Pour que plus d’enfants puissent marcher en toute sécurité vers l’école, plusieurs parents souhaitent une présence accrue des brigadiers dans les corridors scolaires. Contraintes budgétaires obligent, leur nombre stagne toutefois depuis 10 ans, ce qui force les autorités à jongler avec le même dilemme à chaque rentrée : où placer ces brigadiers? Quelles traverses nécessitent impérativement leur présence? Comment évaluer la dangerosité d’une traverse? Bonne nouvelle : une équipe de recherche dirigée par Marie-Soleil Cloutier, professeure-chercheure au Centre Urbanisation Culture Société de l’INRS, développe un outil pour répondre à ces questions.
Ils font tellement partie du paysage québécois qu’on les prend pour acquis. Pourtant, les brigadiers scolaires adultes rémunérés représentent une espèce extrêmement rare, comme l’a constaté Marie-Soleil Cloutier. « On pourrait croire qu’il y a des brigadiers dans tous les pays, mais ce n’est pas du tout le cas, explique-t-elle. Il s’agit d’un élément qui fait partie de notre héritage britannique. Il y a quelques pays du Commonwealth qui en ont – l’Angleterre et l’Australie –, en Israël également, mais dans la majorité des pays, ça n’existe pas. »
Un projet en deux temps
Pour son projet de recherche, Marie-Soleil Cloutier s’est concentrée sur le cas des 700 brigadiers scolaires adultes du territoire du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), qui est en charge d’encadrer et de superviser leur travail.
Premier volet de l’étude : recueillir les témoignages des brigadiers par l’entremise d’un questionnaire envoyé par la poste et de groupes de discussion. Second volet : cartographier les 500 et quelque traverses scolaires à l’aide de bases de données et d’observations sur le terrain afin de documenter le type d’aménagements routiers (dos d’âne, marquage au sol, terre-plein, feux de circulation, etc.). Réalisée en collaboration avec le SPVM, cette étude est une des premières au monde à documenter la réalité des brigadiers scolaires.
« Il est difficile de choisir où et quand un brigadier ne devrait plus être en fonction, mentionne la professeure Cloutier. Bien souvent, l’influence de parents plus insistants, conjuguée avec les observations des policiers, détermine la présence d’un brigadier à une intersection. Nous, on veut développer une méthode plus objective et universelle pour faciliter cette prise de décision. » Elle souhaite que son outil, qui devrait voir le jour à l’automne, soit utilisé non seulement par le SPVM, mais par toutes les personnes qui influencent la répartition des brigadiers, et ce, dans toutes les municipalités.
Une combinaison de mesures pour sécuriser les corridors scolaires
Entamée en 2012, la collecte d’information auprès des brigadiers s’est déroulée rondement, raconte Marie-Soleil Cloutier. Ces derniers ont répondu en grand nombre au questionnaire, avec un taux de participation de 58 %, et plusieurs d’entre eux ont participé à des groupes de discussion. Sans surprise, les chercheurs ont constaté que les brigadiers prennent très à cœur leur travail et la sécurité des enfants. Parmi les irritants, la circulation automobile à la hausse et les usagers de la route irrespectueux sont pointés du doigt.
Certains conducteurs – des parents en particulier – roulent si rapidement qu’ils représentent un danger pour les enfants… et les brigadiers. Quels sont les meilleurs aménagements routiers pour sécuriser une traverse scolaire? À ce sujet, les brigadiers ont des opinions assez variées.
À propos des feux d’intersection (avec ou sans bouton de contrôle) ou des terre-pleins, on ne s’entend pas, alors que les dos-d’âne sont généralement jugés inutiles. Pour Marie-Soleil Cloutier, il s’agit là d’un signe qu’il n’existe pas un type d’aménagement « miracle », d’où l’importance de développer une démarche systématique pour évaluer le potentiel de risque de chaque traverse ainsi que ses besoins en aménagement et en présence brigadière.
Mais les brigadiers ne représentent pas l’unique moyen de sécuriser les corridors scolaires, rappelle-t-elle, car de bons aménagements routiers peuvent également être efficaces. À cet effet, la professeure cite en exemple le quartier Rosemont, qui a sécurisé l’ensemble des rues et traverses autour des écoles au printemps 2014. « Dans un monde idéal, il y aurait beaucoup plus de budgets pour les brigadiers, conclut-elle, mais je ne crois pas que ce soit réaliste d’espérer cela. Avec de bonnes combinaisons d’aménagements, comme des rétrécissements de voie et des traverses surélevées, on diminue la proportion du bitume alloué à l’automobile, ce qui peut aussi être très efficace pour apaiser la circulation. »
Faire du chemin des écoliers un parcours moins risqué? Un rêve qui pourrait devenir réalité au Québec grâce aux recherches de Marie-Soleil Cloutier, au grand plaisir des parents… et des enfants!
Cet article a été publié initialement dans le webzine PlanèteINRS.
Photos © Christian Fleury