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11 janvier 2019 | Stéphanie Thibault
Mise à jour : 21 mai 2021
En levant le voile sur un phénomène moléculaire se produisant à une vitesse fulgurante, les travaux du doctorant Samuel Beaulieu figurent au classement des 10 découvertes de l’année 2018 de Québec Science. Le jeune chercheur, sous la codirection du professeur François Légaré de l’INRS et de Yann Mairesse de l’Université de Bordeaux, a réalisé une percée dans la compréhension fondamentale de la chimie. Il a démontré qu’un type de réaction chimique élémentaire est très légèrement avantagé en comparaison à son image miroir et survient à peine 7 attosecondes plus tôt, ce qui fut suffisant dans l’Histoire pour créer un monde d’une surprenante asymétrie.
Pour certains objets distincts de leur image miroir, l’asymétrie joue un rôle déterminant dans leur fonction, comme on le constate en enfilant un gant droit dans la main gauche. Cette propriété est appelée la chiralité. On la retrouve à toutes les échelles dans notre univers, des particules élémentaires aux galaxies.
Au niveau moléculaire, le rôle important de la chiralité est magnifié dans les organismes vivants : ils sont constitués de briques élémentaires chirales de forme bien déterminée, et jamais de leur image miroir. Par exemple, les hélices d’ADN tournent toutes dans le même sens : elles sont homochirales. L’origine de l’homochiralité de la vie reste un mystère et l’une des hypothèses pour l’expliquer repose sur la façon inégale dont les molécules de base auraient réagi dans l’espace interstellaire. Une forme d’une molécule aurait éjecté un électron plus facilement que son image miroir, changeant les proportions des deux formes de molécules dans l’univers.
« Afin d’étudier les propriétés subtiles du mécanisme de l’asymétrie de l’ionisation », explique Samuel Beaulieu, « nous avons utilisé un laser ultrarapide polarisé circulairement, dont le champ électrique décrit une hélice. Lorsque cette lumière atteint la molécule chirale, elle provoque l’éjection d’électrons qui s’enroulent autour du faisceau laser et se dirigent préférentiellement vers l’avant ou vers l’arrière, comme un écrou sur une vis. » Samuel Beaulieu est parvenu avec ses collègues à mesurer très précisément l’éjection de ces électrons. Ils ont découvert que, pour les molécules de camphre, les électrons étaient émis vers l’avant sept attosecondes (sept milliardièmes de milliardième de seconde) plus tôt que dans la direction opposée.
Ainsi, l’expérience reproduit les premières attosecondes d’un processus qui pourrait avoir mené à l’émergence de l’asymétrie de la vie en se produisant dans l’espace pendant des milliards d’années. Les travaux entourant cette importante découverte ont été publiés dans la revue Science. Félicitations à Samuel, au professeur Légaré, à Yann Mairesse et à leurs collaborateurs !