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Des chercheurs de l’INRS et de l’Institut FEMTO-ST en France ont utilisé une nouvelle technique de détection permettant de dilater le temps et de révéler ainsi, pour la première fois, comment des impulsions lumineuses brèves et intenses peuvent être générées de façon aléatoire à partir d’un faisceau laser initialement stable. Ces observations fondamentales confirment des prédictions théoriques établies depuis plusieurs décennies, et pourraient avoir des conséquences importantes pour la prédiction des vagues scélérates – très hautes, soudaines et surtout très rares – à la surface des océans ou l’apparition d’autres évènements extrêmes dans la nature. Ces vagues similaires existent également en optique sous forme d’impulsions lumineuses brèves et intenses. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Communications du 19 décembre 2016.
Les instabilités, le chaos et les turbulences dans les systèmes physiques sont des phénomènes aléatoires naturels, généralement très sensibles aux fluctuations des conditions initiales, si petites soient-elles. Pour comprendre ces phénomènes complexes et omniprésents dans la nature, les chercheurs ont récemment eu recours à des expériences impliquant la propagation d’ondes lumineuses dans des fibres optiques et menant à la formation d’impulsions de durées extrêmement brèves, de l’ordre de la picoseconde (1 millionième de millionième de seconde). Cependant, ces observations ont été faites jusqu’à présent de manière indirecte, en raison du temps de réponse limité des détecteurs actuels trop lents pour détecter l’occurrence de tels évènements rares en temps réel.
Des expériences récentes menées à l’Institut Femto-ST à Besançon dans le cadre d’une collaboration internationale regroupant des équipes de recherche canadienne, française, finlandaise et irlandaise, ont permis de surmonter cette limite par une nouvelle approche expérimentale reposant sur l’utilisation d’une lentille temporelle.
« De manière analogue à un stroboscope permettant de visualiser l’évolution d’une balle qui rebondit dans l’obscurité, ou les mouvements de danseurs dans une discothèque, la lentille temporelle peut capturer un million d’instantanés du champ optique chaque seconde, tout en dilatant l’échelle de temps d’un facteur 100. Cette approche nous a permis de mesurer efficacement les caractéristiques des impulsions lumineuses avec une résolution temporelle accrue par le biais de détecteurs électroniques conventionnels. »
Benjamin Wetzel, chercheur dans le groupe du professeur Morandotti au Centre Énergie Matériaux Télécommunications de l’INRS
Grâce à ces expériences inédites, les chercheurs ont observé en temps réel les dynamiques chaotiques et la formation d’impulsions géantes de lumière avec une intensité de plus de 1000 fois supérieure à celle des fluctuations initiales du laser. Ils ont utilisé un effet papillon en optique connu sous le nom d’instabilité modulationnelle qui amplifie le faible bruit intrinsèquement présent dans le faisceau laser.
Ces résultats expérimentaux, qui ont permis de valider des études théoriques des années 1980, ont une portée qui va bien au-delà du domaine de la photonique, puisqu’un processus similaire d’amplification du bruit est généralement considéré comme un des mécanismes précurseurs des vagues scélérates et destructrices qui peuvent apparaitre de manière soudaine à la surface des océans, mais également dans bien d’autres systèmes physiques, tels que dans la dynamique du plasma dans l’univers primitif. John Dudley, professeur à l’Université Bourgogne Franche-Comté, précise qu’ « il existe de nombreux systèmes dans la nature où il est très difficile d’étudier les turbulences expérimentalement, mais la capacité à dilater les échelles de temps en optique ouvre désormais une nouvelle voie pour l’exploration et la compréhension des évènements extrêmes de la nature ».
Real-time measurements of spontaneous breathers and rogue wave events in optical fibre modulation instability. M. Narhi, B. Wetzel, C. Billet, S.Toenger, T. Sylvestre, J.-M. Merolla, R. Morandotti, F. Dias, G. Genty, J. M. Dudley. Nature Communications 7, DOI: 10.1038/ncomms13675 (2016).
Single-shot observation of optical rogue waves in integrable turbulence using time microscopy. P. Suret, R. El Koussaifi, A. Tikan, C. Evain, S. Randoux, C. Szwaj & S. Bielawski. Nature Communications 7, Article number: 13136 (2016).
L’équipe est constituée de chercheurs de la Tampere University of Technology (Finlande), de l’Institut national de la recherche scientifique (Canada), de l’University College Dublin (Irlande) et de l’Institut FEMTO-ST, CNRS (France).