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La puce optique développée à l’INRS par l’équipe du professeur Roberto Morandotti surmonte plusieurs obstacles qui freinent le développement des ordinateurs quantiques, dont les performances attendues révolutionneraient le traitement de l’information. Cette équipe de recherche internationale a en effet démontré que l’intégration de peignes de fréquences permet de générer simultanément des bits quantiques (qubits) constitués de multiples photons intriqués.
Fondamentalement différente de l’informatique classique, l’informatique quantique repose sur la génération et le traitement de qubits. L’état de ces derniers, plutôt que d’être distinctement un ou zéro, superpose un et zéro. Autre particularité, la combinaison de plusieurs qubits, appelée intrication, permet de modifier l’ensemble en ne manipulant qu’un seul qubit, même s’ils sont physiquement distants. Cette propriété est à la base du traitement de l’information quantique, visant notamment à développer des systèmes informatiques plus rapides ainsi que la transmission de données de manière entièrement sécuritaire.
Le professeur Morandotti a fait le pari de créer des composantes quantiques compatibles avec les technologies déjà éprouvées. Dès le départ, la puce a été conçue par son équipe afin de répondre à de nombreux critères permettant son utilisation directe : compatible avec les circuits électroniques classiques, compacte, son coût de fabrication est faible et elle utilise des fréquences standardisées. Elle offre de plus des possibilités évolutives, une caractéristique incontournable pour en faire la base de systèmes complexes. Toutefois, de tous les défis technologiques dans ce domaine, le plus important demeure la génération d’états multiples, stables et contrôlables des qubits intriqués.
Selon les approches, les qubits pourraient être de différentes natures : le spin d’électrons, le niveau d’énergie d’atomes ou encore les états quantiques de photons sont des candidats pour constituer les qubits. Les photons ont l’avantage de préserver leurs états d’intrication sur de longues distances et périodes de temps. Cependant, générer des photons intriqués dans un dispositif compact et modulaire demeure difficile. « Sans compter que pour pouvoir mener à de réelles applications, plusieurs états différents doivent pouvoir être générés simultanément », ajoute Michael Kues, associé de recherche à l’INRS.
L’équipe dirigée par Roberto Morandotti a relevé ce défi en exploitant pour la première fois un peigne de fréquences optiques intégré pour générer des qubits de lumière intriqués. Les peignes de fréquences optiques, explique Michael Kues, sont des sources de lumière composées de nombreux modes de fréquences également espacés.
« Ils offrent une précision extraordinaire et ont révolutionné la métrologie et les méthodes de détection, en plus de valoir à leurs découvreurs le Prix Nobel de physique en 2005. »
Michael Kues, associé de recherche à l’INRS
À présent, grâce aux peignes de fréquences quantiques intégrés, la puce développée à l’INRS génère, sur plusieurs centaines de modes de fréquences, des qubits multiphotons intriqués. Il s’agit de la première démonstration de la génération simultanée de qubit multiphotons et de paires de photons intriquées : seules des paires de photons intriquées avaient été obtenues auparavant par les systèmes intégrés proposés par les autres équipes de recherche.
Les résultats présentés dans cette publication seront la base de nouvelles recherches tant en photonique quantique intégrée que sur les peignes de fréquences quantiques. Ils pourraient révolutionner les technologies fondées sur l’optique quantique, tout en s’arrimant aux technologies des semiconducteurs actuellement utilisées.
Cette puce fort prometteuse est décrite dans un article publié par la prestigieuse revue Science intitulé « Generation of multiphoton entangled quantum states by means of integrated frequency combs » (DOI : 10.1126/science.aad8532). L’équipe qui signe la publication est composée de Christian Reimer, Michael Kues, Piotr Roztocki, Benjamin Wetzel, Fabio Grazioso, Brent E. Little, Sai T. Chu, Tudor Johnston, Yaron Bromberg, Lucia Caspani, David J. Moss et Roberto Morandotti. Les résultats ont été rendus possibles grâce au soutien financier du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le Conseil de recherche australien, le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies, l’Union européenne par le biais du 7e programme cadre et de Horizon 2020, Mitacs et la City University of Hong Kong.
Ce projet a fait l’objet d’autres publications :