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Le professeur My Ali El Khakani réalise une percée en sciences des matériaux en contrôlant les propriétés optoélectroniques des films de MoS2.
L’équipe du professeur El Khakani dans son laboratoire de l’INRS.
Une équipe de recherche internationale, sous la direction du professeur My Ali El Khakani de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), vient de faire une découverte surprenante concernant les propriétés du disulfure de molybdène, aussi appelé « MoS2 ». Il s’agit d’un matériau hautement convoité dans le domaine de l’optoélectronique à la frontière entre les sciences de l’optique et de l’électronique.
Les résultats de cette étude, réalisée en collaboration avec l’équipe du professeur Mustapha Jouiad de l’Université de Picardie Jules Verne | UPJV, viennent d’être publiés dans la prestigieuse revue Advanced Optical Materialset font la couverture du numéro du mois de mai.m
Ce travail est le fruit de la thèse de Driss Mouloua, menée en cotutelle au Centre Énergie Matériaux Télécommunications de l’INRS et à l’UPJV sous la direction des professeurs El Khakani et Jouiad. Le Dr Driss Mouloua est actuellement chercheur postdoctoral au Commissariat à l’énergie atomique en France.
« En proposant une nouvelle manière de développer les films de MoS2 avec une orientation verticale, nous ouvrons une nouvelle voie fort prometteuse pour la synthèse de MoS2 étiqueté comme « 3D », mais qui a un comportement exceptionnel « 2D ». Les résultats de ce travail de thèse pourraient mener à des développements innovants dans les domaines de l’optoélectronique et les énergies vertes. »
Driss Mouloua, diplômé au doctorat en sciences de l’énergie et des matériaux à l’INRS
Après l’engouement mondial généré par le graphène et ses applications, le MoS2 apparaît comme un autre matériau bidimensionnel (2D) et, de surcroît, semi-conducteur qui attire beaucoup l’intérêt de la communauté scientifique grâce à ses propriétés exceptionnelles. Ayant été utilisé depuis les années 1970 et 1980 comme lubrifiant solide dans l’industrie aérospatiale et pour la mécanique de haute performance, le MoS2 fait son retour comme matériau stratégique pour l’optoélectronique.
En effet, le MoS2 est un matériau capable d’absorber fortement la lumière et de la transformer en charges électriques avec une grande mobilité électronique, lui conférant ainsi la capacité d’une transmission rapide de signaux. Cette combinaison de propriétés uniques le rend particulièrement attrayant pour le développement d’applications optoélectroniques comme les photodétecteurs, les commutateurs photoniques, les nouvelles générations de cellules solaires ou encore les diodes électroluminescentes (DEL).
Or, toutes ces propriétés sont tributaires de la façon dont les couches monoatomiques (ou « monofeuillets ») de ce matériau 2D, que l’on peut imaginer comme un « millefeuille », sont disposées dans les films. Au fil du temps, les scientifiques ont développé des stratégies de fabrication pour obtenir 2 à 5 monofeuillets atomiques alignés horizontalement, afin de tirer le meilleur des propriétés optoélectroniques exceptionnelles du MoS2.
Avec sa plus récente étude, l’équipe du professeur My Ali El Khakani a changé ce paradigme en démontrant qu’il était possible de synthétiser des films de MoS2 relativement épais (sous forme volumique 3D) mais constitués de monofeuillets de MoS2 alignés verticalement. Pour cela, l’équipe a utilisé une technique novatrice basée sur l’ablation laser pulsée.
En contrôlant les conditions de croissance de ces couches minces de MoS2 et en étudiant leurs propriétés, les chercheurs ont découvert qu’il s’agissait en fait d’un matériau relativement épais, mesurant une centaine de nanomètres (équivalent de ~200 monofeuillets atomiques de MoS2) mais qui se comportait, d’un point de vue optoélectronique, comme un matériau 2D ultramince d’à peine 3 à 5 monocouches atomiques.
« On a finalement un matériau « 3D » qui se comporte comme un matériau 2D. Ce qui est assez intéressent et intriguant ! », lance le professeur El Khakani.
Les chercheurs ont ensuite poussé leurs analyses nanostructurales, en utilisant la microscopie électronique à très haute résolution pour s’apercevoir que plus les plans étaient positionnés à la verticale, meilleures étaient les performances de photodétection. Cette nouvelle morphologie permet au matériau volumique « 3D », où les monofeuillets verticaux de MoS2 interagissent individuellement avec la lumière, d’exhiber les propriétés de la forme « 2D », tout en s’affranchissant des difficultés reliées à la synthèse de quelques monocouches horizontales. L’équipe du professeur El Kakhani a ainsi pu repousser les limites en en jouant sur la verticalité des monofeuillets constituant les films MoS2.
« Non seulement c’est la première fois que l’on arrive à obtenir du MoS2 avec des couches verticalement alignées par la technique d’ablation laser pulsée, mais, encore plus important, nous avons réussi à corréler directement le degré de verticalité des monofeuillets avec la performance de photodétection des films de MoS2. C’est une percée importante qui contribuera à mieux comprendre les phénomènes de confinement quantique dans le MoS2-« 3D », et à améliorer le design des nouveaux composants optoélectroniques à base de matériaux « 2D », comme le MoS2 ou le WS2. »
My Ali El Khakani, professeur à l’INRS
Driss Mouloua, Joël LeBlanc-Lavoie, Loick Pichon, Nitul S Rajput, Mimoun El Marssi, Mustapha Jouiad, and My Ali El Khakani, Tuning the Optoelectronic Properties of Pulsed Laser Deposited “3D”-MoS2 Films via the Degree of Vertical Alignment of Their Constituting Layers, Adv. Optical Mater. 2024, 2302966;
DOI: 10.1002/adom.202302966
Ces travaux de recherche ont été financés par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et par la Région Hauts-de-France.