Retour en haut

Une solution d’imagerie ultrarapide révolutionnaire à moindre coût

14 septembre 2023 | Julie Robert

Mise à jour : 15 septembre 2023

L’équipe du professeur Jinyang Liang dévoile une nouvelle caméra assez rapide pour contribuer aux progrès de la biomédecine et des technologies de télédétection.

De gauche à droite : Xianglei Liu et Jinyang Liang, au Centre Énergie Matériaux Télécommunications (INRS) travaillent sur l’installation optique. Ils ont mis au point une caméra de cartographie ultrarapide capable d’enregistrer un événement dynamique avec une seule exposition à 4,8 millions d’images par seconde.

Enregistrer des images parfaitement nettes de mouvements rapides comme la chute de gouttelettes d’eau ou des interactions moléculaires nécessite des caméras ultrarapides qui sont capables de capter des millions d’images par seconde. Le problème ? Leur utilisation est extrêmement couteuse et leurs applications limitées.

Une nouvelle recherche menée par le professeur Jinyang Liang de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) dévoile une caméra susceptible d’offrir une technique d’imagerie ultrarapide beaucoup moins onéreuse pour une vaste gamme d’applications telles que la surveillance en temps réel, la prise de médicaments ou encore le développement de système de la détection et de la télémétrie par ondes lumineuses (LIDAR en anglais) qui peut être utilisé pour la prévention des collisions avec des objets ou des personnes.

« Notre caméra utilise une toute nouvelle méthode d’imagerie à haute vitesse. Elle permet une vitesse d’enregistrement et une résolution spatiale semblables à celles des caméras à haute vitesse vendues sur le marché, mais utilise des composants standards coutant probablement moins d’un dixième du prix des caméras ultrarapides actuelles, qui peut atteindre près de 100 000 $. »

Professeur Jinyang Liang, expert en Imagerie ultrarapide et biophotonique à l’INRS

Contribuer aux progrès de la biomédecine et des nouvelles technologies

Dans Optica, la revue consacrée à la recherche à fort impact publiée par Optica Publishing Group, le professeur Liang et ses collaborateurs de l’Université Concordia et de Meta Platforms Inc. montrent que leur nouvelle caméra de photographie ultrarapide en temps réel par déclenchement de diffraction (DRUM en anglais) peut enregistrer un évènement dynamique avec une seule exposition à 4,8 millions d’images par seconde. Ils démontrent les capacités de cette caméra en enregistrant la dynamique rapide d’impulsions laser de l’ordre des femtosecondes qui interagissent avec un liquide, ainsi que l’ablation par laser dans des échantillons biologiques.

« À long terme, je pense que la photographie DRUM contribuera aux progrès de la biomédecine et des technologies d’automatisation de type LIDAR, où une technique d’enregistrement plus rapide permettrait une détection plus précise des dangers, déclare Jinyang Liang. Le modèle de la photographie DRUM est toutefois relativement générique. Il peut en théorie être appliqué à n’importe quelle caméra à capteur CCD ou CMOS sans dégrader ses autres avantages tels que la haute sensibilité. »

Enregistrer des dynamiques rapides

L’équipe a créé une caméra DRUM avec une profondeur de séquence de sept images, ce qui signifie qu’elle enregistre sept images dans chaque film court. Après avoir caractérisé les résolutions spatiales et temporelles du système, les chercheurs ont mis en œuvre ces paramètres pour enregistrer les interactions entre un laser et de l’eau distillée.

Installation expérimentale d’imagerie ultrarapide. Crédit : Xianglei Liu et Jinyang Liang (INRS)

Les images obtenues en accéléré ont montré l’évolution d’un canal de plasma et la formation d’une bulle en réponse à l’action d’un laser à impulsions, les rayons de bulle mesurés correspondant à ceux prédits par la théorie de la cavitation. Ils ont également imagé la dynamique des bulles dans une boisson gazeuse et enregistré les interactions transitoires entre une impulsion laser ultrabrève et un échantillon de cellule d’oignon à une seule couche.

« La photographie DRUM pourrait même être utilisée dans le cadre de nanochirurgies et pour des applications de nettoyage au laser comme le fait de retirer des contaminants à la surface des matériaux. »

Xianglei Liu, premier auteur de l’article et ancien doctorant de l’INRS qui travaille maintenant chez Ansys

Créer une caméra ultrarapide plus performante

Malgré les progrès considérables réalisés dans le domaine de l’imagerie ultrarapide, les méthodes actuelles restent couteuses et complexes à mettre en œuvre. Leur performance est également limitée par les compromis que doivent faire les utilisateurs entre le nombre d’images enregistrées dans chaque film et le rendement lumineux ou la résolution temporelle. Pour résoudre ces problématiques, les chercheurs ont développé une nouvelle méthode de découpage temporel connue sous le nom de diffraction optique à variation dans le temps.

Les caméras utilisent ces « portes temporelles » pour commander le moment où la lumière atteint le capteur. Dans une caméra classique, par exemple, l’obturateur agit comme une sorte de porte qui s’ouvre et se ferme une seule fois. Dans le principe de découpage temporel, la porte s’ouvre et se ferme rapidement un certain nombre de fois avant que l’image arrive au niveau du capteur, créant un film court et très rapide de la scène.

En tenant compte de la dualité espace-temps de la lumière, Jinyang Liang a compris comment obtenir un découpage temporel en se servant de la diffraction de la lumière. Le chercheur s’est rendu compte qu’en modifiant rapidement l’angle d’inclinaison de facettes périodiques dans un réseau de diffraction, qui peuvent générer plusieurs répliques de la lumière incidente se déplaçant dans différentes directions. De cette façon, on pourrait balayer diverses positions spatiales pour synchroniser des images à différents points dans le temps. Ces dernières pourraient ensuite être assemblées pour créer un film ultrarapide. Pour transformer cette idée en une caméra fonctionnelle, une équipe multidisciplinaire réunissant différentes expertises dans des domaines comme l’optique physique, l’imagerie à ultra haute vitesse et la conception de microsystèmes électromécaniques (MEMS) a été formée.

« Il est possible de réaliser ce dispositif à micromiroir numérique (DMD), un composant optique couramment utilisé dans les projecteurs, de son usage non classique pour réaliser une porte de diffraction à balayage du type souhaité, explique le professeur Liang. Les dispositifs à micromiroirs numériques sont produits en série, et aucun mouvement mécanique n’est requis pour générer la porte de diffraction, ce qui rend le système rentable et stable. »

L’équipe de recherche poursuit son travail afin d’améliorer les performances de l’appareil, notamment quant à la vitesse d’enregistrement et à la profondeur de séquence. Ils souhaitent également évaluer la possibilité d’enregistrer des informations en couleurs (les images ne sont présentement qu’en noir et blanc) et d’appliquer le système à d’autres domaines comme les techniques LIDAR.

À propos de l’étude

L’article Diffraction-gated real-time ultrahigh-speed mapping photography (2023) par Jinyang Liang, Xianglei Liu, Patrick Kilcullen, Youmin Wang, et Brandon Helfield, a été publié le 14 septembre 2023 dans la revue Optica.

DOI: 10.1364/OPTICA.495041

Ces travaux de recherche ont été financés par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), les Chaires de recherche du Canada (CRC), la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI), la Société canadienne du cancer, le fonds Nouvelles frontières en recherche du gouvernement du Canada, ainsi que le Fonds de Recherche du Québec–Nature et Technologies et le Fonds de Recherche du Québec –Santé.