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Une découverte de l’équipe de Simona Stäger apporterait une piste de solution pour le traitement de la forme la plus grave de leishmaniose.
Parasite protozoaire du genre Leishmania. Photo : Adobestock
La leishmaniose est une maladie tropicale qui touche un nombre croissant de personnes dans le monde. Chaque année, entre 700 000 et 1 million de nouveaux cas seraient répertoriés. Causée par un parasite protozoaire du genre Leishmania qui se transmet à l’humain par la simple piqûre d’une mouche de sable, la leishmaniose se présente sous trois formes cliniques dont la forme viscérale qui est la plus grave. En effet, en l’absence de traitement, la leishmaniose viscérale aussi connue sous le nom fièvre noire est le plus souvent mortelle. La plupart des cas se manifestent au Bangladesh, au Brésil, en Éthiopie, en Inde, au Népal et au Soudan.
Or, la professeure Simona Stäger de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et son équipe, en collaboration avec d’autres chercheurs de l’INRS et de l’Université McGill, ont observé un mécanisme immunitaire surprenant lié à la leishmaniose viscérale chronique. Cette découverte pourrait constituer un pas important vers une nouvelle approche thérapeutique de cette maladie. Les résultats de leur recherche ont été publiés dans la revue Cell Reports.
Rappelons que dans plusieurs cas d’infections, les lymphocytes T CD4 (LT CD4) jouent un rôle clé pour défendre l’organisme touché. Malheureusement, en cas d’infections chroniques comme la leishmaniose, le maintien du nombre et de la fonction des LT CD4 devient un enjeu important, le système immunitaire étant activé en permanence pour réagir contre l’agent pathogène qui affecte la personne infectée.
L’étude menée par la professeure Stäger dans son laboratoire au Centre Armand‑Frappier Santé Biotechnologie de l’INRS suggère que ces cellules ont peut-être plus d’un tour dans leur sac pour faire face au défi de leur vitalité.
« Nous avons découvert une nouvelle population de lymphocytes T CD4 dans des modèles de souris infectées par des parasites responsables de la leishmaniose viscérale. Ces lymphocytes présenteraient des propriétés intéressantes. »
Simona Stäger, chercheuse experte en immunologie des maladies infectieuses
En observant ces cellules inédites, les scientifiques ont remarqué que d’une part, elles s’accroissent pendant la phrase chronique de la maladie mais que d’autre part, elles sont capables, comme les cellules progénitrices, de s’autorenouveler ou de se différencier en d’autres cellules effectrices chargées de l’élimination du parasite ou en cellules régulatrices qui inhibent la réponse de l’hôte.
La professeure Simona Stäger rappelle que, normalement, les lymphocytes T CD4 se différencient en cellules effectrices à partir des lymphocytes T CD4 « naïfs ». Mais pendant les infections chroniques, en raison du besoin constant de générer des cellules effectrices, les LT CD4 naïfs sont très sollicités et pourraient s’épuiser.
« Nous pensons que dans la phase chronique de la leishmaniose viscérale, la nouvelle population que nous avons identifiée serait responsable de générer les cellules effectrices et régulatrices. Cela permettrait à l’hôte de ne pas épuiser sa réserve de cellules LT CD4 naïves existantes pour un certain antigène. »
Sharada Swaminathan, doctorante et première auteure de l’étude
En prenant la relève des LT CD4 naïfs sursollicités, la nouvelle population de lymphocytes découverte par l’équipe de l’INRS pourrait constituer un renfort immunitaire déterminant.
« Si l’on trouve comment diriger cette nouvelle population de lymphocytes vers la différenciation en cellules effectrices protectrices, cela pourrait aider l’hôte à se débarrasser du parasite Leishmania », dit Simona Stäger, vice-directrice de l’Infectiopôle et membre du Pasteur Network.
L’étude mentionne aussi que des cellules similaires à cette nouvelle population de lymphocytes T CD4 ont été observées dans des souris infectées au virus de la chorioméningite lymphocytaire et dans des souris porteuses du ver intestinal H. polygyrus. Donc, il est fort possible que cette population soit présente dans d’autres infections chroniques ou dans d’autres milieux inflammatoires chroniques.
Ce recoupement met la table à une portée encore plus large pour la découverte de l’équipe de la professeure Stäger. « Si notre hypothèse est correcte, ces cellules pourraient être exploitées d’un point de vue thérapeutique non seulement pour la leishmaniose viscérale, mais aussi pour d’autres infections chroniques », conclut la chercheuse.
Cet article a été coécrit par Sharada Swaminathan, Linh Thuy Mai, Alexandre P. Meli, Liseth Carmona-Pérez, Tania Charpentier, Alain Lamarre, Irah L. King, et Simona Stäger.
Intitulé « LAG-3- and CXCR5-expressing CD4 T cells display progenitor-like properties during chronic visceral leishmaniasis », il a été publié dans Cell Reports. DOI : 10.1016/j.celrep.2024.113879
Ces travaux de recherche ont été financés par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).