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La population étudiante au cœur de la recherche

29 septembre 2021 | Julie Robert

Mise à jour : 30 septembre 2021

Des spécialistes en études urbaines échangent sur les dynamiques et les défis locatifs des villes estudiantines.

Une maison en briques

Montréal se hisse au palmarès des meilleures villes étudiantes au monde depuis maintenant plusieurs années.

Le Centre Urbanisation Culture Société et la Fondation de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) organisent une table ronde intitulée Montréal, ville estudiantine : dynamiques et défis locatifs, le jeudi 30 septembre, de 16 h à 18 h.  Y prendront part le professeur Nick Revington et la doctorante en études urbaines Amel Gherbi, tous deux de l’INRS, ainsi qu’Andrée-Anne Lefebvre, de l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE). La discussion sera animée par Cécile Poirier, du Service de l’habitation de la Ville de Montréal. L’événement sera également l’occasion de remettre les dix bourses d’excellence J. A. DeSève, qui encouragent la relève étudiante à l’INRS. 

Montréal, ville attractive à l’international  

Montréal se hisse au palmarès des meilleures villes étudiantes au monde depuis maintenant plusieurs années. Cependant, la ville où il fait « bon étudier » semble avoir son lot de désillusions avec la crise du logement – et la précarité qu’elle engendre – et le développement de résidences étudiantes privées et dispendieuses. Des milliers d’étudiantes et étudiants qui vivent à proximité des universités ont une incidence concrète sur la dynamique de certains quartiers et le tissu social du voisinage. Explication d’un phénomène propre aux villes estudiantines.

Au cours de ses recherches, Amel Gherbi a un peu déconstruit ce discours positionnant Montréal comme la meilleure ville étudiante. 

« Montréal fait énormément d’efforts pour attirer des étudiantes et étudiants étrangers. Et ça marche ! Par contre, la réalité étudiante une fois sur place, comparée aux promesses véhiculées, n’est pas si rose que ça. »

Amel Gherbi, doctorante en études urbaines à l’INRS

La jeune chercheuse consacre sa thèse à la population étudiante issue de l’international et aux transformations récentes du centre-ville montréalais. Ses travaux s’inscrivent dans un processus visant à dégager les enjeux et les dispositifs d’hospitalité qui compliquent l’inclusion des résidentes et résidents temporaires à l’échelle locale.

Montréal a connu une belle diversification de sa population étudiante, au fil des années. Jusqu’en 2017, les gens de nationalité française, américaine et chinoise étaient les plus présents à Montréal. Aujourd’hui, l’attraction des étudiantes et étudiants est tournée vers une population provenant de différents pôles géographiques ciblés. Par exemple, la proportion étudiante venant de l’Inde a été multipliée par neuf entre 2014 et 2019.  


Des résidences privées, une solution inadaptée

Dans le cadre de ses recherches, Amel Gherbi s’intéresse particulièrement à l’ouest de l’arrondissement Ville-Marie, un secteur très peu documenté malgré sa forte présence étudiante.

« Si, de manière générale, les étudiantes et étudiants ont tendance à s’établir sur le Plateau, dans Côte-des-Neiges et dans Ville-Marie, celles et ceux qui arrivent de l’international se retrouvent encore plus près des campus », explique la doctorante.

Actuellement, la majorité des logements universitaires sont développés par des promoteurs immobiliers et des groupes privés, les universités n’ayant pas les moyens d’investir dans le logement étudiant. Il existe toutefois des modèles de coopératives intéressants qui permettent de maintenir des prix abordables pour la population étudiante comme l’a fait l’Université Concordia avec l’organisme UTILE.

« La solution n’est pas uniquement de construire plus de logements. Il faut faire des veilles sur les conditions d’habitation et être en mesure d’établir des collaborations entre la municipalité et les différentes universités quant au logement hors campus, indique Amel Gherbi. Il faut documenter et comprendre les faits et déconstruire ce qu’on sait de la population étudiante, car elle change et se diversifie sans cesse. Et ça, on ne le fait pas à Montréal ! »

« Les étudiants internationaux sont des personnes invisibilisées. Une fois en dehors de l’université, on ne sait pas ce qu’ils deviennent. Il est important de s’en préoccuper car la population étudiante engendre d’autres transformations », ajoute la doctorante.  


L’« estudiantisation », un phénomène délétère pour les quartiers

La métropole abrite une dizaine d’universités de réputation internationale, des cégeps et un nombre grandissant de campus universitaires satellites. Près des trois quarts de la population étudiante étrangère au Québec est concentrée à Montréal, tous niveaux confondus. Or, quelle est l’incidence d’une si forte concentration étudiante sur une ville ?

Le professeur Nick Revington s’intéresse aux causes et aux effets du processus d’« estudiantisation » (ou studentification en anglais) à Montréal, c’est-à-dire la transformation des quartiers par la population étudiante croissante. Ses recherches récentes portent sur le logement étudiant au Canada et l’émergence des résidences universitaires privées. Il vient d’entamer un projet sur l’évolution des quartiers universitaires au Canada depuis les années 1980.

« La forte concentration étudiante a un effet sur le marché locatif. Beaucoup d’étudiantes et étudiants ne sont pas logés par l’université, et c’est aussi plus rentable pour un propriétaire de louer un logement de trois chambres à de jeunes étudiants plutôt qu’à une famille avec deux enfants. »

Nick Revington, professeur à l’INRS

Il souligne qu’n assiste donc à un déplacement des familles moins aisées, souvent issues de l’immigration. C’est le cas dans le quartier Parc-Extension, où la construction du campus MIL a engendré le départ de nombreuses familles. 

Ce processus d’estudiantisation, qui a vu le jour dans les années 2000 au Royaume-Uni, a une incidence concrète sur les dynamiques urbaines de gentrification et de dégradation du cadre bâti ainsi que sur le tissu social du voisinage. Le chercheur cite l’exemple du quartier Milton-Parc, parfois appelé « ghetto McGill », qui est un lieu de tensions permanentes entre la population étudiante qui y habite et le voisinage. Cependant, la grande taille de la métropole fait en sorte que la population étudiante est dispersée et, d’une certaine manière, invisibilisée par d’autres enjeux sociétaux importants, comme l’itinérance.

« Selon moi, beaucoup de villes universitaires pourraient bénéficier d’une part de marché plus élevée de résidences appartenant aux universités. Cela conduirait à avoir moins d’étudiantes et étudiants en résidences privées, qui sont en concurrence directe avec d’autres populations pour des logements abordables dans des quartiers centraux de la ville », lance le professeur Revington. 


Une population étudiante fragilisée par la pandémie

Les résidences ont une fonction de refuge pour de nombreux étudiantes et étudiants qui quittent le nid familial, et sont rassurantes pour les parents. « Il y a un rapport de confiance et de sécurité qui lie l’étudiante ou l’étudiant à l’établissement », lance Amel Gherbi. 

Or, pendant la pandémie, certaines résidences étudiantes ont dû, du jour au lendemain, mettre à la porte des locataires, n’étant pas aménagées pour répondre aux mesures sanitaires exigées. La doctorante Amel Gherbi rapporte que ce phénomène est aussi observable en région, où des universités se voient forcées de louer des chambres d’hôtel ou sur Airbnb pour accommoder leur clientèle.

Le professeur Revington entame d’ailleurs un projet, en collaboration avec l’UTILE, sur les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur le logement étudiant.