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Une nouvelle étude menée par l’INRS révèle une facture salée à venir.
Chaque année, la chaleur extrême a des effets néfastes sur la santé de la population québécoise. Jusqu’à présent, on ne disposait que de peu de données sur les coûts sanitaires associés à ces événements météorologiques. Une équipe de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) a collaboré avec l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et Santé Canada pour réaliser une étude exhaustive visant à estimer les coûts de santé actuels et futurs liés à la chaleur extrême au Québec.
Leurs résultats, qui ont été publiés récemment dans la revue Science of the Total Environment, amènent une réflexion collective sur la prévention et la mise en place de mesures d’adaptation à court et à long terme dans le contexte des changements climatiques. Ces résultats feront par ailleurs l’objet d’une présentation dans le cadre de la 10e édition du Symposium Ouranos 2025 (du 28 au 29 janvier), un rendez-vous québécois incontournable au chapitre de la climatologie et de l’adaptation aux changements climatiques.
« Cette étude est novatrice, car c’est la première à estimer de manière aussi exhaustive les coûts historiques et futurs associés à la chaleur extrême pour l’ensemble du Québec. De plus, on y distingue les différents types de coûts et leurs répercussions sanitaires, notamment sur le taux de mortalité, les hospitalisations, l’absentéisme ou encore la diminution du bien-être. »
Jérémie Boudreault, candidat au doctorat sur mesure en science des données et santé environnementale et premier auteur de l’étude.
Les conclusions de l’étude révèlent que le fardeau associé à la chaleur au Québec se chiffre annuellement à 15 millions de dollars en termes de soins de santé (coûts directs), à 5 millions de dollars en termes d’absentéisme (coûts indirects) et à 3,6 milliards de dollars en pertes de vies humaines et de bien-être, c’est-à-dire la diminution des activités durant les périodes de forte canicule (coûts intangibles). Ces coûts sont une moyenne annuelle pour la période allant de 1990 à 2019.
L’équipe s’était déjà penchée sur le fardeau sanitaire d’épisodes de chaleur prolongés sur plusieurs jours et les effets sur la santé de la population dans une précédente étude.
D’après ces nouveaux travaux, les coûts sont appelés à augmenter considérablement dans les 50 prochaines années en contexte de changements climatiques et de croissance démographique. La mortalité et la morbidité liées à la chaleur, ainsi que la quantité de vagues de chaleur extrême, pourraient être multipliées par 2, voire par 5, d’ici 2050. Quant aux coûts totaux, ils pourraient être multipliés par 3 selon un scénario climatique et démographique médian, et par 5 selon un scénario plus pessimiste.
La quantification des coûts sanitaires liés aux chaleurs extrêmes pourrait permettre d’accentuer et d’accélérer la mise en œuvre de mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’adaptation à la chaleur. Les futurs travaux de l’équipe porteront d’ailleurs sur des analyses coûts-bénéfice de ces mesures d’adaptation.
Selon cette nouvelle étude, les coûts sanitaires de la chaleur extrême sont donc aussi importants que ceux associés à d’autres événements météorologiques extrêmes, mais sont souvent méconnus ou invisibles à l’heure actuelle. Par exemple, les inondations de 2024 causées par l’ouragan Debby ont coûté 2,5 milliards de dollars en pertes assurables au Québec, alors que les coûts intangibles de la chaleur sont de l’ordre de 3,6 milliards de dollars chaque été au Québec. Et ceux-ci pourraient même atteindre 17 milliards de dollars en 2050 si aucune mesure d’adaptation supplémentaire n’est prise.
« Au Québec, les coûts sanitaires de la chaleur au niveau sociétal se calculent déjà en milliards de dollars chaque année. Il est urgent de mettre en place des mesures pour limiter ces coûts, surtout quand on sait qu’ils pourraient être multipliés par 5 d’ici 2050 si rien n’est fait. Cette étude apporte un argument économique supplémentaire pouvant aider les décideurs et la population à mieux s’adapter aux conséquences de la crise climatique. »
Fateh Chebana, professeur à l’INRS, expert en sciences des données appliquées à l’environnement et la santé environnementale et coauteur de l’étude.
L’article intitulé « Projecting the overall heat-related health burden and associated economic costs in a climate change context in Quebec, Canada » a été coécrit par Jérémie Boudreault (INRS, INSPQ), Éric Lavigne (Santé Canada, Université d’Ottawa), Céline Campagna (INRS, Université Laval, anciennement INSPQ) et Fateh Chebana (INRS). Il a été publié dans la revue Science of the Total Environment. DOI : https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2024.178022
Pour ces travaux de recherche, le premier auteur Jérémie Boudreault a été financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) via une Bourse d’études supérieures du Canada Vanier, par les Instituts de recherche en santé du Canada, par Ouranos et par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).