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« La science appartient à tout le monde. »

20 septembre 2021 | Julie Robert

Mise à jour : 21 septembre 2021

Le directeur général de l’INRS, Luc-Alain Giraldeau, s’exprime sur l’importance de l’éveil aux sciences pour évoluer en société.

Luc-Alain Giraldeau, directeur général de l’INRS, recommande le livre Pandémie. Traquer les épidémies, du choléra aux coronavirus de Sonia Shah.

À l’occasion du lancement de la Semaine de la culture scientifique, qui a lieu du 20 au 26 septembre 2021 à travers le Canada, nous échangeons avec un scientifique passionné par le vivant et sensible aux enjeux sociétaux.


Selon vous, en quoi un événement de sensibilisation du public à la science, comme la Semaine de la culture scientifique, est-il important ?

Luc-Alain Giraldeau : C’est important, car la science appartient à tout le monde, pas seulement aux scientifiques. Encore moins la science qui émane des universités ou des cégeps, qui est financée par des fonds publics, c’est-à-dire par vous, par nous.

Si nous étions capables de revenir 300 ans en arrière, nous nous rendrions vite compte que la caractéristique première de notre vie actuelle est basée sur la science. Tout ce qui nous entoure en est le produit. Et pour pouvoir vivre et s’épanouir dans ce monde-là, il faut pouvoir le comprendre en ayant une culture scientifique.

La connaissance scientifique représente un levier essentiel au développement social et économique de nos collectivités. La démocratiser est primordial.  


Pensez-vous que le grand public est assez sensibilisé à la science ?

Luc-Alain Giraldeau : Je ne peux pas dire que je sens une résistance ou un manque d’intérêt envers la science. Ce n’est pas tout le monde qui aime la science, et c’est tout à fait normal. Ce qui est moins normal, c’est de développer une méfiance à son égard, comme on pourrait développer une méfiance envers les arts, par exemple.  

Souvent, on a l’impression que le public qu’on vise n’est pas nécessairement le bon. N’oublions pas que beaucoup d’efforts de vulgarisation sont destinés à des scientifiques. S’imaginer qu’il y a un public complètement naïf qu’on doit intéresser à la science est loin d’être la réalité, selon moi. Tout le monde a une certaine sensibilité à la science.

Je considère que le Québec est une société particulièrement avancée, du moins pour la culture scientifique générale. C’est la seule région en Amérique du Nord qui est capable de faire vivre un magazine comme Québec Science, qui fêtera d’ailleurs ses 60 ans en 2022. C’est assez exceptionnel.

Ça dénote que les Québécois ont un appétit pour tout ce qui est lié à la science, et ce, depuis très longtemps. Ça remonte à Fernand Seguin, un des pionniers de la communication scientifique au Québec à la fin des années 1940. Nous devons poursuivre dans cette veine !


La science n’a jamais été mise de l’avant autant que durant la pandémie. En contrepartie, les fausses nouvelles n’ont jamais été aussi nombreuses, et la vaccination engendre une certaine méfiance du public. À quoi sert la culture scientifique dans ces cas-là ?

Luc-Alain Giraldeau : Je me demande parfois si nous n’avons pas créé un monstre en invitant les gens à s’informer eux-mêmes sur le Web. Certaines personnes pensent pouvoir interpréter des données scientifiques et les analyser avec les connaissances dont elles disposent, mais elles n’ont pas nécessairement la formation appropriée.

Il est certain que la culture scientifique permet aux citoyennes et citoyens d’aiguiser leur esprit critique et de prendre des décisions plus éclairées pour participer aux grands projets de société. Encore faut-il que la science soit bien communiquée.

C’est là toute l’importance d’avoir des professionnelles et professionnels de la communication scientifique ainsi que des journalistes dans ce domaine. Nous sommes privilégiés au Québec d’avoir l’Association des communicateurs scientifiques.

Autrement, les dérives peuvent être dangereuses.


Cette année, le thème de la Semaine de la culture scientifique est le climat, qui est plus que jamais un enjeu civique. En tant que scientifique et citoyen, comment vivez-vous la situation d’urgence climatique ?

Luc-Alain Giraldeau : La science a fait son travail; les scientifiques crient à l’urgence climatique depuis au moins 20 ans. Ce sont les politiques publiques qui n’ont pas suivi.

Les problèmes entourant notre situation climatique sont multiples. Ils sont entre autres liés au développement effréné du mode de vie occidental, où on rase des forêts, on assèche des marais, on construit des villes, on habite trop près des côtes, etc.

Il y a des conséquences à tout cela. Par exemple, le fait que les humains sont en contact de plus en plus étroit avec des animaux chassés de leurs milieux naturels, parce que ceux-ci disparaissent. Ce sont ces contacts qui mènent à l’augmentation des risques de voir émerger de nouveaux virus.


Le 22 septembre est la journée nationale Je lis la science. Petits et grands sont invités à consacrer un moment de leur journée à des lectures scientifiques. Avez-vous une recommandation ?  

Luc-Alain Giraldeau : Je conseille fortement de lire Pandémie. Traquer les épidémies, du choléra aux coronavirus de Sonia Shah. Cette journaliste scientifique du New York Times part sur les traces des épidémies du XIXe siècle et montre clairement le lien entre l’urgence climatique que nous vivons et l’urgence sanitaire dans laquelle nous nous trouvons.


La Semaine de la culture scientifique se tient partout au Canada. Y a-t-il un lieu de culture scientifique que vous affectionnez particulièrement dans votre ville, Montréal ?   

Luc-Alain Giraldeau : Un de mes lieux de culture scientifique préférés est certainement le Jardin botanique, parce que tout ce qui s’y trouve touche la science, sans être nécessairement au cœur de chaque visite… Même si les plantes ont toutes des histoires à nous raconter, il est possible de simplement les regarder et les apprécier. Ce magnifique jardin est un legs du frère Marie-Victorin, un de nos grands scientifiques québécois.

Un autre lieu que j’affectionne est le Biodôme, une structure scientifique absolument unique. On peut y rester des heures. Je vous recommande d’apporter vos jumelles et de faire comme si vous étiez en pleine nature. Vous pourrez y observer des oiseaux spectaculaires, mais aussi des primates. Je mets au défi les passionnées et passionnés de science de repérer le paresseux !   


Bonne Semaine de la culture scientifique à toutes et à tous !