes d’endettement et pourra servir d’outil de compréhension pour les milieux concernés », explique Maude Pugliese, chercheuse spécialisée en finances et inégalités au Centre Urbanisation Culture Société de l’INRS.  

À la suite du sondage, les analyses révèlent que 18 % de la population adulte québécoise rencontrait des difficultés à rembourser sa dette en 2022.

Avec l’inflation et l’augmentation du coût de la vie, l’équipe de recherche a constaté que cette proportion continue à augmenter pour la première moitié de l’année 2023.

Contexte financier incertain : un pouvoir d’achat affaibli

Le rapport Le surendettement parmi les ménages québécoisse penche sur les raisons qui poussent à emprunter ou à se tourner vers le crédit. Si l’achat d’une propriété immobilière, d’une voiture ou le financement des études viennent immédiatement à l’esprit, la professeure Pugliese rappelle qu’il existe d’autres réalités qui mènent à l’emprunt.

« Chez beaucoup de répondantes et de répondants, on a observé ce qu’on a appelé un endettement compensatoire : soit un emprunt lié à la perte d’un emploi, à la maladie, au soutien d’un proche ou d’un enfant, à une séparation, voire à l’amalgame de plusieurs de ces événements de vie. »

Maude Pugliese, chercheuse spécialisée en finances et inégalités au Centre Urbanisation Culture Société de l’INRS.  

Verdict, plus de 70 % des personnes qui contractent un emprunt pour pallier une perte d’emploi ou une maladie ont du mal à rembourser leurs dettes.

De plus, en cas de difficulté financière ou de projets nécessitant une certaine somme d’argent, ces populations peuvent se tourner vers des prêteurs privés, officieux ou en ligne. Selon des termes peu transparents, ceux-ci imposent jusqu’à 40 % d’intérêts sur la somme consentie.

« Ce n’est pas tout le monde qui a accès aux prêts conventionnels des banques. En cernant mieux les motivations des personnes qui doivent emprunter, on peut aussi saisir plusieurs parcours qui mènent au surendettement. Ce qu’on observe, ce sont certaines failles, des tensions entre le manque de protection des consommateurs d’une part, et les problèmes économiques sous-jacents d’autre part », explique la chercheuse.

Mieux accompagner avec des solutions concrètes

La professeure Pugliese et son équipe dénombrent plusieurs solutions dans le rapport. Parmi celles-ci figure la nécessité d’une meilleure inclusion financière des usagères et des usagers potentiels. Autrement dit, les institutions financières pourraient mettre en place des initiatives permettant à chaque individu de se sentir légitime et bienvenu dans leurs espaces. Ce concept invite à une plus grande flexibilité et à une meilleure compréhension des différents profils qui peuvent cogner à la porte des enseignes bancaires traditionnelles.

La professeure Maude Pugliese de l'INRS
La professeure Maude Pugliese. Photo : Phil Bernard

Le rapport fait également état de difficultés particulières pour les familles monoparentales ou pour les parents séparés. En effet, les augmentations liées aux dépenses alimentaires et au logement continuent d’augmenter. Ces hausses entraînent une vive tension dans les finances des ménages.

D’autre part, la dizaine d’experts s’entend pour préconiser le maintien et la bonification des programmes d’aides gouvernementaux : l’assurance-emploi, les programmes d’aides familiaux ou encore les prestations d’invalidité sont autant de filets sociaux qui permettent de soutenir les membres de la population qui en ont besoin.

À ce chapitre, une meilleure littératie financière de la population apparaît comme étant de plus en plus essentielle. Par exemple, à l’heure où un emprunt peut se finaliser en quelques clics, la compréhension des conséquences entourant les notions de crédit et de dette prend de l’importance.

À propos du rapport

Le rapport « Le surendettement parmi les ménages québécois » a été publié en septembre 2023 par Maude Pugliese (INRS), Hélène Belleau (INRS), María Eugenia Longo (INRS), Carolyn Côté-Lussier (INRS), Patrik Marier (Université Concordia), Magalie Quintal-Marineau (INRS), Mathieu Lizotte (Université d’Ottawa), Sarita Israël (Centre de recherche et d’expertise en gérontologie sociale), Sylvie Lévesque (Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec), Simon David Yana (ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration) et Camille Beaudoin (Autorité des marchés financiers).

Maude Pugliese est professeure à l’INRS depuis 2018. Ses recherches portent sur les liens entre les dynamiques familiales, les finances personnelles et les inégalités socio-économiques. Elle est également titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les expériences financières des familles et les inégalités de patrimoine, directrice du Partenariat de recherche familles en mouvance, de l’Observatoire des réalités familiales du Québec, et de la base documentaire Famili@, qui répertorie les travaux scientifiques multidisciplinaires portant sur la famille et sur le couple au Québec.

Ce projet est réalisé dans grâce au soutien des partenaires suivants : le ministère de l’Éducation, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI), le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTESS), le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH), le Secrétariat aux aînés (SA-MSSS) et le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC) dans le cadre du Programme Actions concertées du FRQSC (Action concertée de recherche sur la pauvreté et l’exclusion sociale phase IV).

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