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L’agriculture urbaine, de l’initiative citoyenne à la réglementation politique

13 mai 2021 | Audrey-Maude Vézina

Mise à jour : 28 octobre 2021

Les jardins communautaires se sont bien implantés à Montréal et ailleurs. Mais que représente ce mouvement pour les citoyennes et les citoyens ?

L'agriculture urbaine, de l'initiative citoyenne à la réglementation politique

Symbole de développement durable ou acte radical, le développement des jardins en ville porte plusieurs chapeaux. Professeur à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), Nathan McClintock s’intéresse à la variation des perceptions face à l’agriculture urbaine. Plus particulièrement, ses travaux portent sur la gouvernance de cette pratique, de même que sur l’implication réelle des citoyens.

« L’agriculture urbaine ressort souvent comme une appropriation de l’espace public par les citoyens. On parle alors de “démocratie radicale”. Mais qu’en est-il réellement dans un contexte où la ville appuie le mouvement ? », questionne le chercheur.

Le professeur McClintock a utilisé la ville de Montréal pour mettre en lumière l’apport de l’agriculture urbaine au développement économique de la ville. L’agriculture urbaine améliore aussi son image, rapporte le chercheur dans un article publié dans la revue Environment and Planning C: Politics and Space.

« L’image des jardins au cœur du centre-ville symbolise le mouvement de développement durable et les politiques de verdissement. C’est un “branding” pour la ville qui contribue d’une façon au développement économique de la ville. »  

Nathan McClintock, spécialiste en agriculture urbaine et en planification des systèmes alimentaires urbains

Selon lui, l’aspect radical se trouve plus dans le développement d’un esprit politique parmi les personnes qui participent à ces projets citoyens que dans une transformation politique ou économique à plus grande échelle.


Participation et réglementation

L’engouement pour les jardins communautaires, au Québec comme ailleurs, a entraîné le développement d’une gouvernance dite formelle. Entre autres, les villes ont mis sur pied des règlements pour encadrer l’agriculture urbaine. Ces règles peuvent soutenir les citoyens, mais aussi créer des obstacles.

« La ville base sa réglementation sur une certaine définition de l’agriculture urbaine, souvent basée sur le développement durable. Plusieurs citoyens se retrouvent dans cette définition de pratique, alors que d’autres, qui pratiquent pour des raisons culturelles ou récréatives, seront mis de côté ou se sentiront moins concernés par cette même réglementation », souligne-t-il.

Le professeur McClintock a récemment publié un article dans la revue International Journal of Urban and Regional Research sur cette gouvernance et la façon dont les citoyens jonglent avec les réglementations au quotidien, selon leurs motivations. Quelles politiques adoptent les citoyennes ou les citoyens ? Lesquelles font état de résistances ? Il cherchait à connaitre leur relation avec ces dernières.

Il oriente maintenant sa recherche davantage autour de la création de serres dans les quartiers plus défavorisés. En collaboration avec Jasmin Raymond, expert en géothermie et en hydrogéologie thermique, il évaluera de façon interdisciplinaire le potentiel d’intégration sociotechnologique des serres en milieu urbain défavorisé, afin de permettre une production alimentaire à l’année et de mieux préparer ces quartiers aux défis d’approvisionnement qu’apporte une pandémie.

La professeure Sophie Van Neste, spécialiste des questions portant sur l’environnement, le climat et l’action politique citoyenne, s’occupera avec lui du volet portant sur les questions de participation et de gouvernance. « Nous voulons déterminer quels groupes se sentent inclus ou exclus dans ces projets, ajoute-t-il. En identifiant les enjeux derrière les motivations et la participation, nous pourrons aider à développer des projets de la façon la plus inclusive possible, menés et gérés par les populations. »  

Le professeur Louis-César Pasquier et la professeure Geneviève Bordeleau participent également à ces travaux, ainsi que des partenaires, soit Éric Duchemin du Laboratoire sur l’agriculture urbaine (AU/LAB), et Danielle Monfet et Didier Haillot de l’École de technologie supérieure (ÉTS).


À propos des études

L’article « Reclaiming the city one plot at a time? DIY garden projects, radical democracy, and the politics of spatial appropriation », par Claire E Bach et Nathan McClintock, a été publié en décembre 2020 dans la revue Environment and Planning C: Politics and Space. L’étude a reçu du financement ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec (MRIF) et du Portland State University’s Institute for Sustainable Solutions.

L’article « GOVERNING URBAN AGRICULTURE: Formalization, Resistance and Re‐visioning in Two ‘Green’ Cities », par Nathan McClintock, Christiana Miewald et Eugene McCann, a été publié dans la revue International Journal of Urban and Regional Research. L’étude a reçu du financement de la National Science Foundation (NSF).

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