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Ma recherche en série – Ensemble pour la diversité ethnoculturelle : le doctorat en études des populations de Diana Peña Ruiz

27 octobre 2022 | Diana Peña Ruiz

Mise à jour : 17 mai 2024

La recherche, une expérience de femme, de migration et de recherche aux horizons variés sous différents ciels.

Diana Peña Ruiz à Montréal

Diana Peña Ruiz à Montréal

La première fois que j’ai entendu parler de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), j’assistais à un cours de démographie à l’Université d’État de Campinas au Brésil. Je me souviens que la professeure essayait de nous convaincre de quitter notre zone de confort et d’aller explorer le monde. Elle était convaincue que l’expérience de la migration nous obligerait à grandir, professionnellement et personnellement.

Selon elle, l’acte de migrer était l’un des chemins possibles (et pas le plus facile) pour élargir notre champ de connaissances. Ses paroles ont immédiatement résonné dans ma tête. En effet, ce n’était pas la première fois que j’abandonnais ma zone de confort pour aller vivre dans un autre pays comme étudiante internationale, puisque je suis née en Colombie et que c’est au Brésil que je réalisais ma maîtrise en démographie.


La recherche : un métier, un art… ou une passion

Diplôme en main, je suis retournée en Colombie, où la vie m’a menée sur différents chemins. Je ne me suis jamais éloignée d’une passion que j’ai cultivée au fil du temps : le métier de chercheuse. Le choix de ces mots n’est pas le fruit d’un hasard et trouve ses fondements dans « El oficio de investigar », un texte inspirant rédigé par l’anthropologue Jorge Durand. À la lumière de cette petite lecture, je considère que faire de la recherche est avant tout un métier qui, comme tout autre, outrepasse les outils techniques et fait appel à diverses compétences, dont l’intuition, la persévérance et la créativité. Un métier ou un art qui a besoin constamment de la pratique et de l’erreur afin d’acquérir l’expertise tant attendue.

C’est l’objectif de poursuivre mes études de doctorat, pour consolider ma formation en tant que chercheuse de haut niveau, qui m’a donné l’envie de tenter l’expérience de la migration de nouveau. En 2020, la province de Québec – et plus précisément l’INRS – a fini par figurer sur la carte de mes possibles destinations. En janvier 2021, l’occasion s’est présentée avec une mission de recrutement international d’étudiantes et d’étudiants universitaires structurée et encadrée par Québec International en étroite collaboration avec le gouvernement du Québec. J’ai donc décidé de me lancer dans l’aventure du doctorat !

Après avoir achevé le processus de sélection, j’ai entamé les démarches nécessaires pour être admise en tant qu’étudiante au doctorat en études des populations, au Centre Urbanisation Culture Société (UCS). En septembre 2021, je suis finalement arrivée à Montréal.

« Débuter un doctorat à l’étranger, loin de ma famille et de mes amies et amis, et en plein milieu d’une pandémie mondiale, me semblait, à ce moment-là, la plus grande folie de ma vie. »

Pourtant, depuis mon arrivée, j’ai créé des liens avec de nombreuses personnes sur et hors campus. J’ai donc rapidement eu le sentiment d’être chez moi, en casa, même si l’hiver montréalais, parfois, voulait me prouver le contraire.

À Montréal et en compagnie de mes collègues de l’INRS

L’INRS m’offre un milieu enrichissant et propice au développement de mes compétences. J’ai l’occasion de m’engager dans la vie étudiante et d’évoluer au sein de l’équipe de recherche de ma directrice de recherche, la professeure Maude Pugliese. Je collabore aussi à plusieurs réseaux développés par le corps professoral, notamment le Partenariat de recherche Familles en mouvance (PRFM). Actuellement, comme étudiante inscrite dans un programme du secteur des sciences sociales, je bénéficie d’une bourse octroyée sur la base de l’excellence des dossiers d’admission ; d’une bourse d’exemption des frais majorés pour les membres étudiants internationaux ; et d’une bourse de spécialisation. J’ai également reçu une bourse de doctorat octroyée par le PRFM.


La migration et la question identitaire

Mon intérêt pour l’étude des migrations est apparu à un très jeune âge, celui où j’ai décidé de construire ma propre identité, façonnée à plusieurs reprises par la migration et par le fait d’être une femme immigrante.

« Au cours de ma trajectoire, j’ai eu l’occasion d’habiter en Colombie, en France, en Angleterre et au Brésil, ce qui m’a permis de développer la capacité de m’adapter facilement à divers contextes multiculturels. »

Mon bagage culturel s’est nourri d’un parcours académique diversifié qui s’est toujours penché sur l’étude des migrations selon différents points de vue : un baccalauréat en anthropologie et une mineure en littérature à l’Université des Andes, en Colombie; une maîtrise en démographie à l’Université d’État de Campinas, au Brésil; puis des études de doctorat en études des populations à l’INRS.

« Toutes ces expériences sont des occasions exceptionnelles de formation interdisciplinaire et, sans doute, le meilleur des choix que je pouvais faire. Je ne le regrette pas du tout ! »

J’ai atterri au Canada avec l’idée de mener un projet de recherche en lien avec les migrations internationales, l’accumulation du patrimoine et les inégalités de genre. Sous la direction de la professeure Maude Pugliese, experte sur les questions des dynamiques familiales, des finances personnelles et des inégalités socio-économiques. Lors de ma première année, j’ai pu explorer de de nouvelles thématiques plutôt reliées à la sociologie de l’économie.

Ma passion pour la recherche m’a permise de me plonger dans un nouvel univers qui me fascinait de plus en plus. Mon attention et ma curiosité ont été attirées par ce que la sociologue Viviana Zelizer a bien su nommer « la signification sociale de l’argent ». Un jour, lorsque je cherchais des références pour ma revue de littérature, je suis tombée sur un livre de la sociologue Supriya Singh intitulé Globalization and Money : A Global South Perspective. La beauté de son écriture et la puissance de ses travaux de recherche m’ont totalement captivée. Je n’aurais jamais imaginé que, quelques mois plus tard, j’allais la rencontrer en personne, dans le cadre d’un colloque international.

Les études sur les migrations sont nombreuses, mais peu abordent la question des finances personnelles de façon directe. C’est un sujet difficile sur le plan scientifique puisque parler d’argent n’est pas toujours évident. Le défi m’a totalement séduite. Au fil de mes lectures et des échanges avec ma directrice de recherche, mes idées sont devenues beaucoup plus nettes et beaucoup plus cohérentes.


Inégalités patrimoniales : trajectoires financières des migrants et des migrantes

Mon projet porte sur les accumulations patrimoniales et l’intégration financière parmi les personnes immigrantes d’origine colombienne et résidant dans la ville de Montréal. Le patrimoine correspond à la valeur des actifs qui permettent d’accumuler de la valeur et dont la vente peut assurer des liquidités dans le futur, en dehors de la valeur des dettes. Sa possession permet de faire face aux fluctuations de revenus et peut aider à financer des investissements dans le capital humain, en plus d’être critique pour la retraite ou pour d’autres besoins.

Au Canada et au Québec, l’étude sur les inégalités patrimoniales reste un sujet relativement peu exploré. Quelques études publiées font état d’un désavantage marqué parmi les populations immigrantes ainsi que chez les femmes comparativement aux hommes. En effet, il n’existe pas d’études sur les femmes immigrantes. Mes travaux sont donc basés sur des études sur les immigrants et les natifs, d’une part, et sur les femmes et les hommes au Québec et au Canada (sans faire de distinction par statut d’immigrant). Ces études quantitatives permettent tout de même de chiffrer l’ampleur des inégalités patrimoniales, selon le statut d’immigration et le genre. Cependant, les données actuelles ne permettent pas de cerner les mécanismes par lesquels les personnes migrantes et les femmes sont désavantagées dans l’accumulation du patrimoine.

« Mes recherches visent à combler cette lacune en faisant appel à une approche qualitative afin de décrire les trajectoires financières qui interviennent dans l’accumulation patrimoniale des personnes immigrantes d’origine colombienne au Québec, selon leur genre. »

Vous vous demanderez sûrement pourquoi je m’intéresse particulièrement à la communauté colombienne. Bien sûr, je suis moi-même d’origine colombienne. Mais saviez-vous que la Colombie se classait au deuxième rang parmi les cinq principaux pays d’émigration d’Amérique du Sud?

Depuis 1980, le Canada est l’une des principales destinations de l’émigration colombienne dans le monde. Au Canada, le Québec est la 2e province accueillant le plus de personnes migrantes d’origine colombienne. Actuellement, il s’agit de la principale communauté latino-américaine de la province. Depuis les années 1950, la ville de Montréal est un important pôle d’attraction de cette immigration.

Il me reste encore beaucoup de travail à faire, mais une chose est certaine : parfois, il faut tomber avant d’apprendre à voler. Le doctorat est une longue route parsemée de doutes, d’interrogations et de nombreux défis. C’est surtout un chemin fait de rencontres et d’expériences inoubliables, même si, parfois, il nous oblige à déménager notre vie au complet dans une valise.

Diversité ethnoculturelle

Cet article fait partie des activités proposées dans le cadre de la campagne de l’INRS « Ensemble pour la diversité ethnoculturelle », qui a lieu d’octobre 2022 à mai 2023.