- Ma recherche en série
Sensible aux questions environnementales, j’ai décidé d’entreprendre des études en lien avec la protection de la planète lorsqu’est venu le moment de choisir un parcours universitaire. J’étais particulièrement enthousiaste à l’idée d’explorer les diverses façons de décontaminer les sols par la bioremédiation, une branche qui étudie l’ensemble des techniques utilisées pour dépolluer un site naturel (sols, sédiments, eaux de surface ou souterraines).
Aujourd’hui, mon projet de maîtrise a pris un tournant intéressant et se concentre davantage sur les interactions entre les plantes et les micro-organismes du sol. L’industrialisation de l’agriculture a engendré la diminution de la fertilité du sol, la pollution et la salinisation des eaux souterraines, l’érosion du sol et l’accélération du réchauffement climatique. En étudiant les mécanismes naturels des plantes, il pourrait être possible de rétablir la santé de l’écosystème. Élucider l’interaction plante-microbes est donc essentiel pour garantir la pérennité́ de nos approches agricoles.
Les études sur le sujet démontrent qu’une plante peut interagir avec les espèces microscopiques du sol par l’intermédiaire d’exsudats racinaires caractérisés par divers nutriments (sucres, acides organiques, acides gras et acides aminés), des peptides signalétiques et des protéines antimicrobiennes. Ces molécules assurent l’équilibre du cortège microbien entourant les racines de la plante. Un groupe de molécules manquant au paradigme actuel sont les petits acides ribonucléiques (microARNs). Ces derniers agissent en tant que régulateur et peuvent empêcher l’ARN d’être codé en protéines. Autrement dit : les microARNs peuvent influencer l’expression des gènes de la communauté microbienne. Des études ont observé ce phénomène au sein de la flore intestinale de l’humain, mais à ce jour, aucune publication ne prouve que les plantes relâchent des microARNs.
Selon mes données, des microARNs sont relâchés à l’interface racine-sol, l’endroit le plus actif et diversifié en matière de micro-organismes. Par ailleurs, des microARNs communs entre deux plantes servant de modèles ont été retrouvés. Ce résultat laisse croire que l’interaction entre plante et micro-organismes est un phénomène clé répandu au sein du règne végétal. J’avoue avoir été inquiète en cultivant les plantes pour l’extraction des microARNs : leur petitesse était un secret aussi bien gardé que leur production de microARNs.
Les retombées de mes recherches pourraient apporter une nouvelle vision aux pratiques agricoles québécoises, en harmonie avec l’environnement.
En stimulant la production de microARNs spécifiques chez les plantes d’intérêt agronomique, on pourrait leur permettre d’être plus compétitives en ce qui concerne l’assimilation des fertilisants azotés. Cela se traduirait par une diminution des engrais chimiques dans nos terres, ce qui entraînerait une diminution des pertes dues au lessivage et une réduction des émissions d’oxyde nitreux (N2O), un gaz à effet de serre très nocif (300 fois plus puissant que le dioxyde de carbone [CO2]).
J’espère que mes résultats me conduiront bientôt sur le terrain où j’ai préalablement fait de l’échantillonnage dans plusieurs champs de blé pour une étude portant sur la qualité boulangère et les propriétés biotiques (micro-organismes) et abiotiques (physico-chimie) du sol. Par ailleurs, il serait intéressant de vérifier l’implication des microARNs dans un contexte de résistance à la sécheresse.À plusieurs endroits, les cultures agraires ressentent un stress hydrique (la sécheresse par exemple) de plus en plus prononcé en raison des changements climatiques. Pour en faire l’étude, le Labo Yergeau de l’INRS possède un champ expérimental subdivisé en parcelles de blé recevant différentes quantités de précipitations contrôlées artificiellement, variant entre 100 %, 75 %, 50 % et 25 %.
La prochaine étape sera de caractériser précisément l’interaction microARNs-bactérie au laboratoire. En attendant, j’ai du travail prometteur devant moi, entrecoupé avec l’entretien du champ expérimental ou des visites surprises de renards et de dindes sauvages qui me charment année après année !
Jessica Dozois est inscrite à la maîtrise au programme maîtrise en microbiologie appliquée au Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie, sous la direction des professeurs Étienne Yergeau et Julien Tremblay (Conseil national de recherches Canada). Elle est bachelière en sciences biologiques – orientation biodiversité, écologie et évolution de l’Université de Montréal.
Ma recherche en série présente des projets de maîtrise et de doctorat à l’INRS. Les textes sont rédigés par les étudiant(e)s et révisés par le Service des communications.
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