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Nobel de physique : l’INRS à Stockholm avec Gérard Mourou et Donna Strickland

10 décembre 2018 | Stéphanie Thibault

Mise à jour : 10 mai 2023

À Stockholm, en Suède, chaque 10 décembre est un jour de célébration du savoir et de la science, alors qu’une éminente assemblée remet les médailles des prix Nobel. Les physiciens Gérard Mourou et Donna Strickland, lauréats 2018, sont à l’honneur cette année pour l’invention de l’amplification par dérive de fréquence, une méthode qui a révolutionné la science des lasers. Reconnaissance scientifique ultime, ce prix Nobel revêt une importance toute particulière pour l’INRS, qui est très fier d’être associé aux travaux primés. Deux proches collaborateurs des lauréats, les professeurs Henri Pépin et Jean-Claude Kieffer, ont été conviés à la cérémonie pour partager ce moment unique.

Donna Strickland et Gérard Mourou, lauréats 2018 du prix Nobel de physique
Donna Strickland et Gérard Mourou, lauréats 2018 du prix Nobel de physique  

Au début des années 1980, à l’Université de Rochester, Gérard Mourou était confronté à une question pressante pour la science des lasers. La puissance déployée par les lasers provoquait des bris matériels, freinant du même coup les avancées scientifiques pour rendre les lasers plus puissants. Le concept qu’il élabore à cette époque change la façon dont les impulsions lasers sont générées afin d’en accroître grandement l’intensité, sans mettre à mal les équipements des laboratoires.   

Alors étudiante au doctorat sous la direction du professeur Mourou, la Canadienne Donna Strickland s’affaire à traduire le concept encore théorique en un montage expérimental fonctionnel, une tâche d’une incroyable complexité. Dès les débuts de ces importants travaux, le professeur Henri Pépin de l’INRS collabore avec l’équipe de l’Université de Rochester. Jean-Claude Kieffer et Mohamed Chaker, qui travaillaient avec le professeur Pépin, ont été les témoins des premiers balbutiements d’une technologie qui aura un grand impact sur leur carrière.  

« La mise en œuvre expérimentale est certainement aussi complexe que l’idée elle-même »

Insiste le professeur Kieffer.

« Donna Strickland, bien qu’elle fut au doctorat, a occupé une place majeure dans la conception des expérimentations. Il s’agit d’une étape très difficile lorsqu’une idée est aussi nouvelle et que tout est à construire. Elle a donc autant de mérite que l’idéateur, Gérard Mourou, dans cette réussite. »   

En 1989, un premier article scientifique présente des résultats obtenus grâce à l’amplification par dérive de fréquence. Jean-Claude Kieffer y figure comme premier auteur et plusieurs autres chercheurs de l’INRS le signent également. L’équipe de l’INRS poursuit l’étroite collaboration pendant de nombreuses années et est la première au monde à se doter d’un laser basé sur la méthode désormais célèbre.  

Comme le souligne le professeur Kieffer, la technologie conçue par ses collaborateurs est aujourd’hui à la base d’outils en santé, notamment en ophtalmologie pour la détection précoce du cancer du sein, et en agriculture, en plus d’offrir des possibilités immenses en recherche fondamentale.    

Des liens durables avec l’INRS

Inspirés par leurs collaborateurs, les professeurs Henri Pépin, Jean-Claude Kieffer et Mohamed Chaker ont mis sur pied des infrastructures lasers de premier plan au Centre Énergie Matériaux Télécommunications de l’INRS, à Varennes. Le programme de recherche du laboratoire ALLS (Advanced Laser Light Source/ Laboratoire de Sources Femtosecondes) a poussé plus loin les possibilités de la technologie développée par Gérard Mourou et Donna Strickland.   

En 2012, le professeur Mourou, qui était déjà professeur invité et docteur d’honneur de l’INRS, fut le premier titulaire de la Chaire d’excellence Jacques-Beaulieu. Créée par le Centre Énergie Matériaux Télécommunications de l’INRS, cette chaire est attribuée à des personnalités du monde scientifique faisant partie de l’élite internationale dans des domaines de recherche prioritaires pour l’INRS. Pr Mourou a ainsi contribué à faire en sorte que la recherche de pointe sur les lasers ultrarapides demeure visionnaire.  

Depuis le développement du laboratoire ALLS, l’équipe de chercheurs en optique de l’INRS s’est sans cesse enrichie. Jeune professeur aux grandes ambitions, François Légaré s’est joint à l’INRS en 2006. Lorsque le moment fut venu de revoir en profondeur les infrastructures laser, il s’est naturellement tourné vers Donna Strickland pour présider le comité scientifique aviseur, une responsabilité qu’elle assume encore aujourd’hui. Ayant été associée au financement initial du laboratoire, elle a contribué à assurer celui octroyé par la Fondation canadienne de l’innovation (FCI) pour moderniser les infrastructures de l’INRS.  

L’équipe a de plus accueilli en 2012 le professeur Patrizio Antici, un proche collaborateur du Pr Mourou. Les deux scientifiques ont travaillé étroitement pendant la mise en place de l’infrastructure laser phare « Extreme Light Infrastructure (ELI) ». Basé en Europe, ELI œuvre à perfectionner des applications des lasers ultrapuissants. Le Pr Antici développe notamment des accélérateurs de particules de nouvelle génération et des nouvelles applications avec ces particules, utilisant des lasers tels que les deux nobélisés ont permis de développer. Ces accélérateurs de particules constituent une technologie très prometteuse pour améliorer les secteurs de la médecine, de la science des matériaux, de l’astrophysique, et de la recherche sur la physique fondamentale.  

Aux côtés des lauréats du prix Nobel de physique 2018, au moment de la cérémonie de remise de la médaille, les professeurs de l’INRS ne manqueront pas de leur souligner l’importance capitale que leurs travaux ont eu – et ont toujours – sur le positionnement de l’établissement universitaire dans le domaine des lasers ultrarapides et ultrapuissants.   

Nos plus sincères félicitations, madame Strickland et professeur Mourou, et merci! ♦