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Une équipe de l’INRS parvient à utiliser l’imagerie ultrarapide à prise unique dans un système térahertz.
De gauche à droite : Junliang Dong, Pei You, et Alessandro Tomasino. Crédit : Robin Helsten.
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ne équipe de recherche de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) dirigée par le professeur Roberto Morandotti a mis en évidence pour la première fois la réalisation d’un système de photographie térahertz (THz) ultrarapide à prise unique. Cette réalisation importante permettra de fournir l’évolution spatiale et temporelle des dynamiques ultracourtes avec une résolution de moins d’une picoseconde. En d’autres termes, les chercheurs pourront désormais découvrir les secrets de la nature qui contrôlent la dynamique, ce qui nécessite des vitesses d’imagerie dépassant largement les limites des capteurs électroniques.
Contrairement à ce qui se fait dans le domaine de l’optique conventionnel, l’imagerie ultrarapide à prise unique avec rayonnement THz reste inexplorée. Cela est principalement dû au manque criant de dispositifs appliqués dans le régime de fréquences THz, comme les modulateurs et les caméras à grande vitesse, qui sont généralement indispensables pour réaliser l’imagerie ultrarapide.
« Ce travail est une réalisation majeure de notre équipe et de nos collaborateurs dans le domaine de l’optique. En tirant parti de la capacité de pénétration unique du rayonnement THz, notre système a pu capturer des événements ultracourts dans des situations optiques opaques, qui ne peuvent généralement pas être capturés à l’aide des fréquences optiques conventionnelles. »
Professeur Roberto Morandotti, responsable scientifique du Laboratoire de manipulation ultrarapide de faisceaux lumineux
« Grâce à nos travaux, nous pouvons désormais filmer des phénomènes irréversibles ultrarapides avec un intervalle de temps entre les images inférieur à une picoseconde », ajoute le premier auteur de l’étude, Junliang Dong, associé de recherche dans le laboratoire de Roberto Morandotti de l’INRS.
La photographie ultrarapide à prise unique est devenue une technique clé pour étudier la dynamique complexe responsable de divers phénomènes ultrarapides dans la nature. Propulsée par les récentes avancées dans les domaines des lasers ultrarapides, des caméras à grande vitesse et de l’imagerie informatique, l’imagerie optique ultrarapide a prise unique a permis de capturer des scènes transitoires en deux dimensions à plus d’un billion d’images par seconde, soit une vitesse permettant de visualiser des impulsions optiques se déplaçant dans l’espace à la vitesse de la lumière.
Cependant, jusqu’à présent pour que les techniques d’imagerie ultrarapide à prise unique à la fine pointe de la technologie fonctionnent, les cibles d’imagerie doivent être optiquement transparentes. C’est pourquoi ces techniques ne peuvent être utilisées pour étudier de nombreux phénomènes ultrarapides critiques se produisant dans des milieux à faible profondeur de pénétration optique, comme la dynamique de l’ablation de la céramique par laser, la magnétisation des films ferreux et les excitations des porteurs de charge des semi-conducteurs.
Récemment, l’imagerie utilisant le rayonnement THz a suscité un grand intérêt en raison de sa capacité à « voir à travers » divers matériaux. Toutefois, en raison de l’absence de caméras THz à grande vitesse, ce type d’imagerie à prise unique en est encore au stade embryonnaire.
Pour ces travaux, l’équipe de Roberto Morandotti du Centre Énergie Matériaux Télécommunications de l’INRS a utilisé la technique d’échantillonnage électro-optique de détection THz avec un faisceau de sonde optique judicieusement conçu, qui est simultanément multiplexé dans les domaines temporels et de la fréquence spatiale.
« Comme elle ne repose que sur des composants optiques couramment disponibles, tels que des diviseurs de faisceaux, des lignes à retard optique, des caméras CCD, notre technique permet de se passer de dispositifs THz adaptés aux grandes vitesses. Elle est suffisamment puissante pour filmer les scènes », explique le professeur Roberto Morandotti.
Comme elle se produit dans un espace à deux dimensions et à des échelles de temps allant de la femtoseconde à la picoseconde, l’imagerie en temps réel de ces événements transitoires dépend de divers mécanismes fondamentaux. Ceux-ci demeurent complexes, voire inaccessibles pour la plupart, entre autres pour des réactions chimiques ou des interactions entre la lumière et la matière.
Traditionnellement, les méthodes pompe-sonde sont utilisées pour enregistrer la dynamique ultrarapide par mesures répétées. Néanmoins, de nombreux phénomènes ultrarapides présentent d’importantes variations et de faibles taux d’occurrence entre les clichés, ce qui les rend non reproductibles.
Selon les chercheurs, leur système devrait constituer un outil sans précédent pour l’étude des dynamiques non reproductibles ou destructrices dans les matériaux et les structures complexes (p. ex., les matériaux en deux dimensions), et même dans la matière biologique qui est généralement opaque (p. ex., la peau et la cornée).
L’article « Single-shot ultrafast terahertz photography» a été publié le 27 mars 2023, dans la revue Nature Communications, par Junliang Dong, Pei You, Alessandro Tomasino, Aycan Yurtsever and Roberto Morandotti.
Ces travaux ont reçu un soutien financier du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), du Fonds de Recherche Québec – Nature et technologies (FRQNT), le Programme des chaires de recherche du Canada. Le premier auteur Junliang Dong est récipiendaire d’une bourse postdoctorale Mitacs Élévation.