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Avec le soutien des Instituts de recherche en santé du Canada, le professeur Yves St-Pierre et ses collègues de l’INRS développent des molécules très spécifiques pour bloquer la progression des cancers du sein triple négatifs.
Particulièrement agressifs, ces cancers laissent peu d’avenues thérapeutiques aux patientes qui en sont atteintes et représentent un véritable casse-tête pour les scientifiques. Le professeur à l’INRS Yves St-Pierre, immunologiste, poursuit une piste qui pourrait contribuer à améliorer le pronostic. Avec ses collègues Nicolas Doucet et David Chatenet, également de l’INRS, il développe une stratégie qui permettrait au système immunitaire de reprendre le contrôle et qui réduirait l’apparition de métastases.
À la base, chaque traitement part d’un petit engrenage dans la machinerie du cancer que l’on tente d’enrayer. Le défi : cibler la pièce de l’engrenage qui permettra le mieux d’arrêter les mécanismes qui font progresser le cancer sans nuire à ceux qui sont bénéfiques ou même essentiels pour les cellules saines. Selon les résultats des recherches du professeur St-Pierre, la protéine galectine-7 (GAL-7) serait une pièce de l’engrenage tout indiquée pour cibler plusieurs cancers, dont les cancers du sein triple négatifs.
Cette protéine, produite par la cellule cancéreuse, stoppe l’action du système immunitaire dans l’environnement de la tumeur et facilite l’évasion de cellules qui formeront des métastases ailleurs dans le corps. Les cellules cancéreuses sont pratiquement les seules cellules adultes à produire GAL-7.
Mais, comme son nom l’indique, GAL-7 a des cousines, des protéines apparentées comme GAL-1 ou GAL-3, qui lui ressemblent beaucoup. Ces dernières sont actives dans certaines cellules saines. Les traitements doivent éviter de les affecter en ciblant uniquement GAL-7.
En analysant de plus près l’activité de GAL-7, les scientifiques ont passé au crible les structures et les mécanismes sur lesquels ils pouvaient agir. Ils ont mis au point une stratégie très prometteuse : en bloquant une petite section de la protéine avec une molécule, ils empêchent son activation. Cette section est la clé très spécifique de GAL-7. En la visant de façon très précise, aucune autre galectine n’est touchée.
La molécule qui empêche GAL-7 d’agir est appelée un peptide d’interférence à la dimérisation ou DIP.
« Nous en avons créé plusieurs que nous travaillons à caractériser. »
Yves St-Pierre.
Pour les concevoir, il a fait appel à Nicolas Doucet, expert dans la structure des protéines, et à David Chatenet, spécialiste de la synthèse de peptides. Tous les deux font de l’ingénierie moléculaire et c’est grâce aux DIP qu’ils ont développé que nous pouvons tester notre stratégie ajoute le chercheur.
Les premiers essais visaient essentiellement à vérifier si l’idée fonctionne : peut-on bloquer spécifiquement GAL-7 avec un DIP et voir un effet sur les cellules cancéreuses en laboratoire ? La réponse est oui : la protéine est inactive en présence de DIP, alors que les autres galectines ne sont aucunement compromises. De plus, on observe que lorsque GAL-7 est inactivé par DIP, les cellules immunitaires retrouvent leur force de frappe contre les cellules cancéreuses, ce qui est très encourageant quant au potentiel thérapeutique de cette stratégie. Motivés par ces résultats, les chercheurs de l’INRS se lancent maintenant dans une seconde phase de développement. Les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ont attribué à l’équipe une subvention qui leur permettra de développer une nouvelle génération d’inhibiteur capables d’interférer avec la dimérisation et de procéder à des études précliniques pour en étudier leur potentiel pour le traitement des cancers du sein triples négatifs. Ces inhibiteurs de deuxième génération sont plus efficaces et plus stables, s’approchant ainsi d’une forme qui pourrait être administrée à des humains.
« Nous avons encore beaucoup à faire mais cette deuxième étape est vraiment enthousiasmante. «
Yves St-Pierre
Mon équipe, mes collègues et les professionnels qui nous appuient à l’INRS travaillent tous de concert pour relever ce défi scientifique et je leur suis extrêmement reconnaissant.
Si les expérimentations planifiées au cours des trois prochaines années sont concluantes, un traitement basé sur l’utilisation de ces inhibiteurs aurait de nombreux avantages. D’abord, la spécificité du traitement permettrait d’utiliser des doses très faibles de médicament et réduirait les effets indésirables. Aussi, par son mode d’action, le traitement pourrait être combiné avec d’autres stratégies, telles que l’immunothérapie, pour profiter à plein des forces de plusieurs outils thérapeutiques et vaincre les cancers du sein triples négatifs en plus grand nombre.
Le cancer, ce fléau