Retour en haut

Un pas de plus vers des communications quantiques encore plus puissantes et sécurisées

16 janvier 2025

Mise à jour : 6 février 2025

La première démonstration jamais réalisée d’un protocole de distribution de clés quantiques ouvre la porte à un traitement des données à des débits, des distances et des niveaux de sécurité inégalés. 

Devant, Roberto Morandotti (Professeur) et Stefania Sciara (chercheure postdoctoral).

Les membres de l’équipe du professeur Roberto Morandotti de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) viennent de franchir une étape majeure pour l’avancement des communications quantiques. Leur découverte, publiée récemment dans la revue Nature Communications en partenariat avec des collègues de l’INRS et à l’international, pousse encore plus loin les capacités prometteuses offertes par l’utilisation du traitement de l’information quantique dans les télécommunications. 

Le système développé par l’équipe de recherche s’appuie sur une combinaison des concepts de distribution de clés quantiques et d’encodage ultrarapide par intervalles. Cette percée représente une première dans le monde scientifique.  

« Nous avons réussi à réaliser un protocole de distribution de clés quantiques avec des photons intriqués aux hautes dimensions dans des intervalles temporels, aussi appelés les  qudits. »

Stefania Sciara postdoctorante dans l’équipe de Roberto Morandotti et première auteure de l’étude.

Franchir un nouveau cap 

La distribution de clés quantiques permet d’échanger des clés de chiffrement secrètes, uniquement connues des parties prenantes, ce qui les rend très sécuritaires vis-à-vis des attaques potentielles. Il s’agit d’une méthode de communication sécurisée dont le potentiel est reconnu dans le domaine de l’informatique quantique.  

« L’idée derrière notre travail était de vérifier si ce potentiel pouvait être bonifié par les qudits grâce aux valeurs multiples qu’ils peuvent prendre simultanément. Les qudits font voyager l’information plus rapidement que leurs cousins les qubits qui sont des photons qui ne prennent que les valeurs 0 et 1 », précise Stefania Sciara. 

Concernant le codage en bacs de temps (fenêtre temporelle où le photon est généré ou détecté), ajoute la postdoctorante, il est déjà reconnu comme étant avantageux pour les communications quantiques en fibre optique à longue distance, surtout pour sa robustesse contre les sources d’interférences liées à la propagation.  

Professeur Roberto Morandotti

« Les photons et intervalles temporels intriqués aux hautes dimensions sont reconnus comme ressources cruciales pour augmenter la capacité d’information, la robustesse aux interférences, la distance et les taux de clés secrètes des implémentations de distribution de clé quantique »

Roberto Morandotti, expert en optique non linéaire et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en photonique intelligente

En revanche, les schémas interférométriques utilisés jusqu’à maintenant pour le traitement des intervalles temporels aux hautes dimensions souffraient d’instabilité et d’imprécision, ce qui limitait la vitesse de traitement et le taux de transmission des données, les maintenant loin de ceux comparables utilisés dans les télécommunications standard. 

Défis relevés et résultats probants 

Pour pallier ce problème, l’équipe du professeur Morandotti a créé une plateforme photonique couplée à de la fibre optique comprenant une cascade d’interféromètres et une source de photons intriqués, toutes deux disposées dans le même circuit intégré. «  Notre système nous a permis de manipuler des bacs temporels aux hautes dimensions à des vitesses de traitement typiques des télécommunications standard (10 GHz) avec une capacité d’information quantique élevée par canal de fréquence », détaille le chercheur.  

La plateforme ainsi créée a permis de générer et de traiter des états de photons aux hautes dimensions intriqués dans les bacs temporels et distribués sur la bande C, typique des télécommunications.  

Ces résultats démontrent que le protocole de photons intriqués aux hautes dimensions offre une meilleure sécurité et une plus grande vitesse par rapport aux photons intriqués à deux dimensions (qubits). Le potentiel étendu du modèle imaginé par Roberto Morandotti et son équipe pour des communications quantiques sécuritaires a été validé sur une fibre optique longue 60 km. 

Les avancées ainsi obtenues représentent une étape majeure vers une mise en œuvre efficace de communications quantiques à haut débit de données dans des réseaux à fibre optique multi-utilisateurs standard. « Elles permettent non seulement l’utilisation du traitement de l’information quantique dans les télécommunications, mais elles démontrent aussi le potentiel des états photoniques intriqués dans les intervalles temporels pour atteindre des débits de données et des niveaux de sécurité élevés pour une variété de protocoles de communication quantique en fibre optique sur de longues distances », se réjouit Stefania Sciara. 

Ces nouvelles normes en matière de sécurité et de vitesse ont l’avantage pratique et économique d’être compatibles avec les réseaux de télécommunications existants. Éventuellement, ils pourront servir de base au développement de l’ordinateur quantique auquel aspire depuis plusieurs années la communauté scientifique.  

À propos de l’étude 

Yu, H., Sciara, S., Chemnitz, M. et al. Quantum key distribution implemented with d-level time-bin entangled photons. Nat Commun 16, 171 (2025). https://doi.org/10.1038/s41467-024-55345-0

Ces travaux de recherche ont été financés par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), le Fonds de recherche du Québec (FRQ), Mitacs, China Scholarship Council (CSC), Conseil Régional Nouvelle-Aquitaine (the SPINAL project), et le European Research Council (ERC)