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Ma recherche en série : le doctorat en biologie de Melany Juárez

12 novembre 2021 | Un texte de Melany Juárez

Mise à jour : 10 février 2022

La curiosité intellectuelle peut mener à des études de 2e et 3e cycles et… à changer le monde par la recherche.

Melany Juárez, étudiante au doctorat en biologie.

J’ai toujours été très curieuse. Enfant, j’étais reconnue dans ma famille comme étant la fille à laquelle il fallait tout expliquer. C’était fascinant pour moi de comprendre comment la nature faisait tout ce que je voyais autour de moi. Tout était merveilleux et la vie était trop magique. Alors que je n’avais que sept ans, l’une de mes tantes a reçu un diagnostic de cancer du sein. L’enfant que j’étais ne comprenait pas trop pourquoi elle avait cette maladie si dévastatrice et pourquoi elle perdait son énergie peu à peu.

Cette expérience m’a pourtant énormément marquée et je n’arrivais pas à comprendre pourquoi on comprenait tellement la nature et le corps humain, mais pas assez pour prévenir le cancer. Au fil des traitements, ma tante a heureusement gagné sa bataille contre le cancer. Mais moi je m’étais déjà fait la promesse de changer les choses.


Du rêve d’enfant à la formation universitaire

Lors du choix de mon parcours universitaire, j’ai découvert le programme d’ingénierie en biotechnologie au Mexique à l’ITESM CEM. C’était le « fit » parfait avec ce que je voulais faire dans la vie. Ensuite, c’est grâce à une bourse Mitacs que j’ai eu la chance de venir faire un stage au Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie et de rencontrer la professeure Isabelle Plante. Dès que j’ai découvert ses travaux, j’ai été inspirée par ses connaissances et par sa passion pour l’enseignement, elle m’a donné envie de continuer ma carrière en science.

J’ai donc poursuivi ma formation à la maîtrise sciences expérimentales de la santé à l’INRS.

photo de graduation de Melany Juarez
Melany Juárez

«Mes travaux avaient pour objectif de développer un modèle qui pourrait représenter la glande mammaire en laboratoire. Ainsi, nous pourrions étudier le cancer du sein sans avoir besoin des animaux ou de tissus humains. Ce type de modèle pourrait apporter des avancées considérables dans le développement des thérapies.»

Melany Juárez, étudiante au doctorat en biologie.

Actuellement, pour tester les médicaments ou les effets de produits toxiques, les chercheurs utilisent des cellules humaines pour leurs expériences in vitro. Ensuite, pour confirmer l’efficacité de thérapie ou déterminer les effets néfastes des produits toxiques, les expériences sont réalisées avec des animaux. Malheureusement, il y a parfois des différences énormes entre les résultats obtenus avec la culture cellulaire et les animaux, et encore plus quand lorsqu’on compare aux femmes. Mon modèle de culture 3D sera plus représentatif et permettra de mieux prédire les effets des médicaments.


La suite au doctorat

Depuis janvier 2020, je poursuis des études de doctorat en biologie, dans la même équipe. Je travaille maintenant avec des molécules qui sont reconnues pour être des perturbateurs endocriniens (PE). Depuis quelques années, on entend beaucoup parler des PE, sans nécessairement savoir où on les retrouve et à quoi ça ressemble. Les perturbateurs les plus courants se trouvent dans le bisphénol A (BPA), les fragrances utilisées dans les produits de beauté, les dioxines, les pesticides comme le DDT et les retardateurs de flammes.  

Ces molécules arrivent à tromper nos cellules en interférant avec les signaux réels de notre corps transmis par les hormones. En résumé, elles bernent notre corps en lui faisant croire que les signaux sont produits par lui. En faisant cela, elles modifient l’équilibre hormonal de nos cellules et entraînent une dérégulation qui peut mener au cancer du sein.

« Puisque chaque étape cruciale de notre vie est contrôlée par des messages spécifiques, une dérégulation par les PE peut amener des conséquences différentes, si on est exposé dans le ventre de nos mères ou pendant la puberté par exemple.»

Melany Juárez

De mon côté, je me concentre sur les effets des retardateurs de flamme bromés (BFR) lors d’une exposition in utero et pendant la lactation, deux moments correspondant à des périodes de sensibilité pour le développement de la glande mammaire pour l’enfant, mais aussi pour la mère. J’utilise un mélange de BFR et une concentration représentative de l’exposition humaine. Même si les BFR ont été interdites dans quelques pays dans les années 2000, des produits qui en contiennent sont toujours utilisés et continuent à être libérés dans l’environnement.

L'équipe de recherche avec Alec Mcdermott, Melany Juárez, Alexandre Petit, Julie Salagnad, Laurine Mattia, Eva Chartier, Rita Gouesse, Belinda Crobeddu et la professeure Isabelle Plante (gauche à droite).
L’équipe de recherche composée de Alec Mcdermott, Melany Juárez, Alexandre Petit, Julie Salagnad, Laurine Mattia, Eva Chartier, Rita Gouesse, Belinda Crobeddu et la professeure Isabelle Plante (gauche à droite). La photo a été prise avant la pandémie.

Ma thèse va permettre de mieux comprendre les effets de perturbateurs, comme les BFR, dans le développement du cancer du sein. En complément de ces recherches, je fais un stage au laboratoire de la professeure Nathalie Théret à l’Institut de recherche en santé, environnement et travail de l’Université de Rennes, en France. Cette collaboration nous permettra d’améliorer les modèles 3D de la glande mammaire pour la recherche.


Équité, diversité et inclusion en science

En tant que femme et immigrante évoluant dans le milieu scientifique, je pense qu’on a encore beaucoup de travail à faire pour offrir à toutes les personnes les mêmes occasions. Les petits comme les grands gestes vers plus d’équité et de diversité sont importants. En poursuivant la réflexion ensemble, nous pourrons voir des milieux de vie professionnelle plus inclusifs. De mon côté, j’ai dû travailler fort et aller chercher des occasions de me développer comme chercheuse.

C’était un grand rêve de pouvoir continuer mes études au Canada. Pourtant, j’ai dû faire certains sacrifices et beaucoup d’efforts : être loin de sa famille, arriver dans un pays que tu ne connais pas, apprendre une nouvelle langue, sortir de ta zone de confort.

« Mais tout ce parcours professionnel et personnel valait la peine. Maintenant, j’arrive à partager ma passion pour la recherche avec des personnes de différents horizons scientifiques et de partout sur la planète. »

Melany Juárez

Et si parfois cela a été difficile, j’ai toujours été entourée. Mon parcours de femme, de chercheuse, d’immigrante est le reflet d’un travail d’équipe avec ma famille, mon copain, ma directrice de recherche, Isabelle Plante, et mon codirecteur de recherche Mike Wade. Sans compter toutes les amitiés sur lesquelles je peux compter, ici et au Mexique.

Ma recherche en série présente des projets de maîtrise et de doctorat à l’INRS. Les textes sont rédigés par les membres étudiants et révisés par le Service des communications et des affaires publiques